1 © Fondation de la Maison de la chimie, 2019 INTRODUCTION Les biocarburants n’

1 © Fondation de la Maison de la chimie, 2019 INTRODUCTION Les biocarburants n’ont pas toujours bonne presse. Issus de la biomasse, leur production peut en effet entrer en concurrence avec la production vivrière. Avec la raréfaction du pétrole, il semble pourtant probable qu’ils entrent de plus en plus dans le mix énergétique destiné au transport. Comment court-circuiter le cycle géochimique propre au pétrole et produire en quelques heures ce que la nature a mis plusieurs millions d’années à créer ? Dans cet article, on s’intéresse à une molécule dont la production issue de la biomasse est en cours de développement : l’isobutène. LES BIOCARBURANTS : QUELLES VOIES DE PRODUCTION ? Que sont les biocarburants de première, deuxième et troisième génération ? Un biocarburant est un combustible issu de la biomasse, c’est-à-dire de la matière organique non fossile. À l’heure actuelle, tous les biocarburants commercialisés sont des agrocarburants : ils sont issus de cultures vivrières et sont dits « de première génération ». Comme tous les biocarburants, ils ne sont pas utilisés purs, mais mélangés à du carburant traditionnel. Les biogazoles peuvent être ajoutés au gazole usuel, le bioéthanol est quant à lui mélangé à de l’essence. La filière biogazole repose principalement sur la produc- tion d’huiles végétales issues de la culture du colza, du soja et de l’huile de palme. Le bioéthanol est pour sa part produit à partir de sucres issus de la culture de la betterave, de la canne sucre, du blé ou du maïs. Les biocarburants de 2e génération sont aussi issus de matière première végétale, mais celle-ci n’est pas destinée à l’alimentation. Il peut s’agir de plantes non comestibles, poussant dans des zones à faible poten- tiel agricole (comme le jatropha curcas ou le pongamia pinnata par exemple). Ils peuvent aussi être issus de résidus agricoles (paille et tiges) et forestiers (copeaux de bois). Leur production n’en est pas encore à l’étape industrielle mais des démonstrateurs et des usines sont déjà en cours de développement. La troisième génération de biocarburants pourrait quant à elle provenir d’algues produisant des huiles, ou de rejets industriels, notamment de gaz produits par les bactéries. VERS LES BIOCARBURANTS DE 2e GÉNÉRATION : L’EXEMPLE DE L’ISOBUTÈNE BIOSOURCÉ Pierre Labarbe Figure 1 – Les biocarburants affameraient la planète et ne seraient pas compétitifs face à l’électrique : info ou intox ? Partie des programmes de physique-chimie associée Programme d’enseignement scientifique de terminale générale : Partie 1.4 : Énergie, choix de développe- ment et futur climatique Programme de physique-chimie et mathématiques de terminale STI2D : Matières et matériaux – Combustion Mots-clés : biocarburant, biomasse, isobutène, ETBE, combustion, émission de CO2 2 © Fondation de la Maison de la chimie, 2019 VERS LES BIOCARBURANTS DE 2e GÉNÉRATION : L’EXEMPLE DE L’ISOBUTÈNE BIOSOURCÉ Quel avenir ont les biocarburants ? On pourrait penser que l’avenir des biocarburants n’est pas prometteur. Les biocarburants n’ont en effet pas une bonne image. De fait, la production de biocarburants de première génération entre en compétition avec les cultures destinées à l’alimentation. Elle peut aussi conduire à la plantation de soja ou de palmiers à huile en lieu et place de la forêt primaire qui joue un rôle clé pour le climat. De plus, l’essor des gaz de schistes a pour un temps repoussé le pic pétrolier et diminué l’intérêt des agrocarburants. Par ailleurs, les biocarburants ne peuvent pas être utilisés purs dans les moteurs traditionnels : les biogazoles doivent être mélangés au gazole conventionnel, l’éthanol à de l’essence. L’éthanol est corrosif et volatil et il ne peut être intégré qu’à hauteur de 10 % d’un carburant en général. Seuls des moteurs spécifiques (dits « flex fuel ») peuvent fonctionner à l’éthanol pur ou très concentré. Enfin, le sujet a une dimension politique marquée. L’Union européenne interdira par exemple la production de carburant à l’huile de palme d’ici 2030. Pourtant, plusieurs éléments jouent en faveur des agrocarburants. Les promesses des gaz de schistes ne seront peut-être pas tenues : leur rentabilité ne s’avère pas toujours celle attendue. Les tensions sur le marché du pétrole pourraient donc augmenter. Par ailleurs, l’industrie sucrière cherche de nouveaux débouchés, qui pourraient bien se trouver dans la production d’éthanol. Le marché de la production alimentaire pourrait lui aussi évoluer : la production industrielle de viande commence à interroger. Or, cette production nécessite du soja alimentaire, qui pourrait être utilisé pour les biocarburants plutôt que pour nourrir le bétail. Il se peut ainsi que les biocarburants de première génération finissent par devenir plus rentables. Enfin, leur bilan carbone est meilleur que celui des carburants d’origine fossile, notamment parce qu’une partie du carbone émis au cours de leur vie a été prélevé en amont dans l’atmosphère par photosynthèse, et ils sont de plus renouvelables. La nécessaire réduction de la production de dioxyde de carbone pourrait amener à reconsidérer leur intérêt. Cela explique le développement de nouvelles bioraffineries, comme celle de La Mède, pourtant décrié. L’avenir de ces carburants pourrait aussi se trouver dans les biocarburants de 2e génération. Ceux-ci n’entrent pas en concurrence avec les cultures vivrières. De plus, leur production entre dans une logique d’utilisation intelligente des déchets agricoles. Enfin, certains d’entre eux pourraient avoir l’avantage d’être mélangés en plus grande proportion dans les carburants usuels. C’est notamment le cas de l’éther éthyle tertiobutyle (ETBE), produit à partir de « bio-isobutène », c’est-à-dire d’isobu- tène produit à partir de matière première végétale et non fossile. L’entreprise Global Bioenergie en est actuellement au stage de l’usine de démonstration industrielle. LA VOIE DU BIO ISOBUTÈNE OU ISOBUTÈNE RENOUVELABLE L’isobutène, une molécule issue aujourd’hui de la pétrochimie L’isobutène, ou 2-methylpropène est un alcène à 4 atomes de carbone, de formule brute C4H8. À température ambiante, il est gazeux. Il s’agit d’une des briques élémentaires de la pétrochimie. Il est aujourd’hui principa- lement dérivé du pétrole, produit par un procédé qui s’appelle le vapocraquage, qui permet le fractionnement de molécules de plus grande taille. Par quel procédé produire de l’isobutène renouvelable ? Tel Panoramix, qui, dans l’Odyssée d’Astérix, a pu se passer de pétrole en le remplaçant par de la betterave, l’idée de l’entreprise Global Bioenergie a été de produire directement du carburant, sans attendre les millions d’années que nécessite la dégradation de matière végétale en pétrole. Le processus fait appel à des micro-­ organismes, capables de fermenter de la matière végétale pour la transformer en isobutène. Ces organismes sont artificiels. Aucune bactérie, ni levure, ni champignon ne produit en effet de l’iso- butène dans la nature, notamment à cause de sa nature gazeuse. Le projet a donc débuté par la recherche d’une telle bactérie (voir figure 3), capable de produire de l’isobutène à partir de Figure 2 – La formule topologique de l’isobutène. Figure 3 – Modification d’un organisme pour qu’il produise de l’isobutène. Micro-organisme génétiquement modifié Bio-IBN et produits chimiques en C3 Ressources renouvelables 3 © Fondation de la Maison de la chimie, 2019 sucre. Cela a notamment consisté à modifier génétiquement des bactéries existantes. Il a ensuite fallu améliorer le rendement pour passer de la conversion d’une molécule de sucre sur dix millions en isobutène à un taux de 90 % de conversion. L’étape suivante a consisté à passer de l’échelle laboratoire, à l’échelle industrielle. C’est chose faite depuis 2017 , un démonstrateur industriel est installé en Allemagne. L’intérêt d’une fermentation « gazeuse » Le procédé de fermentation d’isobuthène développé a l’intérêt de pouvoir fonctionner presque en continu, ce qui n’est pas le cas d’une fermentation classique. En effet, au cours d’une fermentation, le produit formé peut être nuisible aux bactéries ou aux levures responsables de la fermentation. C’est par exemple le cas de la fermentation alcoolique, dont la vitesse décroît avec l’augmentation de la concentration en éthanol. Dans le cas de la fermentation « isobutenique », le produit est gazeux et peut donc être extrait du mélange réactionnel sans diminuer la vitesse de fermentation. Figure 4 – Une unité de fermentation, source : www.gobal-bioenergies.com . Pour le moment, il s’agit d’un isobutène de première génération, puisque la molécule est faite à partir de maïs, canne à sucre ou de mélasse. Des essais sont cependant en cours pour « passer à la 2G ». De plus en plus d’entreprises développent des procédés pour extraire et purifier les sucres de la matière lignocellulosique contenue dans la paille ou dans les copeaux de bois. Global Bioenergies en est à l’étape de pilote (précédant l’étape industrielle). La 3G reste pour le moment à un horizon plus lointain, mais une variante du procédé est en cours de développement qui vise à produire de l’isobutène à partir de déchets gazeux industriels (voir figure 5). Disponibilité Potentiel Perspectives Coût de la ressource Impact environnemental Matières premières traditionnelles Matières premières avancées Matières premières émergentes Sucrose : betterave, cane Glucose : maïs, blé Forestière : copeaux de bois Agricoles : paille de blé, tiges de maïs… Gaz de synthèse de l’aciérie CO2 concentré Aujourd’hui Court terme Plus long terme 1G Cultures vivrières 2G Copeaux de bois, paille, bagasse 3G Gaz résiduaires industriels Principaux acteurs agricoles Opérateurs uploads/Industriel/ lyc-02-biocarburants.pdf

  • 27
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager