10 Reflets de la Physique n° 58 La mesure du spectre de pulsations d’une étoile
10 Reflets de la Physique n° 58 La mesure du spectre de pulsations d’une étoile permet d’obtenir des informations sur les processus physiques qui régissent sa structure et son évolution. La révision récente des abondances chimiques solaires entraîne un désaccord entre le modèle stellaire standard et les mesures d’hélio-sismologie. L’opacité du fer a été mesurée en laboratoire, dans des conditions proches de celles de l’interface entre les zones radiative et convective du Soleil. Les opacités déduites des mesures sont, dans une gamme spectrale allant de 7 à 12,7 Å, de 30 à 400 % supérieures aux calculs, ce qui tend à réconcilier mesures hélio-sismiques et prédictions du modèle standard, mais demeure une énigme pour les théoriciens. L’hélio-sismologie et l’énigme de l’opacité du fer La structure du Soleil et le modèle standard Le Soleil tire son énergie des réactions de fusion nucléaire qui transforment, en son cœur, l’hydrogène en hélium. Dans le cœur thermonucléaire, concentrant la moitié de la masse du Soleil dans un quart de son rayon de 700 000 km, la température décroît de 15 (au centre) à 7 (à la périphérie) millions de degrés. Dans la zone radiative, qui se situe approximativement entre 0,25 et 0,7 rayon solaire, la matière est si chaude et si dense que le transfert de la chaleur se fait uniquement par transfert de rayonnement. À mesure que l’on s’éloigne du cœur, la densité décroît de 1,4 1031 à 1,7 1028 atomes/m3, la pression de 3 1010 à 6 106 atmosphères, et la température de 7 106 à 2 106 K. On pense que cette zone radiative contient entre un tiers et la moitié de la masse du Soleil (fi g. 1). Autour de 0,7 rayon solaire, la température a suffi - samment baissé pour qu’une partie des atomes conserve quelques électrons, ce qui rend la matière plus opaque. L’opacité (voir encadré, p. 11) ralentit le transfert radiatif, et l’accumulation de chaleur qui en résulte déstabilise le plasma, la chaleur s’évacuant alors par convection vers la surface dans les derniers 30 % du rayon solaire qui consti- tuent la zone convective, dans laquelle la température varie de 2 106 à 6 103 K. La convection est également source de champs magnétiques qui donnent naissance, en émergeant à la surface, aux taches solaires. Jean-Christophe Pain (jean-christophe.pain@cea.fr) Laboratoire de Physique Atomique des Plasmas, CEA, DAM, DIF, 91297 Arpajon 10 Reflets de la Physique n° 58 Modes p- Modes g- Chromosphère Photosphère Zone convective Zone radiative Cœur 1. Coupe du Soleil représentant les différentes zones. Les ondes acoustiques (modes p) sont localisées principalement dans la zone convective, et les ondes de gravité (modes g) dans la zone radiative et le cœur. © SOHO (ESA & NASA) Article disponible sur le site https://www.refletsdelaphysique.fr ou https://doi.org/10.1051/refdp/201858010 La tachocline [1], couche de fort cisaille- ment, épaisse d’environ 3000 km, séparant les zones radiative et convective, est sup- posée jouer un rôle important dans le mécanisme de production du champ magnétique solaire via l’effet dynamo dont la compréhension est un des défis actuels de la physique stellaire. Les rayonnements X et γ libérés lors des réactions de fusion mettent un temps considérable pour traverser les zones radiative et convective avant d’atteindre la surface du Soleil, les photons étant constamment absorbés et réémis. On estime que le temps de transit du cœur à la sur- face se situe entre 10 000 et 170 000 ans. La stabilité du Soleil résulte d’un équilibre entre la force de gravitation, qui tend à concentrer la matière, et la force de pression qui va dans le sens d’une expansion. Pour assurer la stabilité de cet équilibre il faut que la pression et la densité augmentent lorsque l’on s’enfonce à l’intérieur du Soleil. Le calcul d’un modèle de la struc- ture interne du Soleil nécessite de faire des hypothèses raisonnables sur la composition chimique, les taux de réactions nucléaires, les opacités, le transport par convection et l’équation d’état de la matière. Dans le modèle stellaire standard, l’évolution solaire est calculée en supposant que le mélange de la matière solaire se produit uniquement dans la zone convective. L’abondance relative des éléments lourds comme le carbone ou l’oxygène est choisie égale à celle observée dans l’atmosphère solaire. En l’absence d’une théorie rigoureuse de la convection turbulente, la structure de l’enveloppe convective est modélisée de manière semi- empirique faisant intervenir la « longueur de mélange », distance sur laquelle une particule de gaz peut être identifiée avant que sa trajectoire ne se confonde avec un mouvement d’ensemble. En faisant varier ce paramètre, qui sert à quantifier l’effica- cité de la convection, et la quantité initiale d’hélium, il est possible de calculer un modèle du Soleil reproduisant, à son âge actuel, son rayon et sa luminosité. Reflets de la Physique n° 58 11 Avancées de la recherche Reflets de la Physique n° 58 11 La machine Z, générateur de rayons X pulsés le plus puissant au monde, installée dans les locaux des laboratoires Sandia à Albuquerque, New-Mexico (USA). L’impulsion électrique est produite par un ensemble de 36 générateurs de Marx situés à la périphérie de l’installation et déclenchés par des éclateurs, permettant une décharge électrique extrêmement puissante en une fraction de seconde. Afin d’obtenir et de libérer en un temps suffisamment court la quantité considérable d’éner- gie nécessaire au fonctionnement de la machine, il faut au préalable stocker l’énergie dans des cuves remplies d’eau, qui jouent le rôle de condensateurs. L’opacité d’un milieu est la section efficace de photoabsorption (c’est-à-dire d’absorption de rayonnement) par unité de masse. Elle s’exprime traditionnellement en cm2/g. L’opacité d’un plasma chaud (température supérieure à plusieurs centaines de milliers de degrés) à l’équilibre thermodynamique local, est due à quatre processus : la photoexcitation (à l’origine des raies spectrales), la photo-ionisation (ou effet photoélectrique), l’effet Bremsstrahlung inverse (accélération d’un électron libre due à l’absorption de rayonnement) et la diffusion Compton. Opacité d’un plasma chaud © Randy Montoya / Sandia National Laboratories. Hélio-sismologie C’est en 1960 que des pulsations extrê- mement faibles du Soleil, d’une période de 5 minutes, ont été mises en évidence pour la première fois par Robert Leighton de l’université de Caltech, par mesure de l’effet Doppler : elles provoquaient des déplacements de la photosphère à des vitesses de plusieurs km/s. Il faudra attendre les années 1970 pour que ce phénomène soit interprété comme la manifestation de la propagation d’ondes sonores dans le Soleil. Sous l’action d’un mécanisme d’excitation, des ondes (des modes propres) sont générées et se propagent [2]. Pour le Soleil, il s’agit essentiellement d’ondes acoustiques. Ayant un diamètre de 1 400 000 km, le Soleil « résonne » à une fréquence proche de 3 mHz, plusieurs dizaines d’octaves en dessous du seuil acces- sible à l’oreille humaine (environ 16 Hz). C’est l’excitation par la turbulence convective qui se révèle être l’effet domi- nant. L’interaction turbulence-convection joue en fait simultanément le rôle d’excita- tion et d’amortissement des modes propres. L’excitation est également due, dans une moindre mesure, au « mécanisme κ », engendré par l’opacité de l’hélium, et localement actif à proximité de la surface, mais qui contribue moins que pour d’autres types d’étoiles pulsantes comme les β-Céphéides [3,4]. Ce mécanisme, aussi appelé “Eddington valve” (soupape d’Eddington) [5], permet à l’atmosphère de l’étoile d’osciller. La régulation des fuites de chaleur (provenant de l’intérieur de l’étoile) fonctionne comme une sou- pape : l’énergie est accumulée pendant la compression et évacuée pendant l’expan- sion. Au cours de la compression, l’opa- cité augmente, ce qui provoque une accumulation d’énergie dans la couche comprimée avant d’amorcer une expansion. Puis l’opacité diminue, ce qui accélère l’évacuation de l’énergie accumulée, ralentit l’expansion et amorce la compres- sion suivante. La turbulence convective et le mécanisme κ sont susceptibles de fournir de l’énergie dans le même domaine de fréquences, spatiales et temporelles, et les pulsations se propagent depuis le centre du Soleil jusqu’à la chromosphère à la vitesse de 2 m/s. La sismologie a permis la détermination de la stratification interne du Soleil, notamment du profil de vitesse du son (pouvant atteindre plusieurs centaines de km/s) en fonction de la profondeur. Cette quantité dépend fortement des variations de température, densité et pression. Les transitions entre les différentes régions du Soleil peuvent ainsi être identifiées, dont la base de la zone convective, délimitant la région où s’effectue le mélange (et l’homo généisation de la composition chimique observée à la surface solaire). D’autres propriétés du plasma solaire ont pu être testées grâce à l’hélio-sismologie, comme l’abondance de l’hélium dans la zone convective (celle-ci ne pouvant être mesurée dans le spectre d’absorption du Soleil). La valeur obtenue était bien plus faible que celle attendue. Ce déficit a été compris comme résultant d’un processus de sédimentation de l’hélium et des éléments plus lourds au sein de la zone convective vers la zone radiative depuis l’apparition du Soleil. Ce mécanisme a pu être introduit dans les modèles d’évolution stellaire et ainsi améliorer leurs prédictions. De même, l’âge du Soleil a été contraint précisément à 4,57 ± 0,11 milliards d’années. La sismologie globale a offert la possibi- lité uploads/Industriel/ refdp-201858-p-10.pdf
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- Publié le Oct 06, 2021
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