1 GUY BROUSSEAU SITUATIONS FONDAMENTALES ET PROCESSUS GENETIQUES DE LA STATISTI
1 GUY BROUSSEAU SITUATIONS FONDAMENTALES ET PROCESSUS GENETIQUES DE LA STATISTIQUE INTRODUCTION La publication récente du compte rendu d’une expérience ancienne est la raison de ma présence devant vous. Je ne suis pas sûr qu’en choisissant le thème « étude d'un problème curriculaire : L’enseignement des statistiques », les organisateurs avaient en tête de me voir raconter cette aventure d’une autre époque. J’avoue d’ailleurs avoir été troublé par leur demande car il me semblait que vous auriez dû préférer un cours d’un chercheur plus jeune et mieux informé des orientations du moment. J’ai tout de même accepté leur offre lorsqu’ils ont précisé qu’il serait possible de montrer à cette occasion comment fonctionne le concept de « situation » dans une recherche curriculaire. Que peut-il apporter ? Il s’agissait bien d’un défi. Il m’a conduit à revisiter les raisonnements et les résultats qui m’avaient guidé à l’époque à l’aide d’instruments développés depuis ; je me suis rapidement replongé dans un univers incommunicable dans le cadre de ce cours. Après avoir élagué le propos principal de la plupart des mises au point et des précisions que vous trouverez dans les annexes et dans les notes qui accompagnent ce cours, il nous est resté trois propos assez distincts : - la méthode de recherche d’un processus fondamental pour un secteur des mathématiques, à l’aide de la théorie des situations didactiques, - son application à la recherche des obstacles à l’enseignement - et le compte rendu de l’expérience avec ses implications actuelles. Le premier propos était celui qui m’intéressait le plus. Il m’a conduit à revisiter quelques idées, entre autres, la notion de situation fondamentale, et de hasarder des interprétations en termes de praxéologie. La logique aurait voulu que je traite ces questions dans cet ordre, mais les raisonnements théoriques sur des situations sont à la fois complexes et abstraits. Malgré des efforts considérables, je ne me suis pas senti capable de présenter oralement les textes que j’avais rédigés sur cette question, ni même les diaporamas qui en étaient issus. Je vais donc exposer le résultat avant d’expliquer la méthode, en me livrant ainsi à une violation caractérisée des idées didactiques que je vais m’efforcer par ailleurs de vous présenter. 1. UNE EXPERIENCE DE PREMIER ENSEIGNEMENT DES STATISTIQUES1 SITUATION INITIALE ET UN PROCESSUS GENETIQUE Le but pour le professeur Le but implicite du processus était de définir ce qu’est une statistique en faisant comprendre - en définissant implicitement – ce qu’est l’égalité ou plutôt l’équivalence de deux statistiques. 1 Ce paragraphe résume l’article : « une expérience de premier enseignement en statistique », et l’article de Guy BROUSSEAU, Nadine BROUSSEAU, Virginia WARFIELD, “An experiment on the teaching of statistics and probabilité” Journal of Mathematical Behavior, 20 (2002) 363-441. Le texte en français constitue l’annexe 1 dans le CD-ROM. Voir aussi le diaporama 1 2 Deux statistiques sont équivalentes si et seulement si elles « définissent » le même objet. C’est-à-dire si elles l’acceptent toutes les deux comme modèle. Cette approche implique donc une stratégie explicite du test d’hypothèse que le processus devrait faire apparaître. Les données sont des informations choisies et recherchées à la discrétion de l’actant, de façon à ce qu’il soit maître de réitérer ses demandes ou non, selon la perception qu’il a de leur utilité. Habituellement les données sont recueillies, souvent dans des conditions inconnues et il s’agit de deviner de quel objet ou système elles sont la trace. L’incertitude et donc les raisonnements portent sur l’objet. Ici l’objet de l’observation est déterminé sinon connu. Le milieu capable de délivrer rapidement des informations faciles à recueillir et à interpréter est une machine de hasard, pour l’observateur, mais pas pour les actants car aucune prévision ne leur est demandée au cours de la situation d’action. Des demandes de prévisions n’apparaîtront que comme argument rhétorique dans l’analyse des explications fournies par les élèves pendant les situations de validation. Le seul enjeu est un savoir, pas un gain quelconque. Il est important de remarquer que ni le hasard ni la méthode du test d’hypothèse ne sont ici des objets d’étude mais que l’un est une condition de la situation et l’autre un moyen de déterminer un objet sous cette condition. La machine devait être très simple, facile à concevoir et à reproduire. L’objet X, le modèle à produire, devait exister déjà, être sûr, aussi familier que possible : la composition d’une petite collection de boules. Il n’est donc fait appel qu’à un répertoire très simple. Les diverses possibilités sont imaginables immédiatement. La situation d’action porte donc sur le choix d’une composition : « combien y a-t-il de boules blanches dans cette bouteille opaque, qui en contient 5 ? ». La progression des formulations est la partie qui a été la moins clairement explicitée et la moins contrôlée. La standardisation du vocabulaire didactique aurait dû éviter les contaminations sauvages par la culture du professeur ou celle encore plus incontrôlable des élèves. Les termes ambigus se pressent en foule sur les lèvres des participants au cours des débats. Mais les faits sont plus têtus que les mots et le sens de ces formulations déficientes est correct. La motivation effective n’est pas le gain, ni le goût du jeu, ni même la découverte empirique d’une loi, ce sera la mise au point d’arguments, et d’un discours convaincant, c'est-à-dire consistant, sur la vérité d’une déclaration sur un objet qui restera toujours caché, conformément au projet expliqué plus haut. Dans ces conditions nos pourrons observer l’invention et /ou la justification immédiate de très nombreuses techniques mathématiques élémentaires dans leur rôle spécifique de la statistique. L’inventaire en est éloquent. RESUME DU DEROULEMENT DE L’ENSEIGNEMENT Les conditions du déroulement sont exposées dans le texte donné en annexe La situation initiale Le professeur : « Votre camarade Pierre va mettre dans cette bouteille (opaque) et vide, 5 boules prises dans ce sac (opaque) qui en contient une trentaine. Venez vérifier qu’il n’y a dans le sac que des boules blanches et des boules noires ». « Pierre, mélange les boules dans le sac, et maintenant, sans regarder, isole 5 boules que tu tiens à travers le tissu ». « Venez constater qu’il y en a bien 5. J’introduis alors la bouteille dans le sac. 3 « Pierre, fais entrer les cinq boules dans la bouteille ! et maintenant bouche le goulot avec ce bouchon translucide. « Vous êtes tous bien sûrs que dans cette bouteille il y a bien 5 boules et rien d’autre mais vous ne connaissez pas leur couleur. Nous allons essayer de savoir ce que contient cette bouteille sans jamais l’ouvrir ». Cette question heurte évidemment les modalités des raisonnements déterministes en usage dans les classes et les élèves ne comprennent pas quel calcul ils pourraient faire pour obtenir la solution de ce problème. Il commencent donc par essayer de regarder à travers le bouchon, puis l’un renverse la bouteille et là il peut voir la couleur de la boule qui se loge contre le bouchon. « Il y a une boule blanche ! » La question qui vient spontanément alors est « y en a-t-il aussi une noire ? » deux retournements de la bouteille… encore une blanche (la même ? une autre ? personne ne sait). L’idée que s’il y a une noire elle va finir par se montrer justifie des retournements jusqu’à ce que l’événement se produise (s’il se produit sinon ?). Ce ne sont évidement pas des tirages. « Il y a une blanche et une noire… » C’est la fin de l’épisode déterministe et rien ne saurait justifier dans ce mode de pensée de continuer à retourner cette bouteille (est-ce que la lecture d’un deuxième exemplaire d’un même journal confirme les nouvelles du premier ?). Mais en général les enfants font des hypothèses qui vont démarrer le processus : «- recommence cinq fois pour qu’on voie toutes les boules » dit un enfant qui a l’idée que les boules doivent se montrer successivement en bon ordre - voilà ! il y a trois boules blanches et deux noires ! L’histoire n’a pas de raison d’aller plus loin… sauf si cette idée que les boules se montrent sagement dans le même ordre est relevée, que ce soit par le professeur ou par un élève. « Si ce que tu dis est vrai alors en recommençant on devrait voir encore les trois blanches et les deux noires… » Surtout ne pas s’arrêter aux hésitations des élèves qu’une prévision directe effarouche « cette fois on voit quatre fois une blanche et une noire » Exit sans bruit l’hypothèse de la succession régulière … tout pourrait s’arrêter là mais… «- En tout cas il y plus de blanches que de noires… » dit un autre - Alors on devrait continuer à voir plus de blanches que de noires si on continuait ? - Non, si les blanches se sont montrées c’est au tour des noires (il aura compensation). » De là une attention particulière pour les résultats des observations et pour leur enregistrement. Il faudrait examiner toutes les uploads/Industriel/ sit-fond-et-processus-genetiques-de-la-stat-ecole-dete-margolinas.pdf
Documents similaires
-
21
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Nov 02, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2461MB