© Encyclopædia Universalis France 1 POLLUTION Écrit par François RAMADE : profe

© Encyclopædia Universalis France 1 POLLUTION Écrit par François RAMADE : professeur émérite d'écologie à la faculté des sciences d'Orsay, université de Paris-Sud-Orsay Bien que d'usage banal, le terme pollution recouvre des acceptions fort diverses et qualifie une multitude d'actions qui dégradent d'une façon ou d'une autre le milieu naturel. Certes, le vocable désigne sans ambiguïté les effets des innombrables composés toxiques rejetés par l'homme dans l'environnement ; cependant, il s'applique également à d'autres altérations du milieu de nature physique ou chimique (émission de dioxyde de carbone dans l'atmosphère par exemple) qui, sans être nocives par elles-mêmes pour la santé humaine, sont susceptibles de provoquer des perturbations écologiques d'ampleur catastrophique. Polluer signifie étymologiquement profaner, souiller, salir, dégrader. Ces termes ne prêtent pas à équivoque et paraissent tout aussi adéquats que les longues définitions données par les experts. Parmi ces dernières, on peut cependant retenir la suivante : « constitue une pollution toute modification anthropogénique d'un écosystème se traduisant par un changement de concentration des constituants chimiques naturels, ou résultant de l'introduction de substances chimiques artificielles ; toute perturbation du flux de l'énergie, de l'intensité des rayonnements, de la circulation de la matière ; toute altération d'une biocénose naturelle provoquée par une modification due à l'homme de l'abondance de certaines de ses espèces ou à la pullulation d'espèces exotiques introduites dans des habitats éloignés de leur aire d'origine » (Ramade, 2007). D'autres définitions, plus restrictives, limitent l'usage du terme pollution au rejet de produits chimiques ou radioactifs dans l'environnement et désignent sous le vocable général de nuisance les autres altérations du milieu ambiant provoquées par l'homme (on parlera alors, par exemple, de nuisance sonore ou de nuisance esthétique...). © Encyclopædia Universalis France 2 Histoire et évolution du concept de pollution Malgré une opinion fort répandue, les pollutions ne constituent en aucun cas un problème récent ou un phénomène épisodique. Leurs origines remontent aux époques protohistoriques lorsque se constituèrent les premières cités souillées par les ruisseaux d'écoulement des eaux usées domestiques et par l'entassement dans les rues des ordures ménagères et autres résidus. Depuis ces temps reculés, la pollution urbaine a toujours sévi de façon chronique. Pendant des millénaires, les causes de pollution furent peu nombreuses et d'importance limitée, résultant surtout de la contamination localisée des eaux superficielles et des nappes phréatiques par des bactéries pathogènes et des substances fermentescibles introduites dans les réseaux hydrologiques par les déchets domestiques, problème toujours aigu dans les pays en développement où ces pollutions restent une cause de morbidité grave : salmonelloses, hépatites virales ou choléra en sont des exemples. Au cours du XIX e siècle, la mutation industrielle a exacerbé les besoins énergétiques, faisant d'abord appel pour les couvrir au charbon puis au pétrole, de sorte que les combustibles fossiles devinrent la source d'innombrables pollutions de l'air, de l'eau et des sols, depuis le stade de leur extraction jusqu'à celui de leur utilisation. Avec le développement de la civilisation technologique contemporaine se sont ajoutées aux anciennes causes de contamination de l'environnement par les résidus des activités humaines des causes nouvelles liées, par exemple, à la spectaculaire croissance de la chimie organique de synthèse et, depuis les années 1960, à celle de l'énergie nucléaire. Divers facteurs de nature socio-économique ont aggravé les problèmes de pollution. En premier lieu, l'urbanisation accélérée des pays industrialisés a eu pour corollaire une concentration incessante des industries et de l'habitat, multipliant les sources de contamination de l'environnement et les causes de nuisance. Ensuite, la technologie moderne, en permettant une expansion considérable de la production industrielle, a engendré des masses énormes de déchets, tout en élaborant une multitude de substances minérales ou organiques non biodégradables, parfois très toxiques, ou encore quasi indestructibles (matières plastiques, certains pesticides, résidus de fabrication tels les redoutables dioxines, métaux inoxydables, radionucléides, etc.). Déchets Bouteilles, boîtes, cartons, autant de possibilités de recyclage. Crédits : Chris Thomaidis, Tony Stone Images/ Getty © Encyclopædia Universalis France 3 Quelques spectaculaires affaires de pollution, survenues au cours de la seconde moitié du XX e siècle, ont fait prendre conscience, non seulement au grand public mais aussi aux hommes politiques, de la gravité des conséquences pouvant résulter de la contamination accidentelle ou chronique de l'environnement. L'accident de Seveso (Italie), survenu le 10 juillet 1976, a donné une illustration saisissante des risques écotoxicologiques (cf. encadré L'écotoxicologie : la discipline qui étudie les polluants dans les écosystèmes) associés à un polluant aussi toxique et persistant que les dioxines. Ce jour-là, l'explosion d'un réacteur de synthèse de trichlorophénol provoqua la contamination par ce redoutable sous-produit d'une surface de 1 500 hectares dans la banlieue de Milan où est située cette localité. Moins de 4 kilogrammes de dioxines ont été répandus dans cette zone suburbaine, mais cela suffit pour provoquer la mort de 600 gros animaux (chevaux et bovins) et l'intoxication de 1 288 personnes ! La catastrophe de Bhopal (Inde), en décembre 1984, provoquée par l'explosion d'un réservoir d'isocyanate de méthyle, dans une usine de pesticides de la firme multinationale Union Carbide, libéra au-dessus de la ville un nuage toxique de 40 tonnes de cette redoutable substance. Cette « brume » provoqua la mort immédiate de 4 000 personnes (quelque 12 000 à terme) et l'intoxication de 300 000 autres dont 40 000 restèrent invalides. En matière de pollution nucléaire, l'accident de Tchernobyl, survenu le 26 avril 1986, a donné un exemple spectaculaire des dimensions cataclysmiques que peuvent prendre les pollutions liées à ce type d'énergie. Cette catastrophe provoqua la mort immédiate de trente-quatre personnes et l'irradiation à des doses très élevées de plusieurs centaines d'autres. De plus, un accroissement important de la prévalence des cancers de la thyroïde fut observé chez les enfants habitant dans les zones contaminées. Il convient toutefois de souligner que les prévisions alarmistes, qui estimaient à 130 000 la mortalité par cancer devant survenir dans le prochain demi-siècle parmi les millions de personnes exposées aux retombées radioactives, se sont fort heureusement révélées infondées. Un bilan sanitaire établi en 2006, soit vingt ans après le sinistre, a montré qu'aucun accroissement significatif des leucémies et autres affections radio-induites – à l'exception des cancers de la thyroïde –n'avait eu lieu. De même, aucune modification du taux de mutations géniques n'a pu être observée dans la descendance des « liquidateurs de Tchernobyl », les dizaines de milliers de personnes civiles et militaires qui furent chargées de la décontamination du site.. Il en fut tout autrement des conséquences écologiques car, aujourd'hui encore, 3 000 kilomètres carrés de terres cultivables, de prairies et de forêts contaminés sont toujours inutilisables bien qu'une fraction de la population locale, surtout des personnes âgées, s'y soit réinstallée en toute illégalité. À côté des risques « qualitatifs » liés à la redoutable toxicité de certaines substances existent des causes de pollution « quantitatives » dont les conséquences écologiques peuvent être catastrophiques, malgré la moindre nocivité des polluants concernés, par suite de l'énormité des masses qui sont déversées dans le milieu naturel. Les « marées noires » en donnent un exemple fort illustratif. Ainsi, lors du naufrage de l'Exxon Valdez, qui a eu lieu le 24 mars 1989 dans la baie du Prince-Guillaume (Alaska), quelque 40 000 tonnes de pétrole brut contaminèrent près de 500 kilomètres de littoral, provoquant des ravages dans la flore et la faune marines (oiseaux de mer, phoques et surtout les rares loutres de mer). Plus récemment, la marée noire de l'Erika, survenue le 12 décembre 1999, contamina la côte atlantique, du Morbihan jusqu'aux bouches de la Gironde, sur plus de 400 km avec quelque 17 000 tonnes de fuel lourd n o 2, provoquant des dommages économiques excédant, à l'époque, un milliard de francs. © Encyclopædia Universalis France 4 Marée noire : l'Exxon Valdez, 1989 La marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Exxon Valdez, en mars 1989, dans la baie du Prince-Guillaume, en Alaska (États-Unis). Crédits : Ken Graham, Tony Stone Images/ Getty En définitive, tout au long de son histoire, la civilisation industrielle s'est caractérisée par une croissance spectaculaire du nombre et de l'intensité des pollutions dont elle est la cause. En sus de leurs conséquences directement néfastes à la santé humaine, celles-ci perturbent de façon préoccupante divers processus écologiques fondamentaux propres au fonctionnement de la biosphère. En ce qui concerne la classification des polluants, toute systématique est ici malaisée car elle repose sur des critères dont le choix est toujours arbitraire. On peut prendre une approche toxicologique et considérer la manière par laquelle les pollutions contaminent l'organisme humain (inhalation, ingestion, contact). Bien que d'usage courant, cette classification est anthropocentrique et donne au terme pollution un sens plus restrictif que celui envisagé jusqu'ici. On peut aussi considérer le niveau écologique touché par les pollutions : celui de l'individu, de la population, de la communauté, de l'écosystème, voire de la biosphère tout entière. Il est aussi possible de considérer la nature des milieux contaminés : atmosphère, eaux continentales, océans, sols. On peut également grouper les polluants selon leur nature : physique, chimique, biologique, etc. La classification ici adoptée (tabl. 1) fait la synthèse de ces deux uploads/Industriel/ pollution 2 .pdf

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