TRACÉS n o 17 . 6 septembre 2006 p . 2 3 qu’il est tout à fait probant de soude
TRACÉS n o 17 . 6 septembre 2006 p . 2 3 qu’il est tout à fait probant de souder deux pièces de bois par simple friction. Une adhésion de nature mécanique La friction entraîne une augmentation de la température dans l’interface jusqu’à 420°C [3]. La chaleur, en l’absence d’oxygène, permet au bois de se transformer sans brûler. Les réactions en cours peuvent être comparées à celles de la pyrolyse2. La figure 1 montre le matériel visqueux, ther- miquement modifié, de bois de hêtre. Il refroidit puis durcit pour créer la liaison. Donc, la pièce soudée est faite unique- ment de bois et de composants de bois thermiquement modifiés (fig. 2). La durée du processus (soudage et solidifi- cation) est nettement inférieure à une minute. Les études ont montré que la couche visqueuse, formée de lignine, de cel- lulose et de hémicellulose [4, 5], a la capacité de fonction- ner comme une couche de colle. L’adhésion est, selon les connaissances actuelles, de nature mécanique. Des analyses Fig. 1 : Matériau visqueux solidifié, expulsé de l’interface Fig. 2 : Liaison soudée entre deux panneaux de sapin. Selon l’orientation des cernes, la structure du joint n’est pas homogène. Fig. 3 : Vue microscopique de l’interface ; la couche de contact est visible (bande foncée) avec des fragments de cellules encastrées. A la transition entre la structure du bois et la couche contact, les parois cellulaires sont encastrées en une couche visqueuse qui durcit pour céer l’adhérence. 3 B e r n h a r d S t a m m e t Yv e s W e i n a n d p . 2 2 TRACÉS n o 17 . 6 septembre 2006 Souder du bois ? A première vue, l’idée paraît farfelue. Des études du Laboratoire de construction en bois de l’EPFL confirment cependant que le procédé de soudage par friction peut être appliqué au bois, et qu’il offre de belles perspectives. La technologie fera concurrence par exemple aux liaisons clouées ou vissées, qui présentent des résistances au cisaillement moins élevées. Comparé aux colles, le soudage a également des avantages, notamment dans la fabrication de parquet ou de contreplaqué. Le soudage par friction de métaux ou de matières thermo- plastiques connaît depuis plusieurs décennies d’importantes applications industrielles, notamment dans le secteur auto- mobile ou dans le domaine des outils. Il est basé sur la pro- duction de chaleur par frottement, chaleur qui conduit à la fusion des surfaces en contact. Après refroidissement de la couche visqueuse, cette liaison se transforme en une connexion stable aux propriétés mécaniques semblables à celles des matériaux de base. Les différents procédés du soudage par friction se distinguent avant tout selon le type d’oscillation que l’on utilise. Celle-ci peut suivre un mouve- ment linéaire, circulaire ou rotatif. L’idée d’appliquer ce procédé au bois a été formulée pour la première fois par B. Suthoff et H.-J. Kutzer dans un brevet datant de 1997 [1]1. Jusqu’ici, peu de recherches ont été consacrées à ce sujet, malgré son potentiel évident. Un ancien collaborateur du Laboratoire de construction en bois (IBOIS), Kai-Uwe Gliniorz, découvre le brevet à la fin des années 90. Il en parle avec les auteurs, qu’il rencontre lors d’un salon. L’idée de souder du bois le fascine, et l’IBOIS commence à étudier cette nouvelle méthode en 2000 [2]. Peu après, la recherche obtient le soutien du Fonds national de la recherche scientifique (FNRS). L’IBOIS effectue alors les premières séries d’essais (voir pp. 23-25), à l’aide d’une machine initialement conçue pour le soudage de matières thermoplastiques. Les travaux confirment rapidement C O N S T R U C T I O N E N B O I S S o u d e r d u b o i s , u n e t e c h n i q u e i n n o v a t r i c e 1 1 Les chiffres entre crochets renvoient à la bibliographie en fin d’article. 2 2 Décomposition chimique sous l’action de la chaleur seule B e r n h a r d S t a m m , G e o r g R o s s m a i r e t Yv e s W e i n a n d TRACÉS n o 17 . 6 septembre 2006 p . 2 5 Les premiers essais de soudage du bois par friction permettent de décrire un processus en six phases, semblable dans les grands traits à celui du soudage de métaux ou de synthétiques. Afin de diriger ses recherches vers une application industrielle, le Laboratoire de construction en bois vient de déve- lopper, en collaboration avec une entreprise alle- mande, le prototype d’une machine de soudage pour le bois. Les expérimentations avec la nouvelle machine sont un succès. Contrairement aux métaux ou aux matières thermoplas- tiques, lorsqu’il est soudé par friction, le bois subit une décomposition thermique qui entraîne une modification de sa structure moléculaire. Les connaissances en matière de soudage par friction des matériaux qui ne changent pas de structure ne sont donc pas forcément valables pour le bois, mais doivent être revues et réexaminées. De nombreuses publications au sujet du soudage par fric- tion des métaux et des synthétiques démontrent que la force de friction à l’interface entre les pièces est un paramètre capi- tal dans le déroulement du processus de soudage [1, 2]1. Lorsque des métaux ou des matières synthétiques sont sou- dés par friction, cette force dépend des paramètres de la machine à souder concernant la pression appliquée sur les pièces et la fréquence de vibration [3, 4, 5, 6]. La force de cisaillement est liée à l’énergie produite par la friction. Elle permet en outre de suivre le changement de l’état d’agréga- tion du matériau à l’interface. Premières expérimentations Afin de mieux comprendre le phénomène, nous avons construit un appareil pour mesurer la force de friction à l’interface entre les pièces durant l’ensemble du processus de soudage. Cette force de cisaillement – caractérisée par le coefficient de frottement – change en effet selon que l’inter- face est solide ou visqueux. En parallèle, nous avons également relevé l’évolution de la température de l’interface. De manière générale, on peut décomposer un mouvement de friction circulaire en deux composantes x et y. Notre appa- reil de mesure étant capable de mesurer les forces de cisaille- ment dans les directions x et y – au moyen de capteurs de force de type HBM-U9B [7] – on peut déterminer la force de friction à l’interface à chaque moment du processus. La chaleur générée à l’interface régissant le processus de soudage, l’évolution de la température dans la zone de contact est donc d’une importance majeure. On la mesu- re au moyen de thermocouples (Ni-CrNi, section 2x0,24mm2, isolation en soie de verre, Tmax=1000 °C). Des essais préliminaires effectués avec un seul thermocouple se sont avérés insatisfaisants, car les forces de friction détruisaient régulièrement le capteur, empêchant de la sorte de détermi- ner la température. Afin de remédier à ce problème, la température moyenne de chaque échantillon a été mesurée à l’aide de quatre thermocouples placés à l’interface selon la figure 1. Les échantillons utilisés pour l’évaluation de la force de fric- tion sont composées de deux planches en bois de dimensions C O N S T R U C T I O N E N B O I S B o i s s o u d é , d e l a r e c h e r c h e v e r s l ’ a p p l i c a t i o n 1 p . 2 4 TRACÉS n o 17 . 6 septembre 2006 de la microstructure ont montré qu’elle se fait par imbrica- tion du matériel visqueux dans les pores et les cavités de la structure cellulaire du bois avoisinant [3] (fig. 3). Les résis- tances obtenues sont liées à l’anatomie du type de bois uti- lisé : les soudures entre des bois d’une densité élevée sont plus résistantes que celles entres des bois d’une densité moindre [6]. Assemblages constructifs Les premiers essais ont été menés avec une machine de soudage par friction circulaire. Cependant, il s’est avéré que ce type de vibration engendre un effet négatif en fonction de l’orientation des cernes et qu’un frottement linéaire permet d’obtenir des résistances plus élevées. Le soudage de bois de hêtre par frottement linéaire permet d’atteindre des valeurs de cisaillement allant jusqu’à 10 N/mm2 [7], ce qui correspond au minimum à atteindre pour des assemblages constructifs. Le soudage convient à différents types de bois : hêtre, chêne, bouleau, épicéa, mélèze et même bambou. Environ 70% de la résistance finale est déjà atteinte 30 secondes après la fin du processus [8]. Cette rapidité et la valeur éle- vée de la résistance initiale permettent de réaliser des assem- blages en continu d’éléments multicouches (fig. 4). Il paraît donc envisageable de fabriquer des éléments en bois solides de grande taille, comme des éléments de revêtement pour les murs ou le uploads/Industriel/ 2006-souder-du-bois-une-technique-innovatrice.pdf
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- Publié le Jan 24, 2021
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