Risques professionnels liés à l’emploi des produits détergents et désinfectants
Risques professionnels liés à l’emploi des produits détergents et désinfectants Catherine Verdun-Esquer (Bordeaux) Les produits détergents et désinfectants sont très largement utilisés en milieu hospitalier, avec une intensification ces dernières années, compte tenu de la découverte de nouveaux agents infectieux (virus VIH, virus des hépatites, prions...) et de l'impérieuse nécessité de lutter contre les infections nosocomiales. Les services d’anesthésie-réanimation utilisent très largement ces produits du fait des protocoles d’hygiène qu’ils sont tenus d’appliquer (patients fragilisés). Leur utilisation peut entraîner chez les agents qui les manipulent des pathologies irritatives et/ou allergiques atteignant peau et muqueuses, vis-à- vis desquelles des mesures de prévention doivent être prises, grâce notamment à une collaboration étroite entre les services de médecine du travail et d'hygiène hospitalière. 1. Aspects toxicologiques des produits détergents et désinfectants La gamme des produits utilisés est très variée : détergents pour instruments, détergents pour endoscopes, détergents et désinfectants pour sols et surfaces, détergents et désinfectants pour la pré-désinfection des matériels médicaux, désinfectants pour la désinfection à froid (désinfection par immersion des matériels thermo-sensibles), désinfectants pour désinfection de contact (désinfection des surfaces par la technique des dispersats dirigés), désinfection terminale... [1] Les produits désinfectants et détergents sont de formulation complexe. On retrouve à côté d’un ou plusieurs principes actifs (agents connus pour leur activité anti-microbienne) de nombreux adjuvants ou excipients (agents lavants ou nettoyants, agents surgraissants, agents moussants, émollients, colorants, parfums...) et un solvant aqueux ou alcoolique. Selon le but recherché, la composition sera différente [2]. Chacun de ces composés peut jouer un rôle dans la pathologie présentée. Parmi les molécules les plus fréquemment incriminées, on retient les aldéhydes, les tensio-actifs, les amines, les oxydants, les conservateurs, les enzymes protéolytiques, les solvants alcooliques, la soude caustique et l’acide peracétique. 16ll Journées d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale d’Aquitaine, 2004 1.1. Les aldéhydes (aldéhyde formique ou formaldéhyde et aldéhyde glutarique ou glutaraldéhyde) [3-6] Ils n’ont aucun pouvoir nettoyant ou détergent ; ils sont utilisés pour leur activité anti-microbienne. Le formaldéhyde est présent dans des formulations désinfectantes pour le traitement des sols et surfaces. Il est également utilisé sous forme gazeuse pour la désinfection terminale de milieux de soins par voie aérienne. Le glutaraldéhyde peut être utilisé en association au formaldéhyde dans des formulations désinfectantes pour sols et surfaces. C’était jusqu’en 2003 le principe actif presque exclusivement utilisé pour la désinfection à froid du matériel thermosensible, en application de la circulaire DGS/DH n° 236 du 2 avril 1996 relative aux modalités de désinfection des endoscopes dans les lieux de soins. Cette dernière a été abrogée par la circulaire DHOS/E2/DGS/SD5C/2003 n°591 du 17 décembre 2003 relative aux modalités de traitement manuel pour la désinfection des endoscopes. Ce sont des molécules irritantes et sensibilisantes, responsables de manifestations cutanées et/ou muqueuses aiguës et chroniques. La toxicité du glutaraldéhyde est 15 à 20 fois plus élevée que celle du formaldéhyde. Les formulations à base de ces aldéhydes dégagent des vapeurs à température ambiante responsables des symptômes touchant les voies aériennes. On a rapporté également un relargage lent du formaldéhyde après la polymérisation rapide du produit en cas de désinfection terminale. Le formaldéhyde est par ailleurs classé par le Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) comme cancérogène certain chez l’homme (groupe 1 de la classification du CIRC) [5,6]. Leur utilisation est en régression compte tenu de leur inefficacité sur les agents infectieux non conventionnels (ATNC) (produits du groupe I selon la circulaire DGS/5C/DHOS/E2/2001 n°138 du 14 mars 2001 relative aux précautions à observer en vue de réduire les risques de transmission des ATNC), ayant abouti à une modification des recommandations notamment pour la désinfection à froid des endoscopes (circulaire du 17 décembre 2003 sus-citée). 17ll Journées d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale d’Aquitaine, 2004 1.2. Les tensio-actifs ou surfactants Les tensio-actifs ont des propriétés moussantes, émulsifiantes, mouillantes et détergentes. On distingue quatre classes de tensio-actifs : les anioniques, les cationiques, les non-ioniques et les amphotères. Ces quatre types de tensio-actifs peuvent entrer dans la composition de produits détergents et désinfectants [3]. Ce sont tous des irritants cutanés du fait de leur capacité à solubiliser les membranes lipidiques. Ils éliminent le film lipo-protecteur cutané. Néanmoins, le pouvoir irritant n’est pas identique quelle que soit la classe. Les tensio-actifs cationiques et anioniques sont les plus irritants, tandis que les non ioniques le sont beaucoup moins [3,4]. Parmi ces molécules, certaines ont été particulièrement identifiées comme responsables de manifestations d’intolérance chez le personnel exposé. On retiendra notamment les ammoniums quaternaires, tensio-actifs cationiques, aux propriétés détergentes et anti-microbiennes. Ce sont des molécules irritantes pour la peau et les muqueuses à des concentrations supérieures à 0,1 %. Un pouvoir sensibilisant a également été démontré pour un certain nombre de molécules (chlorure de benzalkonium, bromure de cétrimonium, chlorure de didécyl-diméthyl ammonium…) [3,4]. 1.3. Les amines [3,5,6] Certains produits détergents et désinfectants renferment des amines aliphatiques. Ce sont des composés fortement basiques, caustiques pour la peau et les muqueuses, pouvant également être sensibilisants. 1.4. Les oxydants Ce sont des composés antimicrobiens tels que le chlore, l’iode et le brome. Ils sont utilisés dans les détergents et antiseptiques. Ils sont responsables de dermites irritatives notamment avec l’eau de Javel. Des cas de sensibilisation à l’eau de Javel (hypochlorite de sodium) ont été rapportés, liés au bichromate de potassium qu’elle renfermait. Cet additif a été supprimé de l’eau de Javel en France [3]. 18ll Journées d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale d’Aquitaine, 2004 1.5. Les conservateurs et les parfums Ces adjuvants peuvent être responsables de dermites par sensibilisation. Ce type de réaction a surtout été décrit avec les produits d’hygiène, mais les mêmes molécules sont rencontrées dans les produits détergents. 1.6. Les enzymes protéolytiques Elles sont utilisées dans les détergents destinés aux instruments grâce à leurs qualités physico-chimiques permettant le nettoyage et la décontamination du matériel très souillé. Leur structure protéique est responsable de manifestations allergiques notamment à type de conjonctivite, rhinite, asthme et dermite chez les agents exposés. 1.7. Les solvants alcooliques Ils sont notamment utilisés dans les produits destinés à la désinfection de contact. L’alcool éthylique ou éthanol est le plus largement utilisé en France. Il exerce un effet desséchant sur la peau en cas d’application répétée et possède un pouvoir irritant sur les muqueuses en cas d’aérosolisation [3,5,6]. 1.8. La soude caustique L’utilisation de la soude caustique, aux propriétés irritantes bien connues pour la peau et les muqueuses, s’est également développé ces dernières années dans les hôpitaux pour l’inactivation chimique des matériels potentiellement contaminés par les ATNC, en application de la circulaire DGS/DH n° 100 du 11 décembre 1995, actualisée par la circulaire DGS/5C/DHOS/E2/2001 n°138 du 14 mars 2001 [5,6]. 19ll Journées d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale d’Aquitaine, 2004 1.9. L’acide peracétique C’est le principe actif le plus couramment utilisé dans les solutions désinfectantes présentes sur le marché français pour la désinfection à froid des endoscopes (produit du groupe II selon la circulaire du 14 mars 2001). C’est un peracide à la forte odeur de vinaigre, corrosif, au pouvoir irritant [7]. 2. Circonstances d'exposition L’évaluation du risque d’exposition pour les personnes manipulant les produits détergents et désinfectants doit tenir compte de plusieurs facteurs : - la forme de présentation du produit : produit concentré ou dilué, forme liquide ou poudre ; - les caractéristiques physico-chimiques du produit : la présence de composés organiques volatils (substances dont le point d’ébullition se situe entre 0°C et 400°C) est responsable d’un dégagement de vapeurs à température ambiante, aussi bien pendant la phase de nettoyage qu’une fois celle-ci terminée. C’est le cas notamment des aldéhydes [5,6] ; - les conditions d’utilisation du produit [3] : • bains de trempage pour le nettoyage et la désinfection des instruments et endoscopes : le personnel est exposé lors de la manipulation de bains de produits parfois concentrés (risques de projections, de renversements) et aux vapeurs de produit (glutaraldéhyde et acide peracétique notamment) ; • nettoyage humide des sols et surfaces, avec chiffon, gaze ou balai à franges : les contacts avec le produit ont lieu lors de sa dilution (quand celui-ci se présente sous forme de sachets concentrés), lors du nettoyage proprement dit (avec chiffon imprégné), lors de la pulvérisation éventuelle du produit en direction des surfaces ; • désinfection des surfaces selon la technique des dispersats dirigés, responsable de la formation d'aérosols de produits dont le solvant est généralement alcoolique ; 20ll Journées d’Anesthésie-Réanimation Chirurgicale d’Aquitaine, 2004 • désinfection terminale : par pulvérisation de produits renfermant des aldéhydes le plus souvent, se faisant en dehors de toute présence humaine. Ainsi les voies de contact potentielles sont-elles : - le contact direct du produit avec la peau et les muqueuses (bains et solutions, projections, pulvérisations) ; - le contact par voie aéroportée du fait de la formation d’un aérosol (manipulation de produits en poudre, produits à base de composés organiques volatils, mise en œuvre du produit par pulvérisation). Les organes exposés chez le personnel sont donc essentiellement la peau et les muqueuses oculaires, ORL et bronchiques. Le siège des lésions cutanées peut varier en fonction des conditions d'utilisation : mains, avant-bras et bras, membres inférieurs voire visage par voie aéroportée. 3. Pathologies en rapport avec l'utilisation uploads/Industriel/ risques-detergents-desinfectants.pdf
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- Publié le Jul 23, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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