1 Chapitre 10 Lean Management et agilité dans la chaîne logistique globale Par

1 Chapitre 10 Lean Management et agilité dans la chaîne logistique globale Par Christine Triomphe L’ESSENTIEL Le contexte économique ♦ Une économie globalisée qui ouvre le périmètre des entreprises à de nouvelles opportunités et menaces. ♦ Des chaînes de valeur évolutives au gré des partenariats, alliances, fusions. Les enjeux pour l’entreprise ♦ Optimiser la chaîne logistique globale pour accroître l’efficacité et l’efficience des opérations. ♦ Être plus rapide, réactive, flexible, en définitive agile. Introduction La gestion de production a connu une évolution importante, tant au niveau des pratiques d’entreprises, qu’en matière d’enseignement et de recherche. On est passé d’une vision purement instrumentale, principalement axée sur les outils de planification et de contrôle, à une vision stratégique et organisationnelle. Le périmètre a également évolué : d’un raisonnement local, centré sur les opérations, la gestion de production a maintenant une vision d’ensemble, globale, orientée processus, et focalisée sur la satisfaction du client. 2 Les centres d’intérêt de la discipline se sont, eux aussi, très largement diversifiés : initiée dans une optique purement industrielle, la gestion de production s’intéresse aujourd’hui aux services marchands et non marchands. Le nombre de recherches en cours sur l’organisation et la gestion des processus dans les hôpitaux sont une preuve de la transformation en profondeur de la discipline. Cette évolution (Triomphe, 2006) s’est traduite par un changement dans les termes utilisés. Le terme « gestion de production » (Giard, 2003) fait référence aux techniques et outils mis en œuvre pour gérer les opérations de production et obtenir un fonctionnement optimal et sous contrôle. Aujourd’hui, le terme « management de la production » autorise une vision plus organisationnelle et stratégique. Certains préfèrent le terme « management des opérations », une traduction de l’expression anglo-saxonne Operations Management, défini comme le management des processus qui créent des produits ou services représentant une valeur pour des clients et qui s’applique mieux aux secteurs non industriels. Le management des opérations recouvre deux types d’activités, essentielles pour l’entreprise : le management des processus opérationnels (ou opérations) de fabrication des produits ou services mais aussi, au préalable, le management des projets de conception de ces produits ou services. En effet, à l’origine des opérations, il y a la plupart du temps des projets. Le tableau ci-dessous met en évidence les principales différences entre les projets et les opérations (Declerk, Debourse et Navarre, 1983). Tableau 10.1. La distinction projet/opération PROJET OPERATION Irréversibilité Réversibilité Forts degrés de liberté Actions encadrées Organisations évolutives et temporaires Organisations permanentes et stables Cash-flows négatifs Cash-flows positifs Influence des variables exogènes Influence des variables endogènes Processus d’apprentissage Processus standards 3 unod, (0001993nnalisés des clt s à la dem                                                                                      Source : d’après Declerk et al., 1983. Pendant longtemps, sauf dans les secteurs où le projet était le cœur de métier (les projets ouvrages), les projets étaient considérés comme des activités exceptionnelles ou tout au moins peu fréquentes, non récurrentes. Les entreprises se sont tout d’abord focalisées sur la rationalisation des processus opérationnels. Puis, avec l’accroissement de la concurrence, la compétition par le renouvellement des offres, les projets de conception de nouveaux produits ou services se sont multipliés, et les entreprises essaient aujourd’hui de rationaliser le management de ces projets (chapitre 11), devenus la clé de leur survie. Ce chapitre présente la transformation progressive des logiques concurrentielles et des processus productifs, avec le passage de la production de masse, recherchant une réduction des coûts, à la personnalisation de masse, cherchant à satisfaire les souhaits de chaque client individuel. Cette transformation s’est accompagnée d’une recherche de rationalisation des processus opérationnels, d’une montée en puissance des démarches d’amélioration, et en particulier du Lean Management, mais aussi d’une recherche de rationalisation de l’ensemble de la chaîne logistique globale. L’évolution des logiques concurrentielles et des processus productifs Cette évolution peut être caractérisée par le changement de la logique de production, par l’évolution des critères de performance des entreprises et la construction progressive des objectifs concurrentiels d’aujourd’hui. De la production de masse à la personnalisation de masse Tous les spécialistes, et notamment en France (Cohendet et Llerena, 1990 ; Tarondeau, 1998 ; Giard, 2003 ; Baglin et al., 2007), s’accordent sur l’identification de plusieurs phases successives pour décrire l’évolution des stratégies industrielles, 4 avec des dates1 qui, ici, correspondent à l’évolution des entreprises françaises et européennes. Selon Cohendet et Llerena (1990), on peut identifier trois modèles pour décrire l’évolution de la logique de production et des critères de performance. De 1900 à 1970 : le modèle de standardisation ou modèle « taylorien – fordien » Cette époque est caractérisée par un environnement relativement stable, de forte demande et de croissance des entreprises, organisées pour la production de masse de produits standards. De 1970 à 1990 : le modèle de variété L’environnement devient plus incertain et turbulent ; plusieurs crises majeures (libéralisation des échanges, chocs pétroliers, concurrence asiatique) modifient les conditions concurrentielles. La saturation des marchés et le développement du marketing créent une offre de produits de plus en plus variée. La production doit faire face à ces exigences de diversité des produits et de flexibilité. Un tournant à partir des années 1980, avec le développement du Juste-À-Temps et des technologies flexibles, permet de concilier le dilemme productivité-flexibilité (Tarondeau, 1998). De 1990 à 2000 : le modèle de réactivité L’environnement se mondialise avec le développement des transports, les évolutions s’accélèrent et les frontières des entreprises se modifient pour faire face aux nouvelles conditions concurrentielles. Les entreprises cherchent à concevoir des produits toujours plus innovants et à créer des réseaux de création de valeur, réactifs, à même de satisfaire dans des délais toujours plus courts les désirs personnalisés des clients. À partir de la fin des années 1990, avec le développement massif des technologies de l’information et de la communication (TIC) et surtout d’Internet, on assiste à l’apparition d’un nouveau modèle, qualifié de « modèle de la Nouvelle Économie ». Depuis 2000 : le modèle de la Nouvelle Économie ou le modèle du développement numérique (Web X.0) et durable 1 Il est toujours arbitraire d’indiquer des dates précises car les évolutions ont été différentes selon les secteurs d’activité et les pays, et les transformations se sont réalisées progressivement sur plusieurs années. 5 L’environnement se globalise avec la généralisation d’Internet qui annule les distances. Les entreprises cherchent à mettre en œuvre des stratégies globales et à développer de nombreux partenariats, de la conception des produits/services (co- développement, co-innovation), à leur mise à disposition aux clients (supply chain). Elles proposent à chaque client, un service complet, toujours plus innovant, personnalisé et suivi, avec une réponse quasiment en temps réel, et souvent, une livraison à domicile ; elles interviennent de plus en plus sur l’ensemble du cycle de vie du produit, en assurant son suivi, sa maintenance, sa récupération et son recyclage. La pression des clients mais également de l’ensemble des parties prenantes engage les entreprises à se préoccuper des aspects sociaux, sociétaux et environnementaux et à intégrer le développement durable dans leur stratégie. La construction du triangle d’or (coût, qualité, délai) Le XXe siècle a été caractérisé par une variation de l’environnement concurrentiel et une modification des critères de performance des entreprises face aux exigences du marché. Le rapport offre/demande s’est inversé dans les économies occidentales où l’on est passé d’une économie d’offre à une économie de demande, tout d’abord aux États-Unis, puis en Europe à partir des années 1970, et aujourd’hui dans les nouveaux pays industrialisés (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – BRICS). Pour faire face à la saturation progressive des marchés, les entreprises ont été amenées à passer d’une production de masse de produits standards à durée de vie longue à une production de produits de plus en plus diversifiés, voire personnalisés, avec des durées de vie en nette diminution. Dans les années 1950, le critère dominant est la recherche du meilleur coût, principalement obtenu par des économies d’échelle : les entreprises sont engagées dans une logique d’accroissement des volumes de production, de saturation des capacités productives, de production de lots de taille importante, afin d’amortir les coûts fixes sur de plus grandes quantités et obtenir ainsi une réduction du coût unitaire. À partir des années 1970, la saturation des marchés, le développement du marketing et l’augmentation des exigences des clients conduisent les entreprises à chercher à accroître la qualité de leur produit. La concurrence ne se fait plus uniquement sur le 6 prix mais également sur la qualité et la variété des produits offerts. P. B. Crosby publie son best-seller Quality is free en 1978 et propose la notion de zéro défaut. Le uploads/Industriel/lean-management 2 .pdf

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