J.-B. PAQUET, S. J Les Droits et les Devoirs de la Propriété GESÙ DE BRUXELLES
J.-B. PAQUET, S. J Les Droits et les Devoirs de la Propriété GESÙ DE BRUXELLES CONFÉRENCES DE CARÊME 7« COMMANDEMENT 1910 Biblio!èque Saint Libère http://www.liberius.net © Bibliothèque Saint Libère 2010. Toute reproduction à but non lucratif est autorisée. C O N F É R E N C E S D E C A R Ê M E SUR L E D É C A L O G U E B R U X E L L E S Librairie Albert DEWIT 33, RUE ROYALE T O U S D R O I T S R É S E R V É S Facultatem concedo ut typis mandetur Bruxellis, die 2 Februarii 1912. Aem. THIBAUT, S. J. Imprimatur. Mechlinice, 29 Februarii 1912. VII e Commandement FONDEMENT DU DROIT DE PROPRIÉTÉ. NÉGATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ : Les théories socialistes. VIOLATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ : Le vol et la restitution. UNE DES CHARGES DE LA PROPRIÉTÉ : Obligation morale des actionnaires chrétiens. UN DES ABUS DE LA PROPRIÉTÉ : Le jeu. UN DES DEVOIRS DE LA PROPRIÉTÉ : L'aumône. PRIVATION ET ABDICATION DU DROIT DE PRO PRIÉTÉ : Les pauvres dans l'Église. I L E F O N D E M E N T D U D R O I T D E P R O P R I É T É Fondement du Droit de Propriété L'exposition de la morale chrétienne nous a conduit au commentaire du septième précepte du décalogue; il s'exprime en trois mots : s Non fartum faciès, tu ne voleras point, n Cette interdiction suppose la faculté corrélative pour l'homme de revendiquer l'usage de ses biens. Le sauvage qui s'est façonné une arme la possède, et c'est un mal de la lui ravir, il pourra s'il le veut la donner à son fils; le voyageur qui ramasse sur le chemin public un diamant brut se l'approprie et s'il le vend il en touchera le prix; le colon établi sur un terrain vague, fécondant la terre de son 10 LE DROIT travail et de sa sueur, ne laissera pas à un autre la liberté de moissonner son champ, il fera la récolte et en partagera le fruit avec sa famille. Ainsi s'éveille dans l'âme humaine, dès l'origine du monde, la notion générale, mais précise, de la propriété, et c'est mentir à sa conscience que de faire confusion entre ce qui est à moi et ce qui est au voisin, enlre le mien et le tien. Vous avez vu sur la plage l'enfant édifiant de petites constructions de pierres et de sable. Et voilà que par là passe un flâneur qui dédaigneux, pour ne pas se détourner, renverse l'édifice. Avez-vous regardé l'enfant victime de cette injustifiable agression : il sent son impuissance à se venger mais dans une secousse de son âme indignée il a fait entendre salégitimerevendication : a Lâche! » a-t-il crié. Il a raison le petit; ce grand n'avait pas le droit d'abuser de sa force pour détruire cet ouvrage. C'était en 1527, le Connétable de Bourbon, s'étant emparé de Rome, livrait la ville au pillage. Le Parmesan était occupé à peindre une « Sainte Famille ». Tout entier à son œuvre, il ne s'est pas aperçu de ce qui se DE PROPRIÉTÉ 11 passe au dehors, quand tout à coup l'ennemi fait irruption dans son atelier. La gravure a popularisé cette scène : par la porte entre- baillée on voit les soldats, le visage aviné et la torche à la main; l'artiste est à son chevalet; d'un élan superbe il s'est jeté devant son tableau comme pour le couvrir de son corps. C'était la protestation de la conscience contre la violation du droit de propriété. Un mot dans toutes les langues du monde a stigmatisé cette violation; en français cela s'appelle le vol, et le vocable qui flétrit cette iniquité, avant d'être prononcé par Dieu au milieu des éclairs du Sinaï, avait retenti dans la conscience humaine. Il s'y implante si profondément, il y éveille si naturelle- ment la réprobation, il y suscite si sponta- nément la répression delà vindicte publique, que Proudhon, pour rendre odieux le privilège du propriétaire, poussa l'audace, dans un paradoxe célèbre, jusqu'à vouloir le disqualifier de ce mot dont la flétrissure devait être sa sauvegarde : « La propriété c'est le vol. » 12 LE DROIT Mais enfin, dit très bien Mgr d'Hulst (1), si ce mot de vol signifie quelque chose, c'est que la propriété est un fait; et si l'acte signifié par ce mot est coupable, c'est que la propriété est un droit. Le droit suppose la faculté morale de poser certains actes raisonnables avec, pour les autres, l'obligation de ne pas entraver en cela l'exercice de notre liberté. Quand l'animal, par la ruse ou par la force, défend son gîte ou ses provisions d'hiver contre les déprédations de ses ennemis, il ne pose pas un acte raisonné, mais un acte instinctif : le droit n'est pas en jeu; de même ses ennemis dans leur attaque ne posent pas un acte libre mais un acte fatal et le devoir ne le saurait régler. Mais quand un homme revendique des moyens nécessaires à sa fin, il use d'une faculté à lui concédée par l'Auteur de sa nature pour atteindre cette fin, et ses semblables, en état de comprendre cette nécessité, ont le devoir de la respecter; entre des êtres doués de raison et de liberté se dresse la (1) Conférences de Notre Dame, 1896,4 e conférence. DE PROPRIÉTÉ 13 justice pour consacrer la sainte cause du droit. La préoccupation d'adapter cet enseigne- ment quadragésimal aux besoins de notre temps nous force à vous mener à la lisière de ces questions touffues de sociologie. Ne craignez point d'y être égarés. Il suffit au moraliste chrétien, pour établir les droits et définir les devoirs, d'exposer les théories, en négligeant les opinions, avec le calme que donne la possession de la vérité et la franchise que requiert la mission de vous instruire de vos responsabilités. Nous venons de l'insinuer, Dieu, l'auteur de notre nature, a dû mettre à notre dispo- sition tous les moyens nécessaires à réaliser notre fin, et si la propriété est un de ces moyens, nous avons le droit de la revendi- quer et les autres auront le devoir de la respecter. La nécessité pour l'homme de revendiquer ce droit proviendra du besoin qu'il en a pour développer ses forces physiques et donner toute leur expansion à ses facultés morales. Puis, ne l'oublions pas, l'homme n'est pas un être solitaire, il est appelé à 14 L E DROIT trouver dans une épouse un complément de son bonheur et à se perpétuer dans la survi- vance de ses enfants, il est appelé à fonder une famille. De plus, il est un être social, et c'est dans le groupement des familles qu'il trouve le moyen de promouvoir ses droits et de les défendre. Précisément nous mon- trerons que la propriété individuelle est un moyen indispensable d'atteindre la fin de l'individu, de la famille et de la société. II faudra bien conclure : Dieu, qui veut la fin, doit vouloir le moyen. I. —Il suffit dejeter un regard sur la nature humaine pour constater sa tendance à une perfectibilité indéfinie. Celle-ci s'affirme par un labeur incessant, elle se traduit par de constantes découvertes dont le but est de pourvoir aux besoins et aux agréments de la vie, elle semble encouragée par Dieu lui- même ménageant si à propos les événements occasionnels qui déterminent les plus mer- veilleuses inventions. Le travail intellectuel, cause de tout progrès, nécessite une sécurité et des loisirs que l'homme ne trouve que DE PROPRIÉTÉ 15 dans la jouissance de biens dont la posses- sion ne peut lui être contestée. D'ailleurs, si le fruit de son travail ne lui était pas garanti comme un droit, il serait à la merci du plus fort ou du plus rusé et personne ne se soucierait de peiner et de souffrir sans profit et sans récompense. Je sais ce qu'on répond à cela : l'Etat peut pourvoir à cette garantie. Mais où trouvera-t-on le stimulant dans le travail, la résistance dans l'échec, la rému- nération dans le succès ? Car on ne rêve de supprimer la propriété que pour niveler les inégalités sociales. C'est d'ailleurs le même principe du moyen nécessaire à la fin qui précisera le droit de propriété et nous montrera sur quoi il s'affirme, comment il s'exerce et jusqu'où il s'étend. Sur quels objets s'affirme le droit de propriété? Tout d'abord sur notre personne, sur nos facultés, sur notre corps. L'homme a le droit de les garder et, par conséquent, de s'appro- prier ce qui est nécessaire à leur entrelien et à leur développement normal. De ses forces physiques et de ses énergies morales 16 LE DROIT il use librement : c'est sa première propriété. L'usage de ces aptitudes physiques et morales par le travail en est la seconde; il en dispose à son gré, quand et pour qui il veut. Enfin le produit du travail est une troisième uploads/Industriel/ les-droits-et-les-devoirs-de-la-propriete-000000711.pdf
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- Publié le Aoû 30, 2022
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