FRANÇOIS MALYE BENJAMIN STORA FRANÇOIS MITTERRAND ET LA GUERRE D’ALGÉRIE Plurie

FRANÇOIS MALYE BENJAMIN STORA FRANÇOIS MITTERRAND ET LA GUERRE D’ALGÉRIE Pluriel FRANÇOIS MITTERRAND ET LA GUERRE D’ALGÉRIE DES M ÊMES AUTEURS De B enjamin Stora Le Dictionnaire biographique des militants nationalistes algériens, L’Harmattan, 1985. Nationalistes algériens et révolutionnaires français au temps du Front populaire, L’Harmattan, 1987. Les Sources du nationalisme algérien, L’Harmattan, 1988. Histoire de l ’Algérie coloniale (1830-1954), La Découverte, 1991 (poche, 2004). La Gangrène et l'Oubli. La Mémoire de la guerre d ’Algérie, La Découverte, 1991, (poche, 2005). Aide-mémoire de l ’immigration algérienne. 1922-1962. chronolo­ gie, bibliographie, L’Harmattan, 1992. Histoire de l ’Algérie depuis l ’indépendance (1962-1988), La Découverte, 1993 (réédition 2004). Histoire de la guerre d ’Algérie (1954-1962), La Découverte, 1993, (réédition, 2004). L'Algérie en 1995, Michalon, 1995. Ferhat Abbas, une utopie algérienne, avec Zakya Daoud, Denoël, 1995. Le Dictionnaire des livres de la guerre d'Algérie. 1955-1995, L’Harmattan, 1996. Appelés en guerre d'Algérie, Gallimard, 1997 (réédition 2008). Imaginaires de guerre. Les Images dans les guerres d ’Algérie et du Viêt Nam, La Découverte, 1997, (poche, 2004). Algérie. Formation d ’une nation, Atlantica, 1998. Le Transfert d'une mémoire, La Découverte, 1999. La Guerre invisible. Algérie, années 90, Presses de Sciences-Po, 2001. Photographier la guerre d ’Algérie, (direction d’ouvrage) avec Laurent Gervereau, Marval, 2005. Les Mots de la guerre d'Algérie, Presses universitaires du Mirail- Toulouse, 2005. (La suite en fin d'ouvrage) FRANÇOIS MALYE BENJAMIN STORA FRANÇOIS MITTERRAND ET LA GUERRE D’ALGÉRIE Pluriel Ouvrage publié dans la collection Pluriel sous la responsabilité de Joël Roman Couverture : Rémi Pépin Illustration : © Collection Roger-Viollet/Roger-Viollet isbn: 978-2-8185-0124-5 Dépôt légal : février 2012 Librairie Arthème Fayard/Pluriel, 2010 © Calmann-Lévy, 2012. 1e r novembre 1954 : François Mitterrand est minis­ tre de l’Intérieur depuis quatre mois quand l’insurrec­ tion éclate en Algérie. Homme d’ordre, il veut abattre la rébellion tout en tentant de faire cesser les violences policières enracinées dans la culture de l’Algérie. En février 1956, il devient ministre de la Justice dans le gouvernement de Guy Mollet, le plus long de la IVe République, dont l’action va mener, peu à peu, à la cruelle bataille d’Alger, cause de sa chute, à la fin du mois de mai 1957. Pendant que François Mitterrand occupe ces postes de premier plan, l’Algérie s’embrase, avec l’envoi de contingents de plus en plus importants et mal préparés, l’arrestation intempestive et contestable de chefs nationalistes algériens avec lesquels des négo­ ciations secrètes étaient parallèlement engagées, la mal­ heureuse expédition d’Égypte après la nationalisation du canal de Suez, le refus d’entendre les avertissements les plus lucides sur l’émancipation du tiers monde. Et, sur­ tout, la terrible « pratique » de la guillotine. C ’est au président de la République, René Coty, que revient en dernier lieu le droit de gracier ou non 7 les condamnés à mort. Mais, en tant que garde des Sceaux et vice-président du Conseil supérieur de la magistrature chargé d’examiner les dossiers de recours en grâce des militants du FLN, le rôle de François Mitterrand est prépondérant. Et le jeune ministre croit à l’exemplarité de la peine capitale. La « Veuve » entre alors en scène en Algérie : quand il quitte le ministère, le 21 mai 1957, 45 condamnés à mort ont été guillotinés, 222 étant exécutés pendant toute la durée de la guerre, sous les gouvernements de la IVe et de la Ve République. Parmi ces hommes guillotinés, il y a un Européen, communiste, Fernand Iveton. Il a déposé dans son casier, au travail, une bombe qui n’a pas explosé. François Mitterrand refuse sa grâce, par solidarité gouvernementale, comme il le fera pour la majorité des condamnés exécutés. La peine capitale faisait certes partie de l’arsenal pénal. Mais c’est une justice expéditive qui a sévi dans cette Algérie en guerre, déjà habituée à des mesures juridiques d’exception, coutumières de la société colo­ niale. Ces hommes ont été exécutés au terme de procédures hâtives que permettent les « pouvoirs spé­ ciaux », décidés par le gouvernement socialiste dirigé par Guy Mollet. Ce texte, établi par le ministère de François Mitterrand - et que son prédécesseur Robert Schuman qualifiait de « négation du droit de la défense » -, permet, entre autres, de condamner à mort, sans instruction préalable, tout « rebelle » pris en flagrant délit. La guillotine est une des armes de la répression. Elle s’abat sur la nuque des militants du FLN, qui multiplie les attentats. Comment celui François M itterrand et la guerre d ’ Algérie 8 François Mitterrand et la guerre d ’ Algérie qui, vingt-cinq ans plus tard, abolira la peine de mort, peut-il accepter l’exécution des militants algériens à une cadence telle que le bourreau d’Alger, Fernand Meyssonnier, la comparera à celles de la Terreur ou de la Libération ? Comment un homme politique si talentueux a-t-il pu se laisser entraîner et dévorer ainsi par la mécanique infernale de la guerre d’Algérie ? Ce sont là quelques-unes des nombreuses questions auxquelles ce livre tente de répondre. Première d’entre elles : comment expliquer l’oubli autour de cet épisode noir de la carrière du futur président de la République ? Car beaucoup de ceux qui dansaient place de la Bastille à Paris, le 10 mai 1981, pour fêter la victoire du candidat de la gauche, ignoraient tout de ce passé. Ils ne savaient alors pas grand-chose de l’ensemble de la carrière de cet homme de 65 ans. Dix ans plus tard, ils apprendront, pour nombre d’entre eux dans la douleur, son adhésion au régime de Vichy, qu’atténue difficilement son pas­ sage, ensuite, dans la Résistance. Si ses biographes ont fait un détour par cette période, jamais celle-ci n’a été le sujet principal d’un livre1 , et le rôle de François Mitterrand dans la guerre d’Algérie a été oublié. Effacé aussi. Car, pour apparaître comme le rassembleur du peuple de gauche dans les années 1970, il était nécessaire d’enterrer au plus profond ce passé algérien. 1. Des ouvrages ont traité du rôle de la justice pendant la guerre d’Algérie, comme ceux d’Arlette HEYMANN, Les Libertés publiques et la guerre d ’ Algérie, Paris, LGDJ, 1972, ou de Sylvie THÉNAULT, Une drôle de justice. Les magistrats dans ta guerre d ’ Algérie, Paris, La Découverte, 2001. 9 Ce livre est là pour combler ce trou de mémoire. Pour raconter l’histoire d’un homme pris dans l’engrenage d’un conflit effrayant, et aux prises avec son désir d’accé­ der aux plus hautes responsabilités politiques. Il est le fruit d’un long travail, scrupuleux, mené par un journa­ liste et un historien et nourri de documents et de témoi­ gnages inédits. De nombreuses sources permettent de retracer, jour après jour, le cheminement du futur pré­ sident de la République, et des témoins ont accepté d’évoquer le François Mitterrand d’alors, ses hésitations, ses atermoiements et ses raisons de se montrer finalement solidaire de cette politique. Il nous faut remercier tout particulièrement l’historienne de la IVe République Georgette Elgey, qui fut, en tant que journaliste, témoin de ces événements. Mais aussi Robert Badinter, Jean Daniel, Roland Dumas, Gisèle Halimi, Michel Rocard, André Rousselet, le premier biographe de François Mit­ terrand, Franz-Olivier Giesbert, sans oublier les autres témoins, français et algériens, comme Jean-Yves Goëau- Brissonnière, Jean-Claude Périer, Abdelkader Guerroudj, Yacef Saadi, Abdelkader Zabana, Malika Boumendjel ou Louisette Ighilahriz, interrogés dans le cadre de cet ouvrage. Pour la première fois, ils ont accepté d’aborder cet aspect méconnu de la vie politique de celui qui fut deux fois président de la République française et qui, jusqu’aux dernières années de sa vie, refusera de renier ce qu’il a fait durant cette période de sa longue carrière. François Mitterrand et la guerre d ’ Algérie « Ce Mitterrand, je l’aime bien et depuis des années, si je ne le rencontre guère. C ’est un garçon 10 François Mitterrand et ta guerre d ’ Algérie romanesque : je veux dire, un personnage de roman », écrit avec tendresse François Mauriac le 8 octobre 1954 dans L'Express, trois semaines avant le début de l’insurrection algérienne. Quatre mois plus tard, le ton change : le visage du Prix Nobel de littérature fait la une du magazine et, dans un article intitulé « La question », il attaque le gouvernement sur la tor­ ture. François Mitterrand n’aura pas le temps de réformer les services de police, comme il le souhaitait, le gouvernement de Pierre Mendès France tombant peu après. Un an plus tard, à 39 ans, il s’installe dans son bureau de la place Vendôme. « L’ambition poli­ tique chez ce jeune homme est une passion noble dans la mesure où elle se confond avec l’ambition pour la grandeur de la patrie », ajoutait François Mauriac. Bien sûr, François Mitterrand hésite parfois, il lui arrive d’être tenté par la démission, mais celle- ci pourrait lui être fatale. Briser, à jamais, sa formi­ dable ascension. Alors il reste, sans rien dire ou presque, devant les coups des « durs » du gouvernement — Robert Lacoste, Maurice Bourgès-Maunoury, Max Lejeune. Le pouvoir de police ayant été dévolu aux militaires à Alger - autre conséquence des pouvoirs spéciaux -, son uploads/Histoire/ francois-mitterand-et-algerie.pdf

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  • Publié le Jui 14, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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