11 INTRODUCTION « L’un des faits marquants de l’évolution du mouvement Hamallis
11 INTRODUCTION « L’un des faits marquants de l’évolution du mouvement Hamalliste fut la naissance du Yacoubisme. Considéré par de nombreux musulmans comme une confrérie dissidente de la Tijanniyya « Onze grains », le Yacoubisme mérite d’être étudié de plus près ». Ce constat, établi par l’historien Alioune Traoré, reste d’une brûlante actualité eu égard à la rareté des travaux consacrés à la personnalité de Yacouba Sylla, en dépit de l’abondance des recherches sur l’islam au sud du Sahara au cours de ces dernières décennies. Le présent article ambitionne donc de combler quelque peu cette lacune en retraçant le parcours de ce disciple de Cheikh Hamallah. Le foyer malien de la confrérie hamalliste à Nioro du Sahel permet de comprendre les tensions et les enjeux de pouvoir entre administration coloniale et élites religieuses. Et surtout, la figure de Yacouba Sylla nous permet de cerner les politiques françaises de contrôle et de répression face aux pouvoirs religieux soudanais et de juger des résistances locales, à la fois résistances contre l’administration française mais aussi conflits internes à la société soudanaise. Enfin le personnage de Yacouba Sylla est un exemple des voies de la pénétration des doctrines religieuses et des pensées politiques dans l’espace ouest-africain à partir de son exil forcé. Trois axes principaux constituent la matrice de notre réflexion. Il s’agit d’abord de restituer le contexte historique à partir duquel se déploie l’action de Yacouba Sylla, d’analyser ensuite le conflit qui va l’opposer à la puissance coloniale française, pour terminer enfin par son parcours d’exilé et sa part dans la diffusion de sa doctrine jusqu’en Côte d’Ivoire. 11 I. PRESENTATION DE YACOUBA SYLLA Après un renouveau religieux malheureux, le professeur soufi Yacouba Sylla et ses partisans sont devenus riches et politiquement influents dans la Côte d'Ivoire de l'après-Seconde Guerre mondiale. Ils ont plaidé pour une compréhension de la démocratisation et du développement qui définisse les deux idées en termes d'expériences mystiques propres à leur communauté et de signification historique mondiale, plutôt qu'en termes de modernité. Afin de donner un sens à leur propre passé et de défendre leur place dans un environnement politique de plus en plus tendu, ces efforts ont trouvé leur articulation la plus explicite dans une histoire puissante sur le refus de Yacouba Sylla d'un cadeau du président ivoirien Félix Houphouët-Boigny. 11 II. L’HISTOIRE DE YACOUBA SYLLA 1. Le patriarche né vers 1906 à Nioro du Sahel (actuel Mali) est décédé à Gagnoa, le 15 août 1988. De Cheick Yacouba Sylla, l’histoire retient le guide religieux, le fondateur, dans les années 1930, d’une communauté soufie inspirée du hamallisme (Yacoubisme), l’entrepreneur dynamique et homme de paix, fidèle compagnon et soutien du président Félix Houphouët-Boigny depuis le lancement du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) en 1946. Cheick Yacouba Sylla était un grand guide religieux qui a imposé le yacoubisme en Côte d'Ivoire Après donc sa libération en 1938, Il y développe des plantations de cacao et de café, organise le transport des produits par camion, ouvre des commerces et fonde une chaîne de cinémas dans les principaux centres d’implantation de sa communauté. Pour perpétuer sa mémoire et ses œuvres, son petit-fils et homonyme Yacouba Sylla, écrivain, poète, auteur de l’œuvre ‘’Les Filles de Gagnoa’’ et président de l’Ong ‘’Lire et Savoir au Tunnel de la Fraternité (Lisaf), a produit un film documentaire intitulé ‘’ Yacouba Sylla, Gagnoa et la Côte 11 d’Ivoire (Tome 1)’’. Véritable incursion dans la vie de celui qu’on appelle affectueusement le ‘’Sage de Gagnoa’’. Le tome 1 du documentaire a eu le mérite d’exhumer l’histoire d’une communauté (les Yacoubistes) désormais appartenant au patrimoine ivoirien. « Il s’agissait pour nous de montrer qui est le personnage mythique qu’on appelle le patriarche Yacouba Sylla, son origine, la raison de sa détention par l’administration coloniale et son exil à Sassandra, celle également de son installation à Gagnoa et nulle part ailleurs », a expliqué le 4 janvier à notre rédaction, le producteur du documentaire qui, dans sa démarche, n’a pas manqué d’exprimé la foi yacoubiste, la pensée spirituelle du patriarche. 2. Son amitié avec Félix Houphouët-Boigny Le documentaire ressort également son amitié avec Félix Houphouët-Boigny et le soutien logistique qu’il lui a apporté pour la mise en place du Rassemblement démocratique Africain (RDA). Sans oublier son statut de grand opérateur économique et sa contribution pour le développement culturel par la construction des salles de cinéma dans 7 villes de la Côte d’Ivoire. « Nous nous réjouissons de l’accueil favorable que le monde de la culture et des Lettres à réservé au documentaire. C’est pourquoi je voudrais ici dire un grand merci à tous nos partenaires qui nous accompagnent dans ce projet. Nous sommes à pied d’œuvre pour boucler le Tome 2 du documentaire qui sera accompagné par un livre intitulé ‘’Yacouba Sylla, acteur de développement’’ et une exposition photographique itinérante portant sur le thème ‘’Houphouët-Boigny et Yacouba Sylla’’, une amitié au service de l’homme, du développement et de la promotion de la paix », a conclu le petit fils du Patriarche de Gagnoa. 11 III. LA MIGRATION SONINKE EN COTE D’IVOIRE : UNE DYNAMIQUE DE LONGUE DUREE Assouaniks, Soninkés, Wangaras, Gangaras, Wakorés, Sarakolés, Markas, mutatis mutandis, ceux qui se désignent eux-mêmes comme étant des Soninkés font partie depuis des lustres des plus importantes diasporas marchandes de l’Afrique de l’Ouest, à cheval entre le Sénégal (vallée du fleuve Sénégal), le Sud mauritanien (Gorgol) et le Mali (Sahel occidental et boucle du Niger). Le foyer malien de cette migration des Soninkés vers la Côte d’Ivoire qui nous intéresse ici s’adosse à un arrière-plan historique dont la profondeur reste à restituer. C’est le but principal de cette étude qui, en faisant le pari de la longue durée, cherche à appréhender les permanences et les ruptures, mais aussi les ressorts des mutations qui ont scandé l’histoire de la migration soninké en Côte d’Ivoire, à la cadence de l’islam et du commerce. De façon générale, cette migration est à situer dans deux mouvements historiques presque simultanés : la progression dans les savanes méridionales ivoiriennes par puissantes migrations échelonnées depuis la crise politique dans la boucle du Niger née de la chute de l’empire du Mali au XIIIe siècle et les infiltrations caravanières, œuvre des pionniers wangaras, et plus tard de leurs émules Jula, dans le cadre du commerce de longue distance organisé principalement autour du sel soudanais, de l’or produit dans la Côte-de-l’Or et de la kola de la forêt ivoirienne. C’est le temps des Julasira. 1. La connexion entre le Sahel La connexion entre le Sahel et le golfe de Guinée, née de ce commerce, fixe le premier cadre de l’expansion soninké vers le golfe de Guinée, précisément en son point connu sous l’appellation de côte d’Ivoire. Mais cette progression soninké vers l’espace qui est devenu officiellement la Côte d’Ivoire à partir de 1893 est indissociable de certains facteurs politiques et économiques exogènes. Il en est ainsi de la présence portugaise sur les côtes africaines au XVe siècle, qui eut pour 11 effet de renverser le courant millénaire du commerce transsaharien : la fameuse victoire de la caravelle sur la caravane, pour reprendre la célèbre métaphore de Vitorino Magalhães Godinho Par la montée en puissance, dès 1482, de la factorerie de São Jorge da Mina, et bientôt de la Casa da Mina, centrale régulatrice du commerce de Guinée, s’amorce en effet une véritable “capture” économique des trafics sahariens, une prise à revers et un détournement des routes de l’or soudanais, de la Méditerranée vers l’océan Indien via l’Atlantique. Quelle est la signification de cette redistribution des cartes pour notre propos ? Elle indique que le basculement, sous la houlette des Portugais, de l’axe du commerce soudanais sur la côte atlantique, au détriment de la Méditerranée et de l’espace arabo-berbère, permit, plus ou moins, le recentrage des activités économiques sur l’espace ouest-africain. 2. Bouleversement qui a largement informé sur les pratiques commerciales de longue distance C’est ce bouleversement qui a largement informé sur les pratiques commerciales de longue distance dont l’épanouissement fut tributaire d’un autre facteur cette fois endogène : entre le XIIe et le XVIe siècle le monde mandingue, fait remarquer Yves Person, est dominé par l’empire du Mali. C’est-à-dire que l’axe de la civilisation soudanaise a fait un bond vers le Sud, se fixant principalement sur le cours du haut Niger, où il se maintiendra jusqu’à l’époque coloniale. C’est là que se développent les villes, centres politiques et commerciaux, tandis que le réseau du commerce de longue distance, en quête d’or et de kola, s’étend largement jusqu’aux franges de la forêt et débouche même sur la mer, vers la côte des Rivières et le golfe de Guinée (Côte-de-l’Or. Principaux animateurs de ce commerce entre le Sahel et le golfe de Guinée, les Wangaras, les Soninkés et plus tard leurs émules jula vont s’appuyer sur l’essor et l’urbanisation de Djenné, dont la position géographique fut cruciale dans la réorganisation — du moins la réorientation à partir du XIVe siècle — des axes commerciaux soudanais. La fondation, ou plutôt l’urbanisation de cette ville, favorisa sans doute uploads/Histoire/ expose-sur-la-diffusion-de-l-x27-islam-yacouba-sylla.pdf
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- Publié le Sep 08, 2021
- Catégorie History / Histoire
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