Vol. 102 - Mai 2008 Romain BARBE et Florence DARBOUR Obtention et étude d’un bi

Vol. 102 - Mai 2008 Romain BARBE et Florence DARBOUR Obtention et étude d’un biocarburant : le biodiesel par Romain BARBE Lycée du Chesnoy - 45200 Montargis romain-barbe@orange.fr et Florence DARBOUR ENS de Lyon - 69364 Lyon Cedex 07 florence.darbour@ens-lyon.fr RÉSUMÉ Dans le cadre de la politique de développement durable, de nouvelles solutions pour lutter contre la diminution des réserves de pétrole et l’augmentation de la production de gaz à effet de serre sont recherchées. L’utilisation de nouveaux carburants comme les biocar- burants issus de la biomasse est envisagée. Nous proposons ici une introduction au thème des biocarburants suivie d’un protocole de synthèse d’un biodiesel à partir d’une huile recyclée. Cette manipulation a été réalisée en octobre 2006 par des lycéens de terminale participant aux Olympiades nationales de la chimie. INTRODUCTION La politique énergétique mondiale tournée vers l’utilisation intensive des énergies fossiles (pétrole, charbon et gaz naturel) pose de nombreux problèmes, parmi lesquels une émission excessive de dioxyde de carbone (un des gaz responsables de l’effet de serre) et le risque de pénurie dans les cinquante prochaines années. De nombreuses recherches ont été effectuées dès le début des années 80 pour convertir la biomasse en biocarburant. Cette nouvelle source d’énergie semble prometteuse dans la mesure où elle est renouve- lable et bien plus propre. En effet, le consommé par la plante lors de sa croissance compense celui qui est libéré lors de la combustion du carburant. L’idée d’utiliser la biomasse pour alimenter les moteurs thermiques n’est pourtant pas récente : le Dr Rudolf DIESEL (1858-1913) envisageait d’utiliser de l’huile de caca- huète comme carburant. Visionnaire, il déclarait en 1912 : « The use of vegetable oils for engine fuels may seem insignificant today. But such oils may become in course of time as important as petroleum and the coal tar products of the present time ». Toutefois, si une huile végétale peut être utilisée pour alimenter le moteur d’un vieux tracteur, elle est incompatible avec tous les moteurs diesel récents de plus haute techni- CO2 Travaux pratiques T R A V A U X P R A T I Q U E S 761 Obtention et étude d’un biocarburant : le biodiesel Le Bup no 904 cité. Elle est en effet très visqueuse et peu volatile. De plus, du fait de leur haute masse molaire moléculaire, les triglycérides sont partiellement pyrolysés dans le moteur (la température y est comprise entre 600 et 1500 °C), ce qui entraîne la formation de résidus et de polymères. Ces derniers produits encrassent et nuisent à la bonne lubrification des pièces mécaniques provoquant ainsi la dégradation rapide du moteur. Deux catégories de biocarburants ont alors été développées depuis près de trente ans ; d’une part le bioéthanol, issu de la fermentation alcoolique des oses du blé, de la bette- rave à sucre, de la canne à sucre ou du maïs, utilisé comme additif de l’essence ; d’autre part le biodiesel, un mélange de molécules de masse molaire moléculaire de moins de 400 , utilisé seul ou mélangé à un diesel classique. On distingue deux types de biodiesel : ♦Les alcanes obtenus par un procédé Fischer-Tropsch, c’est-à-dire par la conversion d’un gaz de synthèse (lui-même issu de la biomasse) selon une réaction catalysée dont l’équation s’écrit : . ♦Les esters méthyliques d’huile végétale (EMHV) : cette solution a été démontrée comme viable dès 1982 par l’institut français du pétrole. Il s’agit de transformer des huiles végétales par une réaction de transestérification dont le schéma réactionnel est proposé figure 1. 2n 1 H n CO C H H O 2 (g) (g) n 2n 2 (g) 2 (g) + + = + + ] g g mol – 1 $ U N I O N D E S P R O F E S S E U R S D E P H Y S I Q U E E T D E C H I M I E 762 Figure 1 : Réaction catalysée de transestérification. Figure 2 : Oléate de méthyle. Les catalyseurs utilisés pour cette réaction sont des acides (acides sulfurique ou sulfo- nique), des bases (soude) ou des enzymes (procédé en cours de mise au point). , , sont des chaînes hydrocarbonées comportant en général quinze ou dix-sept atomes de carbone ainsi qu’une ou deux insaturations. Par exemple, la transformation de l’huile d’olive produit majoritairement l’oléate de méthyle (ester méthylique de l’acide oléique) : R3 R2 R1 De masse molaire moléculaire plus modeste (environ 400 ), les EMHV sont plus volatils, moins visqueux et moins sensibles à la pyrolyse que leurs homologues triglycérides. Ils pallient ainsi les défauts majeurs de l’huile végétale. Relativement facile à synthétiser lors d’une séance de travaux pratiques, nous allons étudier ce biocarburant dans la suite de l’article. g mol – 1 $ Vol. 102 - Mai 2008 Romain BARBE et Florence DARBOUR 1. EMHV : Avantages et inconvénients Il est intéressant de comparer les propriétés physico-chimiques d’un EMHV et d’un diesel classique pour comprendre l’impact de l’utilisation d’un tel biocarburant sur la nature et sur les performances d’un moteur (le diesel correspond à des coupes pétro- lières de plus de 200 °C c’est-à-dire à des hydrocarbures de quinze à vingt d’atomes de carbone). Travaux pratiques T R A V A U X P R A T I Q U E S 763 Diesel EMHV Composition (% massique) : ♦carbone ♦hydrogène ♦oxygène 84 - 87 13 - 16 0 77 - 81 11 - 12 7 - 12 Densité à 15 °C 0,820 - 0,845 0,88 Point d’ébullition (°C) 188 - 343 320 - 350 Solubilité dans l’eau (50 ppm) < 50 850 Point de trouble (°C) + 5 °C pour un diesel été – 5 °C pour un diesel hiver ~ + 5°C Tableau 1 : Comparaison des propriétés physiques du diesel et d’un EMHV. Au niveau environnemental Points positifs ♦Comme annoncé lors de l’introduction, l’utilisation d’un biocarburant permet de limiter l’émission de . L’objectif est d’atteindre le « zéro » c’est-à-dire que la quantité de émise lors de l’utilisation du carburant est la même que celle consommée par la plante lors de sa croissance. Même si ce « zéro » ne peut pas être atteint, car la culture et la transformation de la biomasse nécessitent du carburant, l’utilisation des EMHV permet de réduire l’émission de de 70 %. ♦Il est possible de synthétiser le biodiesel à partir d’huiles usagées impropres à la consommation ou à partir de graisses animales. La fabrication de biodiesel peut donc être considérée comme une méthode de recyclage. ♦Les huiles végétales ne contiennent pas de composés soufrés responsables de la produc- tion des pluies acides. Point négatif ♦La combustion des EMHV dans l’air conduit à un accroissement de la production de NOx d’environ 5 %. CO2 CO2 CO2 CO2 CO2 Obtention et étude d’un biocarburant : le biodiesel Le Bup no 904 Au niveau des performances du moteur Points positifs ♦Les EMHV sont pleinement miscibles avec le diesel ce qui permet d’obtenir un mélange homogène. De plus, les deux liquides, de densité proche (cf. tableau 1, page précé- dente), se mélangent facilement par une agitation grossière. ♦Afin de répondre aux normes antipollution, les carburants diesels actuels contiennent de moins en moins de produits soufrés. Ceux-ci sont pourtant nécessaires à la lubri- fication du moteur. Or les EMHV ont des propriétés lubrifiantes intéressantes. C’est pourquoi, un carburant composé de diesel et d’EMHV a deux principaux avantages : la diminution de composés soufrés (répondant aux normes antipollution) et la lubrifi- cation, donc la préservation, des pièces du moteur. Points négatifs ♦Les insaturations présentes sur les EMHV induisent une stabilité non contrôlée vis-à- vis des conditions de stockage (durée, température…). ♦Leur point de trouble (température à laquelle des cristaux commencent à se former dans le liquide) est assez élevé (environ + 5 °C) : il est donc impossible d’utiliser un biodiesel pur pour alimenter une voiture en plein hiver. ♦Les EMHV sont plus miscibles avec l’eau qu’un diesel classique. La présence d’hu- midité dans le réservoir peut donc faire évoluer, voire altérer, les propriétés du biocar- burant. ♦Leur pouvoir détonant (explosion dans le moteur liée à l’oxydation des atomes de car- bone), est plus faible, car le biodiesel contenant plus d’atomes d’oxygène, la proportion d’atomes de carbone est plus faible. Cela signifie concrètement qu’à performances égales, le moteur a besoin de plus de biodiesel que de diesel (environ 7 %). 2. RÉACTION DE TRANSESTÉRIFICATION : DIFFICULTÉS ET MÉTHODE La réaction de transestérification dont l’équation est donnée figure 1 peut s’effec- tuer avec différents alcools. Le méthanol est généralement préféré à d’autres alcools, non seulement parce qu’il conduit à un ester de masse molaire réduite, mais aussi pour des raisons économiques. En effet, avec une production annuelle de trente-six millions de tonnes, le méthanol est l’un des produits industriels les moins coûteux. Par ailleurs, la réaction ne peut avoir lieu que si elle est catalysée. La catalyse basique est généralement préférée, car elle conduit en moins de deux heures à une conversion quantitative de l’huile en biodiesel. uploads/Industriel/ article-bup-20140.pdf

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