Les grands aygats du xviiie siècle dans les Pyrénées Métailié, Jean-Paul • 1 Cf

Les grands aygats du xviiie siècle dans les Pyrénées Métailié, Jean-Paul • 1 Cf. bibliographie in fine. 1L'histoire des catastrophes naturelles dans les Pyrénées et sur leur piémont fait nécessairement la part belle aux inondations, appelées localement aygats. Elles constituent incontestablement le type d'événement le plus souvent cité dans les sources et très probablement le plus dommageable, quelle que soit la période considérée. Des recherches menées sur ce sujet dès la seconde moitié du XIXe siècle, on retiendra surtout l'établissement de longues chronologies non dépourvues d'intérêt, mais dont la lecture se révèle assez fastidieuse. L'ouvrage monumental de Maurice Champion, Les inondations en France depuis le VIe siècle jusqu'à nos jours, paru en 1864, recense ainsi plusieurs dizaines de crues de la Garonne, les plus anciennes remontant au XIIIe siècle. A Toulouse comme à Perpignan, des émules de Champion s'attachaient à la même époque à retrouver les traces d'anciennes crues de l'Ariège ou de la Têt (Guiraud de Saint- Marsal, 1856). Les nouvelles perspectives de recherche ouvertes dans le domaine de l'histoire de l'environnement – en particulier concernant l'histoire du climat – invitent à réinterpréter les chronologies établies par ces auteurs et du même coup à en réexaminer les sources. Plusieurs travaux ont été menés dans ce sens au cours des dernières années, notamment à Toulouse au sein du laboratoire GEODE (URA 366 CNRS)1. 2À partir du milieu du XVIIe siècle, l'intervention croissante du pouvoir central dans la gestion du risque se traduit par une floraison de documents intéressant l'histoire des catastrophes naturelles. Dans les différentes généralités du royaume, des tableaux sont confectionnés qui récapitulent les dommages subis par les communautés à la suite de grêles, inondations, coups de froid, etc. Dans le même temps apparaît une description scientifique des phénomènes et de leurs effets, débarrassés de la charge de merveilleux et de religieux qu'ils véhiculaient jusqu'alors. La relation de la grande crue de la Garonne de 1678 par un auteur anonyme constitue de ce point de vue un tournant, qu'a bien analysé Serge Briffaud dans une publication récente (1993). Dans les dernières décennies de l'Ancien Régime, l'habitude prise de confier aux ingénieurs des Ponts et Chaussées et du Génie militaire l'aménagement des grands cours d'eau nous vaut de nombreux rapports et mémoires le plus souvent très détaillés, illustrés de schémas, comportant enfin pour quelques-uns des mentions de hauteurs d'eau. 3L'examen critique de ces textes intéresse naturellement l'histoire des mentalités. Il permet aussi une meilleure connaissance des phénomènes dans leur réalité physique, lesquels peuvent être comparés entre eux et avec des événements contemporains. Ainsi, l'extension spatiale des grands aygats du XVIIIe siècle dans les Pyrénées nous est désormais suffisamment connue pour pouvoir être traduite par des cartes. Deux séries d'exemples sont présentés ci- dessous, à l'échelle locale dans un premier temps – quelques parties de la chaîne : le Roussillon et le Val d'Ariège –, à l'échelle régionale ensuite – les Pyrénées et le Bassin Aquitain considérés dans leur ensemble. Les grands aygats du xviiie siècle dans les Pyrénées https://books.openedition.org/pumi/23526 1 sur 7 25/07/2022, 09:24 L'aygat dans la vallée... Deux variantes de crues méditerranéennes : octobre 1763 et octobre 1766 en Roussillon • 2 Arch, départ, des Pyrénées-Orientales, sous-série 3B (Amirauté de Collioure), 3B 16 : déclarations (...) 4Courantes en Roussillon et dans les Corbières, plus rares en Val d'Ariège, les crues méditerranéennes sont associées à des perturbations positionnées sur la Méditerranée occidentale. Elles s'accompagnent habituellement de vents d'est à sud-est sur les côtes du Golfe du Lion, provoquant parfois des échouages de bateaux signalés par les textes2 Elles peuvent se produire durant toute la saison fraîche, mais de préférence à l'automne : une rapide étude statistique montre clairement qu'octobre et novembre sont leurs deux mois de prédilection. Leur caractère de brutalité est bien connu, du à la violence et à l'abondance des averses autant qu'au relief des régions concernées qui favorise le ruissellement et la concentration rapide des eaux dans les talwegs. Aussi ne doit-on pas s'étonner si au cours de l'histoire, certains de ces événements se soient montrés particulièrement meurtriers. • 3 Arch, départ, des Pyrénées-Orientales, 1C 1077 et 1078. 5De nombreuses catastrophes de ce type ont affecté au cours du XVIIIe siècle la partie orientale de la chaîne pyrénéenne. Il est possible d'en préciser l'extension grâce à l'exploitation de documents récapitulant les dommages subis à ces occasions par les communautés de la généralité du Roussillon3 Sans doute, l'utilisation de ce type de source demande une certaine prudence. L'évaluation des dégâts subis par une communauté était habituellement confiée aux consuls de la communauté voisine. Ceux-ci étaient d'autant plus enclins à noircir le tableau qu'il s'agissait d'obtenir des indemnités sous la forme de remises sur l'impôt de la capitation. La correspondance des intendants de la province fait du reste fréquemment état de telles exagérations. Pourtant, les cartes dessinées à partir de ces documents ne manquent pas d'intérêt. C'est que l'on y retrouve, à peu de chose près, des configurations spatiales clairement identifiées au cours du XXe siècle, bien connues des climatologues et des hydrologues. En quelque sorte, la comparaison avec des cartes dressées à propos d'épisodes contemporains parfaitement connus valide la méthode historique utilisée. 6C'est ainsi que lors de l'inondation des 16 et 17 octobre 1763 furent sinistrées les communautés roussillonnaises s'égrainant le long des deux vallées de la Têt et du Tech. Les plus gros dommages furent enregistrés de part et d'autre du Canigou, en Confient et en Vallespir. La plaine fut en revanche relativement épargnée en dehors des localités situées à proximité immédiate des fleuves précités (fig. 1). Cette distribution spatiale des dommages suggère un maximum de pluies centré sur le haut-pays, et en particulier sur le Canigou, où ont leur origine les principaux affluents de la Têt et du Tech. Les pluies durent être plus modérées en plaine. Une telle répartition des précipitations correspond presque exactement à celle relevée lors de l'aygat d'octobre 1940, la plus grave inondation qu'ait connue au cours XXe siècle le département des Pyrénées- Orientales (fig. l)(cf. M. Parde, 1941). Précisons en outre que les deux crues furent meurtrières et que les victimes (plusieurs dizaines) ont été recensées dans le même secteur : le Vallespir, c'est-à-dire la moyenne et haute vallée du Tech. • 4 Arch, départ, des Pyrénées-Orientales, 1C 1078, « Détails des ravages Les grands aygats du xviiie siècle dans les Pyrénées https://books.openedition.org/pumi/23526 2 sur 7 25/07/2022, 09:24 causés par une inondation des (...) 7À quelques deux siècles de distance, les deux événements présentent donc beaucoup de similitudes. L'analogie se confirme à l'analyse d'autres sources écrites : livres de raison de familles du Vallespir, rapport en 1763 d'un ingénieur des Ponts et Chaussées décrivant des processus géomorphologiques en tous points comparables à ceux observés en 19404. Sur le flanc sud du Canigou, de profondes ravines, les chalades, s'ouvrirent à ces deux occasions. Les services de Restauration des terrains en montagne ont entrepris leur traitement il y a une cinquantaine d'années. 8Un autres cas de figure est représenté par l'inondation des 4 et 5 octobre 1766, qui présente une extension nettement plus orientale que la précédente. La haute montagne semble cette fois-ci épargnée, l'ensemble des dommages étant relevés dans la plaine, en particulier au pied des petits massifs montagneux des Albères et des Aspres (fig. 2). Le maximum de pluie dut se trouver à la fois sur ces premiers reliefs et sur la plaine elle-même, faute de quoi on expliquerait mal les dégâts importants subis par les communautés de la Salanque, au nord-est de Perpignan. Cette répartition des précipitations est au demeurant assez proche de celle relevée lors de l'inondation récente d'octobre 1986, provoquée par des pluies d'une rare intensité (J.P. Vigneau, 1987). Seules les Aspres ne furent pas touchées lors de ce dernier événement (fig. 2). Deux inondations dans le bassin de l'Ariège • 5 Arch, départ, de l'Ariège, 1C 17 à 1C 32. 9Une méthode identique – l'exploitation de tableaux récapitulant les pertes subies par les communautés du pays de Foix – permet de dresser quelques cartes à propos d'une unité géographique voisine de la précédente5 10Les inondations de la mi-septembre et de la fin septembre 1772 touchèrent l'ensemble de la vallée de l'Ariège, du bassin d'Ax jusqu'à la plaine de Pamiers, s'étendant même bien au delà comme nous aurons l'occasion de le voir plus loin. Il s'agit là probablement du phénomène le plus désastreux que le pays ait subi au cours du XVIIIe siècle. Le malheur voulut que les deux inondations se produisirent à 15 jours d'intervalle. C'est pour cette raison que les dommages causés par le premier événement n'ont pas été distingués de ceux occasionnés par le second. On était en train de procéder à l'estimation des dégâts de la première crue lorsqu'est arrivée une nouvelle lame d'eau (fig. 3). • 6 Arch, départ, de l'Ariège, 1C 28. 11L'inondation du 30 août 1762 fut à l'inverse un phénomène ponctuel, quoique de très forte intensité. Seul le bassin de Tarascon-Luzenac fut touché, mais on y recensa onze victimes, plusieurs maisons détruites, de nombreuses têtes de bétail emportées, plusieurs centaines uploads/Histoire/ les-grands-aygats-du-xviiie-siecle-dans-les-pyrenees-metailie-jean-paul.pdf

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  • Publié le Jan 19, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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