2016 - Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 13(2-3
2016 - Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 13(2-3) www.ritpu.org 150 RITPU • IJTHE Analyse de qualité d’un MOOC : le point de vue des étudiants Normand Roy, Université du Québec à Trois-Rivières Normand.Roy@uqtr.ca Bruno Poellhuber Université de Montréal Bruno.Poellhuber@umontreal.ca Pierre-Olivier Garand Université du Québec à Trois-Rivières Pierre-Olivier.Garand@uqtr.ca Francis Beauchamp-Goyette Université de Montréal Francis.Beauchamp-Goyette@umontreal.ca Recherche scientifique avec données empiriques Résumé L’engouement qui faisait déclarer au New York Ti- mes que 2012 était l’« année du MOOC » semble désormais faire place au regard plus critique que porte la recherche sur le phénomène. En ce sens, le défi de la qualité est aussi important dans les MOOC que dans le domaine de la FAD. La présente recherche a pour objectif d’examiner l’appréciation que 631 apprenants font de leur expérience de deux MOOC du HEC Montréal, à partir de leurs percep- tions et d’une approche inductive non préalable- ment fondée sur des a priori théoriques, à l’aide de trois questions ouvertes. Il émerge des résultats des critères d’évaluation se rapprochant de ceux utili- sés dans les cadres de qualité en FAD, mais opé- rationnalisés d’une manière très spécifique. Ainsi, une attention toute particulière devrait être accor- dée au contenu (liens théorie-pratique, accessibilité des contenus), aux prestations enseignantes et à la clarté des tests. Mots-clés MOOC, CLOM, design pédagogique, FAD, cadre de qualité Abstract New York Times headlines in 2012 was the «year of the MOOC», putting the spotlight on a new trend, but since then, research stance on this phenome- non is more critical. Hence, the pursuit of quality may be as important in MOOCs in distance educa- tion? This research aims to examine the experience of 631 learners in two MOOC of HEC Montreal, based on their perceptions, by applying a qualita- tive inductive approach without any theoretical a priori, from three open questions. Results highlight criteria that are very close to some of the ones used in distance education quality frameworks, but that are operationalized differently: a special attention to content relations between theory and practice, accessibility of contents, teachers’ performances and clarity of tests and quizzes. Keywords MOOC, online learning, quality framework ©Auteur(s). Cette œuvre, disponible à https://doi.org/10.18126/ritpu-2016-v13n23-10, est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas de Modification 2.5 Canada : http://creativecommons.org/licences/by-nd/2.5/ca/deed.fr 2016 - International Journal of Technologies in Higher Education, 13(2-3) www.ijthe.org 151 IJTHE • RITPU Introduction Les premiers modèles de formation à distance (FAD) s’inscrivaient dans un courant pédagogique béhavioriste/cognitiviste, centrant leur attention sur l’individu en tant qu’entité autonome et appre- nant seul (Dron et Anderson, 2014). À l’origine, le rôle de l’étudiant se limitait à un rôle plutôt passif consistant à consulter les ressources mises à sa dis- position, à réaliser les exercices et à remettre les travaux. Ce modèle a largement évolué, notamment en raison de l’évolution des technologies rendues disponibles et des courants pédagogiques qui ont changé à travers le temps (Anderson, 2010). En FAD, on retrouve maintenant une grande diversité de modèles pédagogiques dans lesquels on retrouve différents procédés pour favoriser la présence so- ciale des participants, la présence de l’enseignant, les interactions, etc. (Sutton et Basiel, 2013). Récemment, une nouvelle formule a vu le jour et s’est ajoutée à l’offre de service de la formation à distance des établissements postsecondaires : les cours en ligne ouverts aux masses (CLOM) (éga- lement connus sous l’appellation de MOOC, de l’acronyme Massive Open Online Course). Ce type de formation à distance est offert gratuitement, ne nécessite aucun préalable (d’où le terme ouvert) et attire des milliers, et parfois même des centaines de milliers d’apprenants (Rutter, 2014), d’où le terme « masse ». Parmi ces apprenants, plusieurs n’ont aucune expérience préalable en FAD, jusqu’à 70 % dans le cas du MOOC étudié par Roy, Bachand et Boivin (2015), et près de 20 % en sont à leurs premiers pas dans une formation de niveau univer- sitaire (Christensen et al., 2013). Si l’une des vi- sées de départ des MOOC était de favoriser l’accès aux études supérieures à des milliers d’étudiants (Charlier, 2014; Cisel, 2014a), un portrait différent semble se dessiner sur le terrain, car ce ne sont que 15 % à 20 % des participants des MOOC qui n’ont pas déjà un diplôme postsecondaire (Christensen et al., 2013). Outre l’écart observé entre les visées d’accessibilité et la réalité de la clientèle sondée, la recherche souligne également d’importants défis pour les concepteurs de MOOC, notamment le taux d’abandon très élevé (de 90 à 95 % selon Christen- sen et al., 2013; 95 % selon Breslow et al., 2013) et une très grande variabilité dans les types de cours se retrouvant sous l’appellation MOOC (Cisel et Bruillard, 2012; Depover, 2014). Cette variabilité rend plutôt difficile la recherche autour d’un objet qui ne fait pas encore consensus. Les MOOC constituent une forme particulière de FAD. Il n’est donc pas surprenant qu’on y retrou- ve les mêmes préoccupations concernant les taux d’abandon, mais aussi à propos de la qualité. En ef- fet, de nombreuses études ont établi qu’en matière de résultats d’apprentissage, la FAD était compara- ble, voire légèrement supérieure, à la formation of- ferte sur campus (Bernard et al., 2004; Cavanaugh, Gillan, Kromrey, Hess et Blomeyer, 2004; Means, Toyama, Murphy, Bakia et Jones, 2009). Toutefois, derrière ces résultats plutôt positifs se cache une subtilité d’une grande importance : la variabilité beaucoup plus grande des résultats en formation à distance qu’en formation en présentiel (Bernard et al., 2004). Autrement dit, le fait qu’une formation soit à distance n’est pas en soi un gage de qualité, et plusieurs formations à distance se ré- vèlent être en fait moins efficaces. Ce résultat re- présente pour les auteurs un défi particulier concer- nant « l’excellence pédagogique en FAD », ce que nous ramenons comme un défi en termes de qualité de l’ingénierie pédagogique dans le domaine de la FAD. Certains chercheurs estiment que le problème du taux d’abandon ou d’échec relevé dans les MOOC est alarmant (Cisel, 2014a; Karsenti, 2013). Diffé- rentes études rapportent des taux de réussite entre 5 et 10 % (Jordan, 2014). Si ces taux seraient consi- dérés comme catastrophiques pour des formations en présentiel, il ne faut pas perdre de vue que des taux d’abandon alarmants (entre 30 et 68 %) ont également été observés par le passé en FAD (Brin- dley, 1987; Zajkowski, 1997, cités par Poellhuber, Chomienne et Karsenti, 2011). Ces taux sont main- tenant de l’ordre de 10 % (Xu et Jaggars, 2014) à 30 % (Tanyel et Griffin, 2014), mais ne représentent qu’une partie des abandons puisque les méthodes de calcul peuvent varier entre les établissements. 2016 - Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 13(2-3) www.ritpu.org 152 RITPU • IJTHE Des chercheurs se dressent néanmoins contre cette tendance à faire des taux d’abandon le point central d’une perspective monolithique du désengagement dans les MOOC, une telle perspective ne pouvant déboucher sur une véritable évolution quant au de- sign pédagogique envisagé par ses créateurs (Kizil- cec, Piech et Schneider, 2013). Ces mêmes cher- cheurs soutiennent que la nature des MOOC soit si radicalement différente de ce que propose l’envi- ronnement traditionnel d’éducation que les termes comme l’« engagement » ou l’« abandon » néces- sitent d’être reconceptualisés afin de correspondre à la réalité du phénomène (Deboer, Ho, Stump et Breslow, 2014). Toujours selon ces critiques, les in- tentions de départ des différents sous-groupes d’ap- prenants au sein des MOOC (Kizilcec et al., 2013) et la façon dont l’engagement se construit pour ceux-ci (Milligan, Littlejohn et Margaryan, 2013) permettent à elles seules de réfléchir autrement le concept de taux d’abandon importé des approches d’enseignement traditionnelles. L’engouement rapide et généralisé pour les MOOC (le nombre d’utilisateurs ayant doublé de 2014 à 2015, passant à plus de 35 millions en 2015) (ICEF, 2016) a contribué à l’intérêt d’un nombre croissant de professeurs désireux de se lancer dans l’aventure de l’enseignement de MOOC. En dépit des bonnes intentions de ceux-ci, les concepts liés au design pédagogique (planification, processus de dévelop- pement, évaluation du système d’apprentissage, etc.) s’avèrent loin des compétences de base des professeurs d’université, qui possèdent plutôt une expertise en enseignement en présentiel (Basque, 2010). Par conséquent, la forme et la qualité des MOOC varient considérablement d’un établisse- ment à l’autre. Comme le souligne Karsenti (2013), une réflexion s’impose sur la qualité pédagogique des MOOC, car les institutions devront tôt ou tard se pencher sur la crédibilité accordée à ce type de formation, à défaut de quoi cela pourrait également remettre en question la crédibilité de la FAD, qui a déjà vécu ce genre de remise en question (Bernard et al., 2004). Cette inquiétude fait ressortir plu- sieurs questions en lien avec les MOOC : comment les concevoir de façon à maximiser leur potentiel pédagogique? Quels aspects considérer lors du de- sign pédagogique? Alors que le phénomène de la recherche sur les MOOC est relativement récent, que les établisse- ments investissent des sommes considérables dans le développement des cours, que les taux de persé- vérance ne sont pas au rendez-vous uploads/Industriel/ volume13no2-3-150-165.pdf
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- Publié le Nov 09, 2021
- Catégorie Industry / Industr...
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