Sociologie du travail Les théories des relations industrielles : une mise en pe
Sociologie du travail Les théories des relations industrielles : une mise en perspective Walther Millier-Jentsch, Olivier Giraud Abstract During the second half of the 20th century, a bountiful corpus of scientific writings has arisen around industrial relations. But these many studies are hard to fit into a single, integrated theory. For each approach — the systemic viewpoint developed by Dunlop, Marxists paradigms, institutionalism, action theories and economic models of negotiation — the most significant studies are presented and critically reviewed. A personal perspective is worked out on the basis of a genetic-historical analysis and the notions of bargaining and "arena". It fits — and gives new insight — into the institu-tionalist current of thought. Résumé Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les relations industrielles ont fait l'objet d'une abondante littérature scientifique. Mais les nombreuses analyses développées dans ce cadre s'articulent difficilement dans une seule et unique théorie à vocation intégrative. L'auteur passe ici en revue ces différentes approches, qui vont du point de vue systémique développé par Dunlop aux plus récentes théories de l 'action. En s' appuyant sur les notions d'analyse génético-historique, d'arène et de négociation, il développe ensuite une perspective personnelle qui s'inscrit, tout en le renouvelant, dans le courant institutionnaliste. Citer ce document / Cite this document : Millier-Jentsch Walther, Giraud Olivier. Les théories des relations industrielles : une mise en perspective. In: Sociologie du travail, 40ᵉ année n°2, Avril-juin 1998. Reconfigurations des relations professionnelles – J. Goetschy, M. Lallement. pp. 233- 262; doi : https://doi.org/10.3406/sotra.1998.1329 https://www.persee.fr/doc/sotra_0038-0296_1998_num_40_2_1329 Fichier pdf généré le 26/05/2018 sociologie du travail n° 2/98, pp. 233-262 Les théories des relations industrielles : une mise en perspective Walther Mûller-Jentsch* Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, les relations industrielles ont fait l'objet d'une abondante littérature scientifique. Mais les nombreuses analyses développées dans ce cadre s'articulent difficilement dans une seule et unique théorie à vocation intégrative. L'auteur passe ici en revue ces différentes approches, qui vont du point de vue systémique développé par Dunlop aux plus récentes théories de l 'action. En s' appuyant sur les notions d'analyse génético-historique, d'arène et de négociation, il développe ensuite une perspective personnelle qui s'inscrit, tout en le renouvelant, dans le courant institutionnaliste. Mots clés : Institutionnalisme, relations industrielles, théorie sociologique. A perspective on industrial relations theories During the second half of the 20th century, a bountiful corpus of scientific writings has arisen around industrial relations. But these many studies are hard to fit into a single, integrated theory. For each approach — the systemic viewpoint developed by Dunlop, Marxists paradigms, institutionalism, action theories and economic models of nego¬ tiation — the most significant studies are presented and critically reviewed. A perso¬ nal perspective is worked out on the basis of a genetic-historical analysis and the notions of bargaining and "arena". It fits — and gives new insight — into the institu- tionalist current of thought. Key words : Sociological theory, industrial relations, institutionalism. Les sciences sociales n'ont pas pour seules fonctions la description et la classification des phénomènes observables dans le domaine qui leur est propre : elles doivent avant tout expliquer causalement ces faits. En conséquence, il leur est impossible de faire l'économie d'une démarche théorique pour fournir des inter¬ prétations convaincantes. Dans le domaine des relations industrielles, une telle ambition se heurte cependant à des obstacles de taille. Les relations industrielles constituent d'abord un champ de recherche interdisciplinaire. Des schémas d'ana¬ lyse spécifiques rendent compte ensuite de chacune des institutions et des acteurs en présence : il existe ainsi des théories du syndicalisme et des associations, du marché du travail, de l'action collective et des conflits, de la démocratie indus¬ trielle, etc. En raison de la forte hétérogénéité des différentes prémisses, niveaux * Fakultât fiir Sozialwissenschaft, Lehrstuhl Mitbestimmung und Organisation, Université de Ruhr- Bochum, Universitatstrasse 150, D-44780 Bochum, Allemagne. Walther Muller-Jentsch d'abstraction et référents disciplinaires, ces approches s'articulent difficilement sein d'une unique théorie à vocation intégrative. Reflet de la diversité des objets des méthodes privilégiés par les uns et les autres, un tel pluralisme signifie égal ment que de "grandes théories" côtoient des schémas moins ambitieux et dont portée est délibérément plus limitée (Merton). Il est donc peu probable qu'une seule théorie puisse répondre à l'ensemb des interrogations qui traversent le champ des relations industrielles. Le choix d objets d'étude ainsi que les approches privilégiées se prêtent bien cependant à examen méta-critique. Cette démarche n'est pas empruntée habituellement par théoriciens des relations industrielles. C'est pourtant ici notre ambition. Telle q nous allons la conduire, l'analyse de "l'offre théorique" actuelle vise en fai développer une perspective plus personnelle. L'objectif est d'intégrer différe apports et de répondre à l'exigence minimale généralement assignée à une théor à savoir faire montre de sa capacité à expliquer les phénomènes tout en conserv une dimension opérationnelle. Dans cette perspective, le point de vue que no développons a statut de "théorie à moyenne portée" qui n'a ni l'intention ni la po sibilité de se poser en concurrente des analyses plus globales, qu'elles soient d'in piration marxiste ou systémique. Les approches systémiques Dans Industrial Relations Systems (1958), John T. Dunlop a proposé u première théorisation systémique des relations industrielles. Redevable à cet éga des travaux de Talcott Parsons, Dunlop définit le système de relations industriel comme un concept à vocation analytique. Sous-système de la société industrie on peut logiquement le situer sur un même plan que le sous-système économiq Ce faisant, Dunlop campe les normes et les règles des relations industrielles centre de l'analyse, place auparavant réservée aux conflits industriels ou aux nég ciations collectives, et identifie les éléments constitutifs des systèmes de relatio industrielles. La structure interne d'un système de relations industrielles peut al se définir comme un "réseau de règles" (web of rules). Ces règles peuvent ê d'abord de nature normative : il s'agit en l'occurrence de règles procédurales (d procédures d'arbitrage par exemple) destinées à déterminer, dans des situati particulières, les modes d'application de normes de contenu. A l'instar du niv de salaire ou du temps de travail, ces dernières constituent précisément le seco type de règles façonné par le système de relations industrielles. Un tel systè peut donc revendiquer un double statut : comme processus, il est le lieu Les théories des relations industrielles s'invente, selon des règles spécifiques, un ensemble de normes ; comme produit d'un travail de réglementation, il se décline en échelons multiples : national, sec¬ toriel ou niveau de l'entreprise. Un système de relations industrielles est constitué par des acteurs, un envi¬ ronnement et une idéologie. J.T. Dunlop recense trois catégories d'acteurs : les ouvriers et les syndicats qui les représentent, le management de l'entreprise et les organisations patronales, les instances étatiques qui interviennent dans le champ des relations industrielles. L'environnement ou le contexte est un composé de trois éléments : la technologie (technique utilisée sur les postes de travail), les condi¬ tions du marché (positions concurrentielles des entreprises, contraintes finan¬ cières), le statut des acteurs en capacité de peser sur la répartition du pouvoir dans la société. Valeurs partagées par l'ensemble des acteurs qui interviennent dans le champ, l'idéologie, enfin, est le ciment qui garantit la cohésion du système de rela¬ tions industrielles. Reste à expliquer à ce stade les déterminants de la cohérence systémique postulée par J.T. Dunlop. Selon ce dernier, la structure interne d'un système de relations industrielles (les règles en l'occurrence) est le produit de l'interaction entre acteurs, contextes et idéologie, ce que formalise l'équation suivante : R = f (A, T, M, S, I) (R = règles ; A = acteurs ; T = technologie ; M = conditions du marché ; S = statut des acteurs ; I = idéologie) L'hypothèse en vertu de laquelle les sous-systèmes ont des attributions spé¬ cifiques qui contribuent à une stabilité sociale d'ensemble est, sans conteste, un legs de Parsons. Le sous-système économique a ainsi pour fonction de fournir des biens et des services. De la même façon, le sous-système de relations industrielles a-t-il, selon J.T. Dunlop, une mission originale, à savoir la production des règles qui informent les interactions sociales de travail. Il n'est pas tout à fait correct cependant de penser le système de relations industrielles comme simple pendant logique du système économique. Wood et al. (1975) ont bien montré que le sys¬ tème de relations industrielles a une fonction régulatrice, donc stabilisante, dont profite au premier chef le système productif. Aussi ces deux sous-systèmes (rela¬ tions industrielles et production) peuvent-ils finalement être appréhendés comme autant de composantes du système économique lui-même. Si les acteurs interagissent dans un contexte qui fait consensus (l'idéologie globale dans la terminologie de Dunlop), chacun d'entre eux est néanmoins doté d'un ensemble valoriel qui lui est propre. La stabilité du système exige alors que Walther Miiller-Jentsch reposent sur un socle commun et qu'elles soient susceptibles de reconnaître à chacun des acteurs un rôle acceptable. Ajoutons enfin que, dans la tradition des approches systémiques, J. Dunlop ne reconnaît pas au conflit un rôle majeur et structurant des relations industrielles. Que ce soit pour le uploads/Industriel/ social-rela.pdf
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- Publié le Oct 21, 2022
- Catégorie Industry / Industr...
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