C H A P I T R E V I Gestion de la qualité de l’eau Ce chapitre traite, dans un
C H A P I T R E V I Gestion de la qualité de l’eau Ce chapitre traite, dans un premier paragraphe, de la qualité de l’eau des retenues et, dans un second paragraphe (pp.150 et s.), des conséquences du débit réservé. GESTION DE LA QUALITÉ DE L’EAU DES RETENUES animé par Henri BEUFFE (Division Qualité des Eaux, Cemagref-Bordeaux), Alain DUTARTRE (Division Qualité des Eaux, Cemagref-Bordeaux), Alain GREGOIRE (Centre National d’Équipements Hydrauliques Électricité De France), Antoine HETIER (Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne), et Michel LAFFORGUE (Aquatechnique). (extrait de Gestion de la qualité de l’eau, de la flore et de la faune : bilans et techniques de restauration, publié dans les actes du 18e congrès des grands barrages à DURBAN, avec l’autorisation de la CIGB). Par rapport aux écosystèmes naturels, les plans d’eau artificiels sont marqués par l’influence importante de l’homme dans leur gestion. Le régime hydraulique est fondamentalement modifié, transformant les faciès d’eau courante en faciès d’eau calme et engendrant ainsi des évolutions écologiques très importantes. Le présent paragraphe tentera, dans un premier temps, de rendre compte des évolutions écologiques consécutives aux aménagements et, dans un deuxième temps, d’aborder une réflexion sur les méthodes de restauration et de gestion de ces milieux artificiels. Sommaire G estion de la qualité de l'eau 142 EUTROPHISATION DES RETENUES ARTIFICIELLES Rappels Parmi les maux dont souffrent les écosystèmes aquatiques d’eau douce, l’eutrophisation est très fréquemment évoquée. La signification de ce terme, assez souvent mal utilisé, mérite d’être éclaircie. Les eaux douces contiennent naturellement des sels nutritifs en solution qui permettent aux végétaux, grâce à l’énergie solaire, de croître. Constituant les producteurs primaires du système, ces végétaux sont à la base de la chaîne alimentaire des animaux, c’est-à-dire des consommateurs (zooplancton, poissons...). Producteurs et consommateurs meurent après s’être reproduits, créant ainsi une source de matière organique inerte qui sédimente. Celle-ci sera à son tour minéralisée par l’action des bactéries et régénérera ainsi des sels nutritifs à nouveau disponibles pour les producteurs primaires. Ainsi, de proche en proche, l’écosystème s’enrichira lentement par le jeu des apports externes et du recyclage interne de sa propre production. C’est ce processus naturel que l’on appelle eutrophisation. Passant par des niveaux trophiques intermédiaires, oligotrophe (peu productif), mésotrophe (moyennement productif) les écosystèmes aquatiques atteignent un stade d’équilibre, l’état eutrophe, caractérisé par un rendement maximum avec : une charge en éléments nutritifs modérée ; une diversité spécifique végétale et animale maximale ; une production végétale équilibrée ; une production optimale en consommateurs. Lié à l’intensification des activités humaines sur les bassins versants (industrie, agricul- ture, rejets urbains), l’accroissement des apports nutritifs entraîne une accélération du processus naturel d’eutrophisation et souvent un dépassement rapide de cet état d’équi- libre. On assiste à une simplification des biocénoses au profit notamment d’algues dont les développements intempestifs entraîneront des nuisances importantes (couleurs, goût, déficit estival en oxygène des eaux de fond, dépôts de sédiments...). Processus pouvant contribuer à l’eutrophisation des réservoirs artificiels Relargage précoce d’éléments nutritifs par les sols immergés L’auto-enrichissement des réservoirs peut s’effectuer dès le remplissage par des relargages d’éléments nutritifs provenant des sols ennoyés. Ce relargage est lié à la décomposition de la matière organique qui les constitue ou qui les recouvre. L’étude de quelques retenues hydroagricoles montre que cet auto-enrichissement semble de faible intensité1. Dans la mesure où il a lieu, l’expérience montre qu’en pays tempéré, ce processus est limité dans le temps par épuisement de la masse d’eau en éléments nutritifs. 1. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 3. Chapitre VI 143 Marnage et redistribution du phosphore1 Parmi les diverses retenues, celles destinées à l’irrigation font l’objet d’un fort marnage d’autant plus que la période optimale des besoins en eau correspond à l’étiage des rivières. Conséquence du marnage, la dessiccation des sédiments et des sols exondés entraîne des modifications de la spéciation du phosphore dans le sens des formes les plus labiles, c’est-à-dire les plus facilement utilisables par les algues ou les végétaux supérieurs2. Si les processus explicatifs évoqués sont variables (déshydratation des hydroxydes ferriques, destruction de la biomasse bactérienne et végétale), il semble que, parmi les facteurs agissant sur la solubilisation des phosphates, deux ont un effet que l’on peut directement lier au marnage : la durée et l’intensité de la remise en suspension du sédiment pendant la baisse des eaux et leur remontée3. Cet état sera d’autant plus favorisé que la retenue sera de faible profondeur et donc subira, par rapport au volume évacué, une émersion importante. La fréquence et la période auxquelles ces épisodes ont lieu seront d’autre part très déterminantes. Les apports des bassins versants Les apports du bassin versant qui réalisent la majeure partie de la charge nutritive arri- vent au plan d’eau et déterminent, avec le temps, le niveau trophique des écosystèmes aquatiques et en l’occurrence des réservoirs artificiels. À long terme, les effets cumulés de la charge externe et interne (relargage par les sols et les sédiments) peuvent contribuer à une dégradation de la qualité des eaux avec, dans les cas les plus critiques, apparition d’odeurs nauséabondes, proliférations d’algues ou de certaines espèces de macrophytes et mortalité de poissons. Ces effets seront d’autant moins importants que le taux de renouvellement des eaux de la retenue sera élevé. Un soutirage fréquent des eaux de fond est donc favorable. FAUNE AQUATIQUE Les inventaires piscicoles réalisés dans les ruisseaux en amont et en aval de certaines retenues hydroagricoles ont montré4 que : le peuplement ichtyologique de la retenue a une influence indéniable et systématique sur le cours d’eau à l’aval avec la diminution voire la disparition des espèces piscicoles inféodées aux eaux vives, fraîches et bien oxygénées que l’on rencontrait avant la créa- tion de la retenue ; la modification du peuplement ichtyologique du cours d’eau en amont de la retenue est aussi sous l’influence des poissons vivant dans la retenue ; dans ce cas, il semble que cette modification soit plus lente. 1. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 4. 2. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 5. 3. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 5. 4. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 3. G estion de la qualité de l'eau 144 À l’aptitude des espèces indigènes de poissons à survivre dans une retenue vont se surajouter, dans un deuxième temps, les conséquences des introductions d’espèces étran- gères. Leur nature et leur importance déterminent, à ce moment-là, la structure de la population. Parmi les espèces lacustres introduites qui réussissent le mieux dans les réser- voirs, le gardon, la perche et la brème sont les plus souvent cités. Une gestion appro- priée des populations de poissons paraît nécessaire pour éviter la prolifération d’espè- ces indésirables (brèmes notamment). D’une manière générale, l’amplitude et la fréquence des marnages ont un impact impor- tant sur les poissons par la limitation de la flore aquatique immergée ou rivulaire, support de nourriture (larves d’insectes, mollusques, crustacés) et de frai et par la perte de l’es- pace vital. GESTION ET RESTAURATION Des besoins croissants en loisir viennent s’ajouter aux usages traditionnels de l’eau. Ce développement des usages sur les milieux aquatiques se fait en général sans que leur capacité à les satisfaire soit analysée. Chacun de ces usages comporte un certain nombre de contraintes et d’obligations qui conduisent les gestionnaires à modifier éventuellement les caractéristiques du milieu pour satisfaire au mieux les usages. Le tableau ci-dessous résume les contraintes de qualité pour certains usages des milieux aquatiques1. USAGES CONTRAINTES Eau potable Qualité physico-chimique et bactériologique deseaux Baignade Aspect et qualité bactériologique des eaux Pêche Qualité piscicole du milieu (conséquence de la qualité des milieux : qualité des eaux, zones de nourrissage et de reproduction pour les poissons) Canotage et activités voisines Eau libre : peu ou pas de végétation en surface Chasse Présence d’hydrophytes (nourriture des oiseaux), surface d’eau libre suffisante Une des évolutions actuelles, en matière d’utilisation des milieux aquatiques, est la re- cherche de la satisfaction du maximum d’usages dans un même milieu. Cette imbrication engendre de nombreuses difficultés de cohabitation que, souvent, seul un zonage géo- graphique peut contribuer à résoudre. Cette évolution a également conduit de nombreux maîtres d’ouvrage à construire un barrage en queue de retenue. Enfin, l’analyse des nuisances est rarement réalisée de manière globale, ce qui aboutit souvent à la mise en place d’actions de gestion partielles, d’un faible niveau de cohé- rence et, quelquefois, à l’émergence de nouvelles nuisances. 1. Voir Bibliographie, pp. 157-158, note 6. Chapitre VI 145 Or, le vieillissement progressif des écosystèmes ainsi créés associé à une charge nutritive externe permanente (notamment en phosphore), la plupart du temps sujette à augmenta- tion (pollution), accélère leur eutrophisation et engendre une évolution souvent négative de leur qualité, la pollution par les phosphates entraînant une explosion de la production végétale1. Avant la première mise en eau, il est recommandé d’effectuer un débroussaillage com- plet des terrains à noyer, mais aussi un décapage des sols dont la teneur en matière organique est supérieure à 2 %. Par ailleurs, la lutte préventive contre l’eutrophisation accélérée des systèmes aquatiques passe impérativement par le traitement à uploads/Industriel/ chapitre-6-gestion-de-la-qualite-de-l-x27-eau-pdf.pdf
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- Publié le Mar 11, 2021
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