48 l G&M n°55 juillet-août 2012 45 meilleurs glaciers Dans un marché fran- çais

48 l G&M n°55 juillet-août 2012 45 meilleurs glaciers Dans un marché fran- çais de la glace en pleine expansion, qui aiguise les appétits de certains industriels italiens, voici la crème de la crème, parmi nos 350 artisans-glaciers… TEXTE PHILIPPE BOÉ PHOTOS CHRISTL EXELMANS S’il ne s’est jamais autant vendu de glaces qu’en ce moment, les glaciers peuvent remercier les cuisiniers et les pâtissiers de restaurants. Depuis la fi n des années 1990 et l’arrivée d’un objet suisse magique, le Pacojet, qui permet de fabriquer de la glace minute à la demande, les Français ont redécouvert le monde de la glace. Et parfois même sous un jour nouveau, avec des glaces ou des sorbets, en salé ou en sucré, jamais vus jusqu’alors, et qui sont devenus, au fi l des ans, des créations tendance qu’on retrouve un peu partout maintenant, comme le sorbet à l’huître, la glace au gras de jambon Ibérico, au foie gras, au caillé de brebis ou au homard, mais aussi les glaces aux herbes ou aux plantes (basilic, estragon, verveine), aux fl eurs (gentiane, pétales de rose, coquelicot, violette) ou aux légumes du potager (betterave, fenouil, tomate, céleri, concombre). Les restaurateurs ont ainsi habitué les consommateurs à manger, réguliè- rement, des produits qu’ils connaissaient par ailleurs, mais sous une forme glacée qu’ils ne Dossier Glaciers connaissaient pas. Découvrant, du même coup, que le froid sublime les saveurs, grâce à ce choc thermique qui fait passer le produit de -18° à + 37° (la température intérieure en bouche). Marché de convoitise C’est ainsi que, longtemps en stagnation, le marché de la glace explose littéralement en France, depuis une dizaine d’années. Malgré la crise actuelle, il augmente, chaque année, entre +2 et +7 % depuis 2008, en volume comme en valeur. En 2008, les Français consacraient ainsi 38 € par an et par habitant à l’achat de glaces. L’an dernier, ils ont dépensé près de 44 € pour les mêmes produits et depuis vingt ans, le chiffre d’affaires du secteur a progressé de + 46 %. Autant dire que le marché de la glace est actuellement en pleine expansion dans notre pays et attire de plus en plus les convoitises. De la part des industriels comme des artisans. Il faut dire que l’on vient de loin, puisqu’il y a encore vingt ans, les Français consommaient Nos n°55 juillet-août 2012 G&M l 49 50 l G&M n°55 juillet-août 2012 à peine 1,1 litre de glaces par an, contre 6,2 kg en 2011. C’est six fois plus, mais on reste encore très loin des Américains et des Australiens qui en consomment entre 20 et 22 litres, ou des Scandinaves, avec une douzaine de litres cha- cun… Il faut dire que dans ces pays, la glace est considérée comme un dessert à part entière. Sans tradition et culture du fruit frais ou de la pâtisserie comme chez nous, la glace, chez eux, remplace nos fruits frais et nos gâteaux. Des enjeux économiques importants C’est donc dans ce contexte, où les enjeux éco- nomiques sont de plus en plus importants et que le potentiel de croissance est immense, qu’une inquiétude est en train d’envahir nos artisans-glaciers qui ne représentent que 4 % du marché. Car leur plus grand ennemi, au- jourd’hui, n’est pas tant les 2 plus gros acteurs industriels du secteur, Nestlé, avec La Laitière, et Unilever, leader mondial avec Carte d’Or, Magnum, Miko et Ben & Jerry’s, qui raflent à eux seuls 90 % du marché (les 6 % restants étant entre les mains des autres industriels comme Häagen-Dazs), que la prolifération de ces pro- fanes (architectes, fonctionnaires, informati- ciens…) de plus en plus nombreux qui, attirés par le gain et les perspectives de croissance (avec le réchauffement climatique à venir), se reconvertissent dans le métier. Un métier pourtant très technique et complexe, qui demande une grande connaissance physicochimique pour par- venir à équilibrer une recette de mix, afin d’obte- nir la meilleure texture possible et de faire émer- ger les parfums le plus intensément possible. Or, la plupart d’entre-eux ne songe qu’à une chose : réaliser un maximum de bénéfices en fabriquant des glaces bon marché à partir de ces fameux prémix italiens que l’on voit fleurir un peu partout le long de notre littoral ou dans les grandes villes. Les plus gros industriels Les Français ont redécouvert le monde de la glace, avec glaces et sorbets en salé ou en sucré aux saveurs nouvelles. Glaciers le palmarès Philippe Faur, glacier à Toulouse du secteur, comme Mec3, PreGel ou Fabri, l’ont bien compris et promettent à chacun d’entre eux – qui, le plus souvent, viennent à leur ren- contre au SIGEP , le plus gros salon international de la glace, à Rimini, en Italie – de devenir glacier en seulement 15 jours. Mais en réalité, deux heures suffiraient. Car, en la matière, il suffit de savoir manier une paire de ciseaux pour décou- per des sachets contenant une poudre magique et de la verser dans de l’eau ou du lait, de pas- teuriser le tout et de turbiner le mix obtenu dans des freezeurs où l’on injecte de l’air pour foi- sonner au maximum de la limite autorisée… Et quelques minutes plus tard, vous obtenez des glaces bodybuildées, gonflées à l’extrême, couleurs flashies et spectaculaires. Taux de foisonnement Or, il faut savoir que le taux de foisonnement (la proportion d’air dans une glace) joue un rôle considérable : plus on incorpore d’air dans une glace, plus elle est légère mais plus le goût est dilué (il faut alors ajouter des renforçateurs d’arômes) et plus la sensation de vide augmente : la glace ressemble alors à de la mousse et fond plus vite en bouche. À l’inverse, moins la glace est foisonnée, plus elle goûteuse, plus elle est dense et plus on aura une sensation de soif. Foisonner à l’extrême représente, en outre, un intérêt économique non négligeable. C’est pour- quoi, à l’exception d’Häagen-Dazs qui foisonne à 25 %, la plupart des industriels incorporent systématiquement 100 ou 110 % d’air à leur matière première. Soit le taux maximal autorisé par la loi. Leur litre de glace est donc composé pour moitié de matière première et pour moitié d’air. Dans une glace industrielle à 4 € le litre, on nous vend donc pour 2 € de vent ! Les artisans, eux, pratiquent un taux de foison- nement de l’ordre de 10 à 50 % maximum. Ce qui signifie que lorsqu’à partir d’un litre de mix (l’ensemble des ingrédients mélangés avec l’eau ou le lait), un artisan réalise 1,1 à 1,5 litre de glace après turbinage, l’industriel, lui, en produit 2 à 2,1 litres ! Les glaces artisanales sont alors plus chères (13 à 16 € le litre), mais la quantité de matière première de qualité (ce qui coûte le plus cher, comme la vraie gousse de vanille de Madagascar à 90 € le kg) est aussi beaucoup plus importante : dans un litre de glace artisanale, qui pèse entre 750 et 900 grammes, on extrait une vingtaine de boules (de 40 g chacune), contre une douzaine de boules seu- lement dans un litre de glace industrielle qui, lui, ne pèse que 450 grammes… Le pire de tout cela et le vrai danger qui guette désormais les artisans français – à l’instar de leurs confrères italiens qui ont été laminés par ces uti- lisateurs de prémix qui représentent, là-bas, aujourd’hui, 90 % du marché – c’est que sur la façade de la boutique, ces usurpateurs ne se gênent pas pour afficher « glaces maison » ou d’ajouter sous le nom de leur enseigne la mention « artisan-glacier ». Car ces nouveaux glaciers, qui n’ont de glacier que le nom, ont le droit et la législation pour eux. En l’état actuel des textes règlementaires, n’importe qui peut afficher la mention « glaces maison » à partir du moment où le produit est transformé sur place, peu importe la nature du produit… Et n’importe qui peut s’autoproclamer « artisan glacier » depuis 1996, à partir du moment où au moins un salarié de l’entreprise est titulaire d’un CAP de glacier. Peu importe la méthode de fabrication de la glace. Prémix italiens Or, quand on sait de quoi sont faits ces prémix italiens, il y a de quoi frémir. Un mélange tout prêt de poudre de lait, de matières grasses végé- tales – comme l’huile de palme, moins coûteuse et qui permet d’accentuer le foisonnement, en lieu et place des matières grasses animales traditionnelles, comme la crème fraîche liquide – de sucres (glucose, dextrose, saccharose, sucre inverti…), de stabilisants, d’émulsifiants, de conservateurs, de colorants et d’arômes de synthèse chimiques chargés de reproduire le goût de la noisette ou de la fraise, le tout lyo- philisé et réduit en poudre… avant d’être mé- langé à de l’eau ou du lait. Des glaces vulgaires, au goût artificiel et chimique, très aériennes, et qui ont pourtant l’art d’attirer le touriste… Un process artificiel d’assemblage à des années- lumière du travail artisanal et traditionnel que réalisent, chaque jour, les uploads/Industriel/ nos-45-meilleurs-glaciers-gault-amp-millau-fabien-foenix.pdf

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