Regards des enseignants sur l’enseignement de la production écrite en FLE Marie
Regards des enseignants sur l’enseignement de la production écrite en FLE Marie-Odile HIDDEN, EA 4195 TELEM, Université Bordeaux Montaigne Article paru dans : in J. L. Ignacio Aguilar Rio, C. Brudermann, M. Leclère (2014) (dir.) Complexité, diversité et spécificité : Pratiques didactiques en contexte. Version électronique disponible sur <halshs-01099170>, p. 133-150. Résumé : Cet article présente les résultats d’une enquête qui a été menée auprès d’enseignants de français langue étrangère exerçant hors de France, afin de connaître leurs représentations sur l’enseignement de la production écrite. Ces représentations intéressent en effet le didacticien dans la mesure où elles peuvent influer grandement sur l’agir enseignant. Nous montrerons que le discours des enseignants semble remettre en cause la distinction écrit/oral et laisse transparaître deux conceptions différentes de l’enseignement de la production écrite. Les réponses des enseignants nous livrent également certaines données sur leur enseignement, notamment lorsqu’ils dressent la liste des genres qu’ils font rédiger à leurs apprenants ou qu’ils donnent des exemples de consignes de rédaction. Nous verrons notamment que la plupart des genres cités par les enseignants sont des genres « sociaux » et que non seulement les genres, mais aussi les dénominations utilisées peuvent varier d’un pays à l’autre. Sans doute en raison de la priorité accordée à l’oral à partir des années 1960, lors de l’instauration des méthodes audio-orale et structuro-globale audio-visuelle qui en venaient même à différer le passage à l’écrit (Coste 1977), on peut considérer que l’enseignement de la production écrite a constitué pendant un temps le parent pauvre de la didactique du français langue étrangère (FLE). G. Vigner constatait ainsi en 1982 que, si la didactique des langues avait connu avec l’introduction de l’approche dite « communicative » un ample mouvement de rénovation, celui-ci n’avait pas encore touché les pédagogies de l’expression écrite. Dans les années qui ont suivi, certains travaux ont eu pour effet de redonner une place à la production écrite dans l’enseignement d’une langue étrangère en cherchant à faire bénéficier la didactique du FLE des avancées théoriques dans la description des textes (Lundquist 1980, Reichler-Béguelin et al. 1990) et/ou des processus rédactionnels (Cornaire & Raymond 1999). Enfin, plus récemment, certains chercheurs soulignent l’importance de développer chez les apprenants allophones une véritable « compétence discursive1 » à l’écrit (Beacco 2007, Hidden 2009). Si un intérêt progressif pour la didactique de la production écrite semble donc se manifester dans la recherche, en est-il de même dans l’action didactique et notamment chez l’un de ses acteurs de premier plan, à savoir l’enseignant ? En d’autres termes, quels regards les enseignants de FLE portent-ils à l’heure actuelle sur l’enseignement de la production de textes ? Quelle place lui réservent-ils dans leurs pratiques enseignantes ? Quelles représentations se font-ils du texte écrit et de son enseignement (finalité, genres à faire rédiger, modalités d’enseignement et d’évaluation etc.) ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons mené une enquête exploratoire auprès d’enseignants de FLE exerçant dans différents pays du monde. Dans cet article, nous présenterons une partie des résultats de cette enquête qui semblent remettre en cause la distinction écrit/oral et qui laissent transparaître notamment deux conceptions différentes de l’enseignement de la production écrite. Pour ce faire, nous montrerons dans un premier temps en quoi la connaissance des représentations des enseignants est intéressante pour la didactique, puis nous décrirons brièvement les contextes didactiques des enquêtés ainsi que la méthodologie suivie pour réaliser l’enquête. 1. De l’intérêt de connaître les représentations des enseignants A la suite des chercheurs qui ont entrepris de définir la notion de représentation sociale (Moscovici 1986, Jodelet 1989) et celle de représentation de l’écriture (Bourgain 1990), nous retiendrons ici trois traits principaux pour définir la notion de représentation. D’une part, la représentation relève du domaine de la connaissance dans la mesure où elle peut consister aussi bien en un savoir qu’en une croyance, un stéréotype, un mythe ou une opinion. En ce qui concerne l’enseignant de langue, ses représentations ne reflèteront donc que plus ou moins la réalité de sa pratique enseignante et ne pourront donc pas constituer des données objectives pour mener à bien une recherche sur ces pratiques. Cependant, du fait de sa visée pratique (Jodelet 1989), toute représentation exerce une influence sur l’activité sociale ou intellectuelle du sujet ; dans le cas de l’enseignant de langue, elle exerce donc une influence notable sur les décisions qu’il prend et sur son agir en tant qu’enseignant ; c’est pourquoi, elle présente un intérêt certain pour le chercheur en didactique qui s’interrogera notamment sur l’influence que ces représentations exercent sur le processus d’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère. Enfin, la représentation n’est pas nécessairement figée, mais possède au contraire une capacité d’accommodation, un avantage dont la recherche en didactique cherchera à tirer profit, dans la 1 On entend ici par compétence discursive l’aptitude à produire ou interpréter (en réception) un texte conforme aux conventions thématiques (contenus), rhétoriques (organisation) et stylistiques (choix de certains moyens linguistiques) du genre dont il relève. mesure où elle s’intéresse aussi à la formation des enseignants : il s’agira alors de se demander comment faire évoluer ces représentations des enseignants dans un sens favorable à un meilleur enseignement des langues. C’est dans ce but que nous avons mené notre enquête dont nous allons présenter maintenant certains éléments contextuels et méthodologiques. 2. Eléments contextuels et méthodologiques de l’enquête 2.1. Quels contextes didactiques ? L’enquête a été menée auprès de 107 enseignants de FLE résidant hors de France. Concernant le contexte sociolinguistique, les enseignants interrogés exercent donc tous en milieu alloglotte. En ce qui concerne les autres variables qui permettent de caractériser le contexte de l’action didactique, on a privilégié la diversité, afin de confronter les représentations d’enseignants se trouvant dans des contextes d’enseignement variés : - du point de vue géographique, les enseignants ayant répondu à l’enquête exercent dans 14 pays différents2 sur 4 continents : Europe, Amérique du Sud, Afrique du Nord et Asie ; - du point de vue des caractéristiques institutionnelles, ils travaillent en contexte scolaire/universitaire (école secondaire publique ou privée, université publique ou privée) ou non (école de langues privée, association, organisme de formation continue, etc.) ; - du point de vue de l’âge des apprenants, les apprenants des enseignants interrogés ont entre 10 et 60 ans ; - du point de vue du niveau des apprenants en langue cible, tandis que certains sont débutants complet en français, d’autres apprennent cette langue depuis 7 ans déjà. Au moment du recueil des données, le panel s’est avéré cependant un peu moins varié que ce que l’on aurait pu escompter, car tandis que dans certains pays, les enseignants ont répondu en nombre, dans d’autres, au contraire, le questionnaire a connu moins de succès. En conséquence, la plupart des enseignants ayant participé à l’enquête sont européens (allemands espagnols ou finlandais) et exercent dans l’enseignement secondaire (niveau collège ou lycée). Quant à leurs apprenants, ils ont entre 10 et 18 ans. Ajoutons à cela que les enseignants du panel ont des degrés d’expérience très variés allant de l’enseignant novice (1 an et 4 mois très exactement) à l’enseignant chevronné (39 ans d’expérience). 2 Par nombre décroissant de répondants : Allemagne, Espagne, Finlande, Turquie, Danemark, Mexique, Algérie, Roumanie, Pologne, Japon, Corée du Sud, Arménie, Italie et Argentine. 2.2. Le questionnaire3 L’enquête par questionnaires qui a été menée de mi-décembre 2011 à février 2012 par voie électronique avait pour objectif principal de recueillir les représentations des enseignants sur l’enseignement de la production écrite en FLE. Pour ce faire, on a demandé aux enseignants de décrire de façon assez précise leurs pratiques d’enseignement en faisant l’hypothèse que ces discours permettraient de déceler certaines de leurs représentations sur l’écrit et son enseignement à un public allophone. Après une partie consacrée au contexte d’enseignement de chaque enquêté (pays et structure d’enseignement ; âge et niveau en français des apprenants etc.), la question 2 du questionnaire concerne la place que les enseignants accordent à la production écrite dans leur enseignement du français : elle cherche à savoir si les enseignants interrogés considèrent que la production écrite doit être enseignée dès le début de l’apprentissage ou au contraire s’ils pensent qu’il est souhaitable d’en différer l’enseignement et si oui, pour quelles raisons. Complétant cette question assez générale, la question 3 demande aux enseignants quels sont les objectifs des activités de production écrite qu’ils mettent en place dans leurs classes. Les autres questions portent sur les modalités d’enseignement de la production écrite : les genres de textes à faire rédiger aux apprenants (question 3), les supports utilisés et les étapes d’un cours (question 5), ainsi que les modalités et les critères de correction et d’évaluation (questions 7 et 8). On demande aussi aux enseignants de donner deux exemples des consignes de rédaction qu’ils ont proposées à leurs apprenants. Du point de vue méthodologique, on a cherché, lors de la rédaction des questions, à privilégier les questions ouvertes dans un souci d’objectivité, afin de ne pas trop orienter les réponses des enseignants. Nous verrons que la formulation, qui laissait donc une grande liberté aux uploads/Industriel/ 17-regards-des-enseignants-sur-l-x27-enseignement-de-la-production-ecrite-en-fle 1 .pdf
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- Publié le Apv 12, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
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