Michel Savy LE TRANSPORT DE MARCHANDISES © Groupe Eyrolles, 2007 ISBN 10 : 2-70

Michel Savy LE TRANSPORT DE MARCHANDISES © Groupe Eyrolles, 2007 ISBN 10 : 2-7081-3701-8 ISBN 13 : 978-2-7081-3701-1 1 © Groupe Eyrolles Introduction générale Si la définition générale du transport de marchandises est apparemment simple1, son appréhension économique rencontre plusieurs problèmes : • d’une part, les techniques de transport sont infiniment différenciées en fonction de la nature de la cargaison (en petite ou grande quantité, en vrac ou conditionnée, etc.), de la liaison à effectuer (terrestre, aérienne ou maritime, à courte ou longue distance) et de la performance visée (en termes de rapidité notamment). C’est le déplacement de la chose qui fait le transport, par-delà l’hétérogénéité des outils mis en œuvre. Sinon, quelle ressemblance entre un cycliste porteur d’un pli urgent et un pétrolier de 500 000 tonnes, qui tous deux effectuent un transport de fret ? Fonctionnellement, le transport croise ainsi toutes les autres activités, dont il achemine les approvisionnements et les produits ; • d’autre part, le transport de marchandises ne coïncide pas avec une branche économique, définie par la comptabilité nationale par référence à la production d’un bien ou d’un service échangé sur un marché. 1. Une marchandise est « une chose mobilière pouvant faire l’objet d’un commerce, d’un marché ». Le transport est « le fait de porter pour faire parvenir en un autre lieu ; manière de déplacer ou de faire parvenir par un procédé particulier, véhicule, récipient, etc. ». Cf. Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1970. La question des définitions, et notamment celle du fret, sera reprise dans le chapitre consacré à la « Nature du transport ». Branche, secteur et activité En toute rigueur, la comptabilité nationale distingue deux notions comptables : le secteur et la branche. Le secteur regroupe les entreprises dont l’activité principale est constituée par la production du bien ou du service considéré (ici, le transport). Le secteur du transport regroupe les entreprises de transport, et recouvre donc aussi des activités qui ne sont pas du transport, exercées par des entreprises du transport à titre secondaire. Par exemple, la SNCF assure elle-même l’entretien des voies (pour le compte du maître d’ouvrage, RFF), activité ressortissant à une autre rubrique de la nomenclature. Pour autant, une part de l’activité marchande de transport échappe au secteur du transport : celle exercée par les entreprises dont l’activité principale est autre, et qui ne produisent du transport qu’à titre secondaire. Pour couvrir tout le transport (marchand) et rien que le transport, il faut utiliser une autre notion. La branche repose sur un découpage des entreprises en segments, dits « unités de produc- tion homogène », et regroupe ces unités, quelles que soient les entreprises dont elles relèvent et que le transport constitue ou non leur activité principale (BERNADET, 1998). Dans l’examen des statistiques qui jalonnent ce livre, on se référera le plus souvent aux données de branche, décrivant plus fidèlement l’activité marchande de transport et LE TRANSPORT DE MARCHANDISES 2 © Groupe Eyrolles La branche des transports couvre en effet un champ bien plus large puisqu’elle comprend aussi le transport de voyageurs : le transport de marchandises n’est qu’un sous-ensemble du transport et, si l’on voulait isoler une sous-branche du transport de marchandises, la délimitation en serait méthodologiquement difficile (ainsi, certaines entreprises, comme la SNCF ou Air France, produisent les deux prestations, parfois avec les mêmes outils). À l’inverse, la branche des transports a une envergure trop étroite puisqu’elle ne concerne que le transport marchand, vendu comme une marchandise. Elle ne couvre pas les trafics assurés de manière interne par des entre- prises agricoles, industrielles ou commerciales qui utilisent leurs propres moyens (leur propre personnel et leurs propres véhicules) et, étant à la fois productrices et consommatrices des opérations de transport dont elles ont besoin, ne font pas appel au marché du transport. Cette caractéristique du transport – le partage entre marché et autoproduction/consommation – se rencontre dans d’autres domaines : par exemple, les traitements informatiques se partagent entre ceux qui sont fournis par des entreprises spécialisées (et qui appartiennent à la branche des services informa- tiques) et ceux qui sont produits à l’intérieur des entreprises utilisatrices, quelle que soit la branche de la comptabilité nationale à laquelle elles appartiennent. La branche des transports est donc à la fois plus large et plus étroite que le champ qui nous intéresse ici. N’étant ainsi, ni une technique homogène, ni une branche industrielle, le transport de marchandises est une activité économique. UNE BRANCHE TECHNIQUE MAJEURE Dans sa diversité, le transport – de marchandises comme de personnes – est depuis toujours une branche majeure de la technique, participant aux avancées et aux révo- lutions qui en scandent l’histoire (avec la machine à vapeur ou l’automobile, par exemple). Il faut à cet égard distinguer entre la production des outils de transport et leur mise en œuvre. Les industries de production des outils de transport – construction ferroviaire, couramment reprises dans les publications statistiques. En revanche, dans le fil du commentaire, les notions de secteur et de branche pourront être utilisées de façon plus générique, voire comme des homonymes. Par construction, le secteur et la branche ne se réfèrent qu’à la production de transport destinée au marché du transport. Les « comptes satellites pour les transports » annexés à la comptabilité nationale constatent cette situation et visent précisément à couvrir l’intégralité du champ. Pour désigner l’ensemble des transports, qu’ils soient vendus comme tels ou qu’ils soient produits et consommés à l’intérieur d’entreprises sans faire l’objet de transactions commerciales, nous proposons la notion plus large d’activité de transport. 3 Introduction générale © Groupe Eyrolles automobile, navale, aéronautique, sans oublier les infrastructures, les systèmes de signalisation et de contrôle, l’énergie, etc. – demeurent parmi les plus innovatrices. Elles sont situées à l’amont de l’activité de transport, à qui elles fournissent des équi- pements, qui requièrent eux-mêmes une technique spécifique pour leur exploitation. C’est celle-ci, la technique de transport proprement dit, qui intéresse directement l’économie du fret. Quant à la consommation du transport par les chargeurs, elle s’appuie aujourd’hui sur des techniques logistiques en développement rapide. Les effets du développement technique du transport peuvent ainsi s’appréhender à plusieurs niveaux successifs : • développement d’une industrie des matériels de transport ; • développement d’une industrie du transport ; • développement des activités (et des pratiques sociales) liées à la consommation du transport. Toutes les activités, agricoles, industrielles et tertiaires, sont utilisatrices de transport. La compétence technique du transport se partage donc entre les transporteurs et leurs clients, les chargeurs qui organisent aujourd’hui leurs fonctions logistiques sous la responsabilité de divisions spécialisées. D’un point de vue macroéco- nomique, l’abaissement continu des coûts de transport contribue directement à l’augmentation des échanges et de la production, et à l’élargissement d’espaces géographiques de plus en plus interdépendants, jusqu’à l’échelle mondiale (pour les transports terrestres, le prix de la tonne-kilomètre en monnaie constante a été divisé par un facteur dix depuis le lancement du chemin de fer dans les années 1840, pour s’en tenir au court terme, celui du transport maritime international de conteneurs a été divisé par deux pendant la dernière décennie). Au demeurant, le transport participe pleinement d’un système technique global. Tout en étant le lieu de création et de développement de multiples techniques spéci- fiques, il est aussi un consommateur intense et un développeur des techniques issues des autres secteurs de l’industrie pour former une filière plus ou moins intégrée : les industries des matériaux et des énergies sont intensément sollicitées, sans oublier la présence universelle et transversale de l’électronique et de l’informatique tant pour la construction des équipements que pour leur mise en œuvre. Le transport de marchandises est ainsi un puissant vecteur de modernité technique dans tout le système de production et d’échanges. UN PROCESS INDUSTRIEL Transporter des produits, les déplacer dans l’espace, est une opération matérielle qui requiert de la main-d’œuvre, des équipements, des consommations intermédiaires considérables. Le transport modifie les caractéristiques physiques des produits (leurs coordonnées spatio-temporelles) tout comme les opérations manufacturières en modi- fient la composition ou la morphologie. Le transport de fret est un process industriel. LE TRANSPORT DE MARCHANDISES 4 © Groupe Eyrolles La valeur du transport s’incorpore à la valeur totale du produit, qui additionne coût des matières premières, coût de fabrication, coût de transport, coût d’entreposage, etc. La valeur d’usage d’un bien dépend immédiatement du lieu où ce bien est dispo- nible, sa valeur d’échange également (et cette dépendance se reflète dans la diffé- rence entre les prix « départ usine » et les prix « rendu »). En outre, l’opération de transport se déroule dans le temps, et le temps de transport s’incorpore intégralement dans le cycle de rotation d’un produit depuis l’engagement de sa fabrication jusqu’à sa vente sur le marché. L’influence du transport sur la gestion industrielle est donc double, jouant à la fois sur le coût de production et sur le volume du capital engagé. Techniquement, le transport est un process (une opération productive) et non un produit (le bien issu du process). En uploads/Industriel/ transport-des-marchandises.pdf

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