les usages politiques du passé ÉDITIONS DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCE

les usages politiques du passé ÉDITIONS DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES Les usages politiques du passé Sous la direction de François Hartog Jacques Revel Enquête • 1 ISSN EN COURS ISBN 2-7132-1405-X L’anthropologie, la sociologie, l’histoire présentent une convergence épistémologique dont le statut est en débat. Entre leurs démarches, la collection «Enquête» souhaite privilégier la confrontation, en réfléchissant sur les partages disciplinaires, sur les procédures et les modes d’argumentation, ainsi que sur les différents fronts où se recomposent les objets du savoir et les modèles interprétatifs. COMITÉ ÉDITORIAL GIORGIO BLUNDO JEAN BOUTIER JEAN-LOUIS FABIANI CYRIL LEMIEUX GÉRARD LENCLUD ANDRÉ MARY JEAN-PIERRE OLIVIER DE SARDAN JEAN-CLAUDE PASSERON JACQUES REVEL SECRÉTARIAT D’ÉDITION DENISE BALLY Publié avec le concours du SHADYC (Sociologie, histoire, anthropologie des dynamiques culturelles) MAQUETTE DE LA COUVERTURE : MICHEL ROHMER © 2001 . ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES . PARIS IMPRIMÉ EN FRANCE Table Avant-propos. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 I François Hartog, Jacques Revel Note de conjoncture historiographique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Giovanni Levi Le passé lointain Sur l’usage politique de l’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Michael Herzfeld Vers une phénoménologie ethnographique de l’esprit grec . . . . . . . . . . 39 Jérôme Baschet L’histoire face au présent perpétuel Quelques remarques sur la relation passé/futur . . . . . . . . . . . . . . . . 55 II Michael Werner Deux nouvelles mises en scène de la nation allemande Les expériences du Deutsches Historisches Museum (Berlin) et du Haus der Geschichte der Bundesrepublik Deutschland (Bonn). . . . . 77 Neil Asher Silberman Structurer le passé Les Israéliens, les Palestiniens et l’autorité symbolique des monuments archéologiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 Elias Sanbar Hors du lieu, hors du temps Pratiques palestiniennes de l’histoire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117 III Pedro Ruiz T orres Les usages politiques de l’histoire en Espagne Formes, limites et contradictions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 Lucette Valensi Notes sur deux histoires discordantes Le cas des Arméniens pendant la Première Guerre mondiale . . . . . . . . . 157 IV François Hartog Présentation de : Charles Péguy, « Le jugement historique » . . . . . . . . 171 Charles Péguy Le jugement historique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 V Abdelahad Sebti Variations marocaines autour du moment colonial . . . . . . . . . . . . . . 187 * Index sélectif des notions et des noms propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . 199 Résumés/Abstracts. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201 In: Les usages politiques du passé. Paris, Éditions de l’EHESS, 2001 CETTE RÉFLEXION sur les usages politiques de l’histoire part de trois considérations. La première, évidente, est l’attention que les chercheurs, mais aussi l’opinion publique, ont prêtée, ces dernières années, aux manipulations de l’histoire contemporaine et à son usage, aux fins de propagande, comme dans les interprétations simplificatrices des médias. Il en est résulté une série de prises de position – au milieu de beaucoup de confusion –, qui ont focalisé l’attention sur des problèmes idéologiques et politiques, favorisant la reprise de la discussion sur le rôle de la mémoire. La deuxième considération est moins évidente : elle concerne l’insuffisance des historiens lorsqu’il s’agit de donner des réponses valides et de conduire une contestation significative des manipulations les plus visibles. En expliquer le pourquoi nous semble essentiel : il ne s’agit pas tant, en effet, d’une plus grande faiblesse des chercheurs face aux moyens de communication de masse, que d’un véritable décalage par rapport à des contenus neufs et imprévus aussi bien qu’à des méthodes et à des interprétations. D’où l’impression de malaise, d’impuissance, comme si des étrangers étaient arrivés à l’improviste dans une corporation en changeant sans crier gare ses règles de fonctionnement. Chacun est conscient, enfin, du fait que le débat historique et, plus largement, les différentes formes de modification du passé ne sont plus confinés dans un cercle de spécialistes. Où, pour le formuler plus exactement, des questions qui avaient été jusque-là l’objet de débats internes à la profession se trouvent aujourd’hui déférées devant l’opinion, transformant du même coup le statut de l’historien : soit qu’il devienne à son tour un enjeu, soit qu’on lui demande une expertise, soit qu’il prenne l’initiative d’intervenir dans le débat public, de le nourrir ou de l’initier. Les thèmes qui ont été publiquement les plus débattus – la signification du fascisme et de la Résistance, le rôle du communisme et ses avatars, les interprétations et les explications de la Shoah, le caractère du marché et du capitalisme – AVANT-PROPOS sont ceux qui dérivent de la crise du système bipolaire, après l’effondrement du système soviétique, cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, alors que disparaissait peu à peu la génération qui avait vécu les événements conduisant au conflit. Mais les faits historiques les plus récents n’ont pas été les seuls à subir une révision instrumentalisée aux fins d’un usage politique. L’histoire d’un passé plus ancien a, elle aussi, été souvent présentée selon des schémas évolutionnistes qui concluent au déroulement inéluctable de certains processus majeurs : l’avènement d’une forme unique d’État moderne, le triomphe d’un capitalisme se développant selon les modèles néo-libéraux. T ous ces processus servent à justifier des phénomènes d’unification ou de sécession nationales, et des formes de pouvoir qui n’ont pas nécessairement de rapports avec des traditions historiques réelles. La difficile réponse des historiens à des interprétations simplificatrices et impropres peut à coup sûr être mise en rapport avec le doute épistémologique qui a affecté l’ensemble des sciences sociales depuis vingt ans, affaiblies dans leurs certitudes par l’échec des explications qu’apportaient les grands systèmes idéologiques qui les avaient inspirées. Crise de confiance, crise des instruments et des méthodes, qui sera probablement positive à long terme pour le développement des capacités interprétatives et méthodologiques de la discipline historique, mais qui, dans l’immédiat, a surtout eu pour effet de l’affaiblir fortement face aux incursions révisionnistes. C’est ainsi qu’a prévalu une manière de désarmement qui a prolongé des silences indus et des interprétations outrageusement simplificatrices. La voie se trouvait ainsi ouverte à une mise en rapport directe entre un sens commun historiographique déformé et une opinion publique sans défense, dépourvue d’éléments solides pour la connaissance du passé. L’école et les médias ont souvent contribué à amplifier les effets de cette situation, abdiquant en grande partie leur fonction pédagogique et culturelle. Il existe différentes façons de réfléchir à l’usage politique de l’histoire. Nous suggérons ici trois directions : 1. Une réflexion sur des débats politiques qui se sont ouverts à propos de l’histoire récente ainsi que sur leur signification autant pour le travail des historiens que pour les conséquences politico-culturelles qui découlent de ces débats : conflits internationaux ou guerres civiles, processus de légitimation et de délégitimation des régimes autoritaires ou totalitaires. 2. La portée tant historiographique que publique de la déformation de l’histoire pour des motifs nationaux : la nécessité, par exemple, de construire une image de la nation qui soit cohérente, gratifiante, enracinée ou réenracinée, tournée vers l’avenir ou traditionnelle, à partir de la mobilisation des ressources offertes par le passé. 8 LES USAGES POLITIQUES DU PASSÉ 3. Un troisième domaine concerne l’usage des méthodes et des formes proposant des systématisations ou des classifications qui, volontairement ou non, coïncident avec les images de structures politiques et sociales dominantes ou renforcent leur légitimité, en particulier dans l’étude de phénomènes historiques de plus longue durée. 9 AVANT-PROPOS I Usages politiques du passé : il s’agit là d’un thème classique, voire trivial, dans la réflexion des historiens depuis qu’ils se livrent à cette activité paradoxale, produire un discours vrai sur ce qui est soustrait par le temps à l’observation des hommes. Les professionnels n’en sont d’ailleurs pas les seuls usagers, il s’en faut de beaucoup : les pouvoirs, les institutions, mais aussi tout un chacun ont la tentation récurrente de uploads/Histoire/ les-usages-politiques-du-passe.pdf

  • 38
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Fev 22, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1865MB