Le Dewoitine 520, un grand chasseur qui revenait de loin Publié le « Meilleur c
Le Dewoitine 520, un grand chasseur qui revenait de loin Publié le « Meilleur chasseur de l’aviation française en 1940 »[1], tel est le titre indiscuté du Dewoitine 520. A quoi l’on ajoute avec raison : arrivé trop tard, en trop petit nombre. Certes, mais on sait moins que cet appareil performant revenait de loin. Au printemps 1937, Émile Dewoitine est un constructeur en faillite, aux usines particulièrement mal équipées, à la réputation mise en cause par l’échec du D513, par les accidents ayant affecté ses trimoteurs mais aussi par son implication dans les troubles qui ont déstabilisé Latécoère depuis un an. L’histoire du Dewoitine 520 a fait l’objet de nombreuses publications. Les difficultés rencontrées dans la mise au point de l’appareil n’y sont pas occultées. On y voit rarement abordé le paradoxe d’une réussite industrielle, obtenue par un avionneur réputé se désintéresser de la production, dans la société initialement la moins bien équipée des nationalisées de 1936-1937. Pourtant, l’histoire du Dewoitine 520 mérite d’être revisitée à l’aune des défis qu’il fallut surmonter pour que l’Armée de l’Air disposât de ce chasseur à succès, mais qui revenait de loin. Version imprimable Emile Dewoitine, un avionneur atypique S’il est issu de la mobilisation des talents techniques pour la construction aéronautique du temps de guerre, comme Bloch, Potez et autres avionneurs de la génération appelée à prendre la relève des pionniers, Emile Dewoitine devait conserver un profil particulier, sans chercher à construire lui-même les appareils de sa conception. Négociant d’innovations « Des créateurs, Dewoitine fut, avant 1928 et ensuite, le seul à imposer son bureau d’études et ses prototypes sans pour autant établir de coûteuses immobilisations et devenir industriel. Il procéda par association avec des firmes établies, aéronautiques ou non, et n’hésita pas à jouer à leur égard un jeu parfois curieux auquel elles répliquèrent à leur manière »[2], ce qui conduira Emmanuel Chadeau, historien de l’aviation française, à le qualifier de « négociant d’innovations ». Émile Dewoitine avait débuté auprès de Latécoère pendant la Première Guerre mondiale, comme chef de fabrication à ses ateliers de Montaudran. Après la guerre, il se voit refuser la direction d’un second bureau d’études qui, à côté du bureau existant dirigé par Marcel Moine, aurait entrepris la construction de monoplans métalliques. Devant le refus de Latécoère, Dewoitine quitte la société en septembre 1920[3]. L’animosité née de cette séparation devait trouver son dénouement en 1937, quand Latécoère bénéficia de l’action politique et syndicale qui, à défaut d’obtenir sa nationalisation, devait paralyser l’usine de Montaudran et ainsi déstabiliser la Société Latécoère. Lorsque de premières commandes viennent consacrer le succès de ses chasseurs D1, Dewoitine les fait réaliser par d’autres entreprises, notamment Amiot et, pour la Suisse, par l’Arsenal de Thun. Il conservera cette pratique, limitant ses investissements dans les établissements de Chatillon, puis de Toulouse. Lorsque, en 1924, est créée une Société de Construction Aéronautique Dewoitine, elle est détenue majoritairement par Hispano, avec une participation de Mitsubishi, son licencié japonais, et par Brandt, qui reprendra l’usine de Chatillon[4]. Émile Dewoitine, circa 1937-1938, source : Raymond Danel, op. cité En mars 1928, apparaît la Société Aéronautique Française, dont Dewoitine personnellement ne détient que 3,9% du capital, l’essentiel (81%) allant à la Participation Mobilière et Immobilière. La PMI, société financière du groupe Brandt, contrôlait également la Société des Avions Lioré & Olivier, dont le directeur, Louis Arène, allait se trouver en situation d’exercer une sorte de tutelle, plus ou moins étroite selon la conjoncture, sur la SAF et les activités de Dewoitine. Complémentaires en période de commandes importantes, les intérêts de Dewoitine et de Lioré & Olivier devaient diverger en période de faibles commandes[5]. Dans ces conditions, la SAF ne développait pas son usine de Toulouse. Dernier grand succès de la SAF, les chasseurs D500, 501 et 510 sont bien commandés à 275 exemplaires, mais 15 seulement sont fabriqués par la société mère, contre 220 par Lioré et 40 par Loire. A l’origine de la Société Nationale de Construction aéronautique du Midi La SNCAM ne figurait pas à la première vague de nationalisation de 1936, mais avec la SNCM -formée d’éléments de l’usine d’Argenteuil de Lorraine- à une deuxième vague décidée au début de 1937. Alors, écrira E. Chadeau, « on prit SAF-Dewoitine (en faillite) pour créer une Société Nationale du Midi, firme fantomatique, sans potentiel et couverte de dettes. Sans son ex-tuteur, Lioré & Olivier, ce n’était qu’un bureau d’études »[6], à l’exception cependant, aurait-il du préciser, de la petite série des trimoteurs de transport produits pour Air France. « La Nationale du Midi naquit de la situation politique toulousaine. A l’été de 1936, le ministère de l’Air caressait l’idée d’incorporer la Société Industrielle d’aviation Latécoère dans la SNCASO ou la SNCASE, mais Bloch n’en voulait pas, n’ayant aucune raison de spolier Latécoère. Sud-Est eût été une solution plus logique puisque la SIDAL travaillait pour la Marine, comme Léo ou Romano. Mais Latécoère ne voulait pas être nationalisé et Air France ne pouvait se passer des installations qui lui appartenaient à Montaudran. Cot proposa alors à Latécoère, dont les ateliers étaient affaiblis par une grève perlée non terminée en août, de devenir le chef d’une nationale du midi, ce que l’industriel refusa. Pourtant Auriol, élu local et ministre des Finances, préoccupé par les problèmes de chômage, tenait à une nationale toulousaine […] Dewoitine devint alors l’homme clé. Il avait l’appui de Jean-André Baylet, actionnaire de la SAF et propriétaire de son local du centre-ville. Et il avait pris les devants. Selon un fonctionnaire de l’Air, ‘’Latécoère était en octobre 1936 en sommeil sous l’influence des troubles créés par l’ancien chef d’atelier, Emile Dewoitine, qui désirait se voir placé à la tête d’une Société Nationale qui aurait englobé les ateliers de la SAF dont il était le directeur général, ateliers pratiquement sans outillages‘’»[7]. Un ouvrage de référence. Le D520 est représenté entre le D500 et le D513. Le ‘fonctionnaire de l’Air’ cité par Chadeau nous parait être plutôt l’ingénieur Albert Métral qui, dans son rapport d’avril 1938 sur l’état de l’industrie aéronautique française, juge sévèrement le comportement de Dewoitine dans un processus qui a consisté à dépouiller Latécoère pour constituer la société nationale souhaitée par les syndicats, les milieux politiques toulousains et … son ancien chef d’atelier. Pour Métral en effet, « la Société Industrielle d’Aviation Latécoère peut être citée comme exemple de société de construction aéronautique vraiment organisée sur le plan industriel […] Etablie à Montaudran, cette usine qui s’était signalée par des succès techniques nombreux, mis en évidence grâce à des records divers, comptait en mars 1936 900 ouvriers et employés environ. N’ayant jamais fait appel au crédit et bénéficiant d’une situation financière très saine, ayant toujours satisfait à ses engagements vis-à-vis de l’Etat, elle avait à cette époque en cours de réalisation trois prototypes, le bombardier terrestre 570, l’hydravion de croisière 610 et le torpilleur Laté 298, comme série, quatre hydravions du type Lieutenant de Vaisseau Paris ». Victime des blocages de 1936, le bombardier Laté 570, ici à Bricy occupé en juillet 1940, source : site histaviation.com « De juin à octobre 1936, l’usine fut pratiquement en sommeil sous l’influence de troubles créés à l’instigation de l’ancien chef d’atelier de la Société Latécoère, M. Dewoitine, qui désirait se voir placé à la tête d’une Société Nationale englobant les ateliers de la SAF dont il était le directeur général -ateliers pratiquement sans outillages, et les usines Latécoère parfaitement outillées. En octobre, après de nombreux incidents et l’intervention énergique du Ministre de l’Air, le travail reprenait, mais les 7/8 du personnel avaient été débauchés au profit des entreprises Dewoitine, bien souvent sous la pression de menaces individuelles. Une seconde période d’agitation de même origine faisait tomber le rendement industriel dans des proportions considérables »[8]. Avec l’accord du ministère, Latécoère décide l’installation d’une nouvelle usine à Anglet, près de Bayonne, qui commence à fonctionner en juillet 1937 sur un terrain acheté en mai. Au printemps 1938, Latécoère, avec 550 ouvriers à Anglet et autant à Toulouse, avait retrouvé « un potentiel productif supérieur à celui de mars 1936 ». Selon Métral, « des considérations entièrement étrangères aux conceptions de production ou de mobilisation industrielle amenaient la création d’une sixième société, la SNCA du Midi dont l’administrateur délégué est M. Dewoitine et qui comprend les diverses usines Dewoitine de l’ancienne Société Aérienne Française dispersées dans Toulouse »[9]. Dans son histoire de Latécoère, Jean Cuny revient sur deux années d’affrontement, marqués par l’intervention d’éléments extérieurs à l’usine. Pour lui, « après coup, il faut bien reconnaître, à la lecture de la convention proposée par l’Etat à PGL, que la nationalisation aurait été une spoliation pure et simple. Mais en définitive, Latécoère ‘avait eu Pierre Cot à l’usure’, arrachant finalement au ministre l’autorisation de construire une nouvelle usine à Anglet, près de Biarritz, pour achever ou entreprendre les réalisations devenues impossibles à Toulouse»[10]. Si victoire il y eut, elle fut de courte durée, Latécoère, épuisé par ces affrontements et de santé chancelante, devant céder la moitié de ses parts à Breguet dont uploads/Industriel/le-dewoitine-520-un-grand-chasseur-qui-revenait-de-loin.pdf
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- Publié le Fev 17, 2021
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