La protection du patrimoine funéraire Par Maryvonne DUSSAUX, Présidente de l’as

La protection du patrimoine funéraire Par Maryvonne DUSSAUX, Présidente de l’association Protection et Sauvegarde du Patrimoine d’Amblainville. Dans nos cimetières, un certain nombre de sépultures anciennes sont actuellement menacées. Si certaines le sont pas l’usure du temps, d’autres le sont par le manque de respect, l’avidité financière et parfois même une méconnaissance de la législation. Le but de cet article est de montrer à travers l’exemple du cimetière d’Amblainville la nécessité de protéger ce patrimoine riche tant du point de vue architecturale que de l’histoire locale. Depuis 2004, l’association Protection et Sauvegarde du Patrimoine d’Amblainville (PSPA) a commencé un travail de restauration de certaines sépultures, mais le contexte politique peu favorable empêche de donner au projet l’ampleur qu’il mérite. Dans le même temps, des procédures d’abandon injustifiées se multiplient sans concertation nous obligeant à approfondir nos recherches sur le plan juridique. Dans un premier temps, nous présenterons les raisons de protéger le patrimoine funéraire, puis – au travers de notre projet associatif- les différents moyens d’agir que nous avons pu expérimenter jusqu’à présent. I- Pourquoi au XXIème siècle, se soucier des sépultures du XIXème ? Face au cimetière, les réactions sont toujours passionnées. Chacun réagit en fonction de sa sensibilité propre, ses pratiques religieuses et culturelles. Évidemment, il nous rappelle la perte des êtres chers et représente un endroit où l’on n’est jamais pressé d’arriver. Mais, si on écarte l’aspect émotionnel, le cimetière présente un caractère historique et culturel évident et à ce titre, il est un élément fondamental de notre patrimoine. La sépulture, une idée qui émerge au XIX ème siècle Dans les années 70, l’historien Philippe ARIES a mis en évidence l’évolution des mentalités face à la mort dans l’occident chrétien qui a présidé à la construction des cimetières tels que nous les connaissons actuellement avec des allées aménagées pour la visite. Au moyen Age, les morts étaient confiés à l’église qui s’occupait des âmes mais peu des corps qui étaient entassés dans les églises ou des petites cours proches sans même une inscription. 2 Au milieu du XVIIIème siècle, l’individu commence à être plus considéré et on n’accepte plus de telles pratiques. On souhaite s’occuper du corps du défunt qui est placé dans un lieu, propriété de sa famille : C’est l’origine de la concession de sépulture. L’historien écrit : « Une représentation nouvelle de la société naît en cette fin du XVIIIème siècle qui se développera tout au long du XIXème.(...) car les morts ont passé le moment du changement et leurs monuments sont les signes visibles de pérennité de la cité. Ainsi, le cimetière a -t-il repris dans la ville une place à la fois physique et morale qu’il avait perdu au début du moyen âge mais qu’il avait occupé pendant l’antiquité. Que saurions-nous des civilisations antiques sans les objets, les inscriptions et l’iconographie que les archéologues ont trouvés dans la fouille des tombeaux ? Nos sépultures sont vides, mais nos cimetières sont devenus éloquents : C’est un fait de civilisation et de mentalité très importants. » 1 En visitant un cimetière dans nos régions, on voit d’un seul coup d’œil la date de la sépulture. Les monuments construits depuis une cinquantaine d’années reflètent bien la standardisation de notre époque. Partout la même dalle plate soit grise soit rouge avec parfois un petit dosseret. Mais, si vous observez les sépultures du XIX ème siècle, vous voyez bien qu’aucune ne se ressemble. Bien sûr, il y a des styles : un monument élevé entouré de chaînes ou bien une dalle surmontée d’une stèle magnifiquement décorée. Parmi les symboles, la croix a bien sur une place essentielle : Elle peut être en pierre sculptée ou en fer magnifiquement découpée. Ce sont de véritables œuvres artistiques. Les sépultures anciennes nous montrent l’art d’une époque, nous donnent un témoignage d’une pratique culturelle. 1 Philippe ARIES : « Essais sur l’histoire de la mort en occident » 1975. Seuil P. 61 3 Une grande variété de croix 4 5 Le cimetière, lieu de mémoire de l’histoire locale. Mais, les sépultures anciennes ne nous évoquent pas seulement les rites funéraires. Elles parlent aussi de la vie de la cité. Évidemment, les plus belles tombes, celles qui ont résisté à l’usure du temps et qui méritent d’être restaurées sont celles des personnes les plus riches et qui ont marqué l’histoire locale. Ainsi à Amblainville, la tombe de Charles Marie daymard HEBERT, marquis De BEAUVOIR située au centre du cimetière est tout en marbre. Le marquis DE BEAUVOIR est né le 24/04/1818 au château de Sandricourt alors la propriété de son grand père. Il est décédé le 26/05/1870. Son épitaphe est la suivante : « Tout ce qui est vrai, tout ce qui est juste, tout ce qui est bon, tout ce qui est vertueux fût l’objet de ses regrets. » . Son père a été maire d’Amblainville de 1813 à 1831. A côté, on remarque la sépulture de Madame DELAHERCHE, décédée le 13/07/1875. elle est la veuve d’un cultivateur d’Amblainville. Elle fut connue pour sa grande générosité. C’est elle qui a financé le magnifique décor de la nef de l’église réalisé par Dorémus, élève des beaux arts sous la direction de l’abbé BARET au début du XIX ème. Une plaque commémorative est placée dans l’église en souvenir de son action. Nous trouvons les tombes des anciens maires et de ceux qui ont marqué l’histoire comme le fondateur de la société de gymnastique, une association encore très active aujourd’hui. Autre particularité locale, la tombe d’un prince russe qui s’est réfugié à Amblainville en 1919 et a travaillé au domaine de Sandricourt. 6 Une grande variété de styles 7 II- Le projet de notre association Restaurer ou aider à la restauration des monuments  Un projet qui commence en 2002 Cette année là, un certain nombre de concessions font l’objet d’une procédure de reprise au cimetière et parmi celles-ci, les tombes les plus belles, celles du marquis de Beauvoir et de madame Delaherche. Nous sommes donc immédiatement intervenus auprès du maire de la commune afin d’interrompre la procédure. C’est ainsi qu’est né le projet de préservation de notre patrimoine funéraire. Avec l’accord du maire, nous avons restauré quatre sépultures ainsi que le calvaire situé à proximité. Le travail de nettoyage et de peinture a été fait bénévolement et nous avons eu recours à des professionnels pour les opérations plus techniques ou plus difficiles comme, par exemple, le décapage des grilles. Les dépenses qui se sont élevées à environ 5 300 euros. L’entreprise GROUPAMA a bien voulu nous soutenir notre projet et nous a versé la somme de 150 euros. Le solde soit a été pris sur nos fonds propres. Le 12 juin 2004, une petite cérémonie a rassemblé quelques élus et les membres de notre association pour officialiser la réception des travaux et permettre à chacun d’admirer à la fois la beauté des sépultures préservées de la destruction et la qualité du travail accompli. Le président de la communauté de communes a reconnu la qualité de notre travail et nous a fait les lettres d’appui dont nous avons eu besoin dans nos démarches ultérieures. 8 Calvaire et Sépultures restaurés en 2003- 2004 par l’association PSPA 9  Restaurer la chapelle LEROUX MINELLE grâce à la fondation du patrimoine Notre cimetière ne possède qu’une seule chapelle funéraire. Elle a été construite en 1874 soit peu après l’ouverture du nouveau cimetière. Y sont inhumés le couple Nicolas LEROUX (né en 1815) et Désirée MINELLE ( née en 1821, marié le 14/08/1837) et leurs descendants. Mais ce monument commence à s’abîmer notamment au niveau du fronton. Comment pouvoir le conserver ? Fort heureusement, nous connaissons la propriétaire et nous l’avons aidée à constituer un dossier auprès de la fondation du patrimoine qui vient de donner son label à l’opération de restauration. Cela lui permettra d’obtenir une petite subvention ainsi qu’une défiscalisation des travaux qu’elle va faire. Néanmoins, cette aide ne sera pas suffisante et l’association PSPA interviendra pour compléter le financement de la première tranche de travaux et aidera à la recherche de subvention pour la deuxième tranche. 10 Détail de la porte 11 Mieux connaître notre histoire locale Mais notre reconnaissance fut de courte durée puisque, suite à un changement de municipalité, un travail de gestion des concessions se poursuivit sans aucun discernement ni concertation avec notre association. Actuellement, plusieurs sépultures dignes d’être protégées font l’objet d’une procédure reprise. L’objectif est d’éviter l’agrandissement du cimetière quel que soit le coût puisque, de l’avis même des professionnels, cette extension coûterait moins chère que la démolition des sépultures en pierre et de leurs caveaux en briques. Bien évidemment, la perte du patrimoine et de l’histoire locale a également un coût sur le plan social pour les générations présentes et futures mais il n’est pas chiffré dans le cadre d’une gestion déshumanisée des affaires communales. L’action de notre association consiste - en priorité - à rechercher s’il y a des descendants qui pourraient faire valoir leurs droits sur les concessions et nous autoriser à faire les travaux de restauration. uploads/Histoire/ annexe-20bulletin-20mpo-202010.pdf

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  • Publié le Jan 06, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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