Critique économique n° 19 • Hiver-printemps 2007 67 Résumé Cet article examine
Critique économique n° 19 • Hiver-printemps 2007 67 Résumé Cet article examine l’influence de la structure industrielle initiale des provinces marocaines sur leur croissance économique entre 1985 et 1999, à l’aide d’un modèle en données de panel à paramètres hétérogènes. Les résultats montrent l’importance de la spécialisation (externalités MAR) comme de la diversification (externalités Jacobs) et une certaine tendance au rattrapage de la région centrale (la métropole du Grand Casablanca), s’orientant vers des activités de moyenne technologie, par des provinces semi-périphériques attirant des industries de basse technologie et de l’habillement. Mots-clés Externalités, structure industrielle, spécialisation, croissance régionale, Maroc. Classification JEL: O11, O18, R12, R30. Abstract This article examines the impacts of Moroccan provinces’ initial industrial structure on their economic growth between 1985 and 1999 using a panel data model dealing with heterogeneous parameters. Results show importance of both specialization (MAR externalities) and diversity (Jacob externalities). A certain tendency by semi-peripherals provinces, which attracting low-technology industries and clothing, to catch-up with the central region (the Metropolitan Area of Grand Casablanca) which is directed towards medium- technology industries. Introduction Les études empiriques portant sur la relation entre la nature, spécialisée vs diversifiée, des agglomérations spatiales et leur croissance ont connu un développement important depuis les travaux de Glaeser et al. (1992) et Henderson et al. (1995). Ces auteurs ont proposé d’expliquer la croissance Maurice Catin Saïd Hanchane Abdelhak Kamal Laboratoire d’économie appliquée au développement (LÉAD), Université du Sud Toulon-Var. * Texte publié initialement dans Région et développement, n° 25, 2007. Structure industrielle, externalités dynamiques et croissance locale au Maroc* Maurice Catin, Saïd Hanchane, Abdelhak Kamal des secteurs d’activité dans une économie locale à l’aide d’indicateurs spécifiant le rôle des externalités de type MAR (Marshall, Arrow, Romer) (issues de la spécialisation), Jacobs (issues de la diversité) et Porter (générées par la concurrence locale). L’objectif de ce travail est d’examiner l’importance de ces externalités dynamiques dans l’explication de la croissance économique locale dans le cas du Maroc, c’est-à-dire dans un pays en développement où les tentatives ont été plus réduites, et sur une période relativement longue allant de 1985 à 1999. L’analyse est menée à un niveau de désagrégation spatial et sectoriel fin (40 provinces et 18 branches d’activité) compatible avec les enseignements théoriques sur les économies d’agglomération et plus adéquat dans le cas d’une structure de production locale souvent parcellaire. Comme dans Glaeser et al. (1992), Henderson et al. (1995) et en répliquant les apports méthodologiques de Combes [2000], nous estimons l’effet des structures initiales des provinces sur la croissance des secteurs d’activité retenus. Ceci étant, nous utilisons une technique d’estimation qui semble la plus adaptée à l’analyse des externalités locales. Même si certains travaux empiriques récents utilisent des données de panel (Bun et Makhloufi, 2002 ; Lucio et al., 2002 ; Batisse, 2002a, b), ils fondent leur résultat sur l’hypothèse d’une homogénéité des effets des variables explicatives au niveau global. Les externalités dynamiques sont supposées avoir le même impact sur l’ensemble des secteurs d’activité. Nous considérons ici que la croissance locale et l’impact des externalités dynamiques peuvent dépendre des caractéristiques propres à chaque secteur. Nous explorons cet aspect à l’aide d’un modèle à paramètres hétérogènes. L’article se compose de trois parties. Dans une première partie, la relation liant les externalités dynamiques au processus de croissance économique locale est passée en revue à la lumière des principaux résultats empiriques. Dans une deuxième partie, nous précisons les variables et le modèle économétrique utilisés. La troisième partie présente et commente les résultats obtenus. 1. Externalités dynamiques et croissance économique locale : revue de la littérature et enseignements La littérature empirique qui s’est développée autour de la relation externalités dynamiques-croissance trouve son origine dans le travail de Glaeser et al. (1992). Traditionnellement, les économies d’agglomération, souvent évoquées dans la science économique régionale, représentent les avantages comparés en termes de productivité que procure à une firme ou un ensemble de firmes une région par rapport aux autres, du fait de sa taille et de sa structure. L’efficacité de la concentration s’interprète comme une économie d’échelle externe à la firme (au sens marshallien) interne à la région considérée. 0n distingue deux grandes catégories d’économie d’agglomération : les économies de localisation, externes à la firme mais internes à un secteur industriel concentré dans la région ; les économies 68 Critique économique n° 19 • Hiver-printemps 2007 Structure industrielle, externalités dynamiques et croissance locale au Maroc d’urbanisation, générées par la présence d’autres activités dans le milieu régional, qui représentent des économies externes à la firme et externes à l’industrie à laquelle appartient la firme. Transposées dans les analyses dynamiques, les économies de localisation liées à la spécialisation sont dénommées par Glaeser et al. « MAR », les économies d’urbanisation liées à la diversité dans le milieu régional sont dénommées « de type Jacobs » (1969). Par ailleurs, pour Glaeser et al., les gains de productivité peuvent aussi être dépendants de la taille et du nombre des firmes dans l’industrie, c’est-à-dire d’économies générées par la « concurrence locale » qualifiées d’externalités « de type Porter ». Glaeser et al. (1992) utilisent la méthode des moindres carrés ordinaires sur des données des villes américaines de 1956 à 1987. Ils trouvent un effet positif de la diversité sectorielle et de la concurrence locale et un effet négatif de la spécialisation du tissu productif sur la croissance de l’emploi (à défaut d’information statistique sur la valeur ajoutée et la productivité). Ce résultat confirme l’hypothèse de Jacobs et Porter et infirme celle de Marshall-Arrow-Romer. Les externalités qui jouent en dynamique semblent être de nature inter-industrie plutôt qu’intra-industrie. Alors que Glaeser et al. (1992) utilisent un secteur industriel agrégé, Henderson et al. (1995) utilisent les mêmes données et appliquent la régression sur des secteurs désagrégés distincts selon leur intensité technologique. Ils trouvent un effet positif de la spécialisation initiale sur la croissance dans les industries banalisées et un effet positif aussi bien de la spécialisation que de la diversité sur la croissance de l’emploi dans les industries de plus haute technologie. Distinguant secteur industriel et secteur des services, Combes (2000) trouve des résultats mitigés pour les 341 zones d’emploi en France sur la période 1984-1995. La concurrence locale affecte négativement la croissance des secteurs industriels alors qu’elle a un impact positif pour certains secteurs tertiaires. La spécialisation ainsi que la diversité ont un impact négatif sur la croissance de l’emploi pour la plupart des secteurs industriels soumis à de profondes restructurations, alors qu’elle a un impact positif dans les services. De Lucio et al. (1996) répliquent la méthodologie de Glaeser et al. (1992) sur un panel composé de 50 provinces espagnoles et 30 branches d’activité de 1978 à 1992. Ils trouvent le même résultat que celui de Glaeser et al. (1992) et attestent de ce fait la présence des économies d’urbanisation et l’absence des économies de localisation dans le tissu industriel espagnol. De Lucio et al. (2002), disposant de données statistiques détaillées au niveau régional, utilisent, de manière plus adaptée à la problématique, la productivité à la place de l’emploi comme mesure de la croissance locale. Ils utilisent un panel dynamique avec variables explicatives retardées, la méthode des moments généralisée (GMM) développée par Arellano et Bond (1991). Le modèle est transformé en différence première afin d’éliminer l’effet individuel non observé et le biais d’endogenéité. Une forte spécialisation des territoires Critique économique n° 19 • Hiver-printemps 2007 69 Maurice Catin, Saïd Hanchane, Abdelhak Kamal semble favoriser la croissance de la productivité. Il apparaît donc un effet positif des externalités MAR, sans que se manifestent des externalités Jacobs et Porter. Henderson (2003) tente d’expliquer la croissance de la productivité totale des facteurs (PTF), estimée à partir d’une fonction de production sur données individuelles d’entreprises, dans les aires métropolitaines américaines. La concentration géographique du nombre d’établissements appartenant à un secteur de haute technologie tend à accroître leur productivité, la taille moyenne des établissements ne jouant qu’un faible rôle (1). Cingaro et Schivardi (2004) tentent aussi d’expliquer la croissance de la PTF, estimée à partir de fonctions de production régionale agrégée. La disparité des gains de productivité régionaux obtenus est analysée en coupe transversale par rapport à des variables représentatives des structures régionales. Ils aboutissent au rôle manifeste des externalités MAR. Sur ce plan et avec ce type d’approche, Catin (1991) avait montré que la décomposition des gains de productivité régionale en gains de productivité induite par les économies d’échelle et gains de productivité autonome était particulièrement révélatrice : leur disparité dans les industries régionales françaises était très différente. Les économies d’agglomération que procurent les territoires urbanisés, dotés d’un capital humain et technologique, favorisent les gains de productivité autonome. Les industries banalisées, à la recherche d’économies d’échelle et de faibles coûts de main-d’œuvre, privilégient plutôt leur localisation dans des régions périphériques. Rita Almeida (2007) cherche à expliquer la croissance de la productivité à partir d’un indicateur proxy de qualification établi à partir du salaire moyen, dans les différents secteurs industriels des régions portugaises entre 1985 et 1994. Il apparaît un effet significatif des externalités MAR dans certains secteurs et l’absence uploads/Industriel/ 1525-5454-1-pb.pdf
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- Publié le Mar 17, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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