L’Âge d’or Images dans le monde ibérique et ibéricoaméricain 11 | 2018 La ville

L’Âge d’or Images dans le monde ibérique et ibéricoaméricain 11 | 2018 La ville au temps des avant-gardes Christian Zervos, Cahiers d’art et le IVe Congrès international d’architecture moderne Eleni Stavroulaki Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/agedor/3752 DOI : 10.4000/agedor.3752 ISSN : 2104-3353 Éditeur Laboratoire LISAA Référence électronique Eleni Stavroulaki, « Christian Zervos, Cahiers d’art et le IVe Congrès international d’architecture moderne », L’Âge d’or [En ligne], 11 | 2018, mis en ligne le 08 janvier 2020, consulté le 17 janvier 2020. URL : http://journals.openedition.org/agedor/3752 ; DOI : 10.4000/agedor.3752 Ce document a été généré automatiquement le 17 janvier 2020. L’Âge d’or. Images dans le monde ibérique et ibéricoaméricain Christian Zervos, Cahiers d’art et le IVe Congrès international d’architecture moderne Eleni Stavroulaki Les éditions de Christian Zervos 1 Durant plus de trente années, Cahiers d’art (1926-1960)1, la revue de Christian Zervos a manifesté une orientation multiple. Dans l’entre-deux-guerres la revue fut le porte- parole des courants post-cubistes et hérita dans une large partie du public de l’Esprit nouveau, d’Amédée Ozenfant et de Le Corbusier, ainsi que de celui du Bulletin de l’effort moderne, de Léonce Rosenberg2. Dans le même temps, la revue se donna comme but de défendre la nouvelle architecture3. Dès 1928, Sigfried Giedion fut chargé, dans la revue, de la rubrique sur l’architecture. Des bilans sur l’actualité architecturale sont présents dans chaque numéro, dont une large partie consacrée aux projets de Le Corbusier4. Cahiers d’art se présenta dès lors comme un porte-parole de l’architecture « internationaliste », selon les mots de Zervos, rompant surtout avec toute tendance qui privilégiait les réminiscences du classicisme et de l’historicisme dans l’architecture de l’entre-deux-guerres. Cela dit, Zervos présentait souvent sa revue comme un contre- pied aux tendances conservatrices qui émergeaient dans d’autres revues de la période, telle que Formes5. 2 Au-delà de l’art et de l’architecture contemporaine, la revue, à partir des années 1930, s’intéresse à la fois à l’art dit « primitif » et aux civilisations pré- et protohistoriques, notamment celles développées dans l’aire géographique de la Méditerranée. Graduellement, l’intérêt de Zervos s’étend vers des champs archéologiques aujourd’hui bien distincts, qu’à l’époque l’éditeur se contenta de désigner sous le terme générique d’« art préclassique ». Entre-temps, Zervos se lança dans l’édition d’une série de volumes archéologiques qui ne s’achèvera qu’à la fin des années 19606. Ces publications Christian Zervos, Cahiers d’art et le IVe Congrès international d’architectur... L’Âge d’or, 11 | 2018 1 archéologiques sont étroitement liées à la revue, notamment à travers des numéros spéciaux qui anticipent les publications à venir. 3 Dans ce cadre, le numéro spécial de Cahiers d’art de 1933 7, consacré à l’art grec, se transforma en L’Art en Grèce, la première publication « archéologique » de Zervos, qui connut un succès considérable et une série de rééditions. L’ouvrage comportait tout un pan de productions qui s’étendaient des objets néolithiques, minoens, mycéniens, des figurines cycladiques, des œuvres des époques géométrique et archaïque pour aboutir au VIe siècle av. J.-C. Quant aux textes qui accompagnaient les illustrations très variées, ils bouleversent un peu plus le discours. En effet, ce premier ouvrage de Zervos s’engageait à présenter les impressions des architectes, artistes et autres intellectuels qui avaient participé au IVe congrès international d’architecture moderne, organisé en partie en Grèce, en 1933. La manifestation internationale, où Zervos joua un rôle organisationnel atypique, a donc donné le ton dans Cahiers d’art, en 1934, et eut un retentissement qui se retrouva parfois jusque dans les publications de Zervos de l’après-guerre. En effet, mis à part l’introduction généraliste de l’éditeur, le livre comportait une série d’articles rédigés par le propre cercle des critiques et des artistes de Cahiers d’art, qui étaient aussi membres du IVe CIAM. Parmi ceux-ci, nous trouvons les textes de Le Corbusier, Fernand Léger, Maurice Raynal, Amédée Ozenfant, Pierre Gueguen, Gaston Bonheur. 4 On peut ici généraliser et dire que la pièce maîtresse de la publication était de renoncer à l’approche académique et classicisante de l’art grec. C’est par ailleurs en ces termes que plusieurs de ses contemporains ont compris la tentative de Zervos. Germain Bazin présente l’intention de l’éditeur comme un contre-pied aux archéologues qui s’obstinent à suivre les pas des hellénistes, tel Salomon Reinach8. Par ailleurs, Zervos lui-même se présentait comme un déchiffreur de l’art grec « préclassique », et à ce titre, il lançait son volume en tant que manifeste contre les vieilles références de l’antiquité classique9. Dans une lettre adressée à une des librairies de distribution du livre, l’éditeur souligne : En effet, notre livre L’Art en Grèce a rencontré un grand succès, tant auprès des artistes et des amateurs que des savants et des étudiants, et cela malgré la guerre déclarée à ce volume par l’École française d’Athènes et les professeurs de la Sorbonne qui lui reprochaient d’avoir omis la partie académique de l’art grec, omission voulue par moi-même.10 5 En cela, Zervos faisait référence au compte rendu de son ouvrage par Charles Picard, alors ex-directeur de l’École française d’Athènes. En effet, dans son article, Picard mettait l’accent sur l’approche esthétisante et très peu scientifique des auteurs du livre. Il écrivit : Le lyrisme des commentaires est ici d’une juvénilité qui, au début, étonne, puis amuse, mais bientôt agace. On craint que tout cela ne cache prétentieusement une rare misère de pensée. M. Zervos ne se doutera jamais peut-être de ce que son Album eut gagné à ne pas s’accompagner de tant d’échantillons de la cacographie du XXe siècle. Poètes, peintres, architectes et “écrivains d’art contemporains” ont hélas ! sous ses ordres rivalisé.11 6 Il s’agit d’évaluer alors dans quelle mesure les travaux de Zervos favorisèrent cette prétendue rupture avec le monde classique et quel était, dans le cadre de ce processus, le rôle du IVe CIAM. Christian Zervos, Cahiers d’art et le IVe Congrès international d’architectur... L’Âge d’or, 11 | 2018 2 L’organisation du IVe CIAM en Grèce 7 Avant d’aborder notre sujet, il nous faut revenir sur l’évènement qui se trouve à l’origine de L’art en Grèce de Zervos, c’est-à-dire le IVe CIAM. Le congrès consacré à la thématique de la « ville organique » compte parmi les évènements les plus importants de l’histoire de l’architecture de l’entre-deux-guerres, et se trouve lié au texte le plus reconnu de l’urbanisme fonctionnel, à savoir la « charte d’Athènes »12. Initialement, il était prévu que le IVe CIAM, de 1933 se tienne à Moscou. Toutefois, à l’aube des préparatifs et après une série de retards, la commission du congrès, réunie à Paris chez Le Corbusier, a été informée que le CIAM ne pouvait avoir lieu à Moscou avant 1934. À cette occasion, Marcel Breuer proposa d’organiser le congrès sous forme de croisière, en profitant des rapports amicaux de Christian Zervos avec Hercule Johannidès13, qui était éditeur de la revue Voyage en Grèce et directeur de la compagnie Neptos. Aussitôt, Johannidès chargea le paquebot Patris II des travaux de congressistes. Le IV e CIAM se tint finalement à bord du Patris II, pendant les jours que dura la traversée entre Marseille et Athènes. 8 La montée des totalitarismes en Europe – l’école de Bauhaus venait de fermer l’année du congrès – a probablement joué un certain rôle dans le choix plutôt insolite de la Grèce14. À vrai dire, le choix d’un « pays de tradition » comme lieu pour encadrer le discours autour des enjeux urbanistiques dans les grandes métropoles du monde a fourni un cadre très différent de ce que les congressistes auraient pu rencontrer lors de l’éventuel déroulement du congrès à Moscou. Le programme provisoire du congrès à Moscou, conservé aux archives des Cahiers d’art, témoigne des facilités de séjour dont les congressistes auraient pu profiter dans cette ville, mais témoigne aussi d’un programme particulièrement conforme aux questions d’actualité de l’architecture et de la planification des villes modernes. Les architectures constructivistes et les grands projets publics dominent dans le programme annulé de Moscou. Dans ce parcours provisoire qui aurait pris place, entre le 1 et le 17 juin 1933, nous lisons entre autres : Visite du mausolée de Lénine, visite du musée de la peinture occidentale, soirée du Club ouvrier, visite du musée des Beaux-Arts et du stade Dynamo, visite du district ouvrier Krasnaia Presnia, visite de l’usine de caoutchouc Krasny Bogatyr, visite du Musée antireligieux, visite du palais de l’Industrie, visite du barrage du Dniepr et de la nouvelle ville […].15 9 Avec la délocalisation du congrès en Grèce, le programme se transforme notablement. En dehors des interventions de congressistes portant sur la planification urbaine de trente-quatre grandes villes à travers le monde, les membres du congrès effectuent une série de visites qui, à l’opposé de celles du programme de Moscou, sont conçues pour faire connaître les diverses périodes de l’architecture grecque, de l’Antiquité à la Grèce moderne. La première visite des congressistes ne fut autre que celle de l’acropole d’Athènes, illuminée en l’honneur des congressistes. Toutefois, d’autres monuments de la Grèce classique occupent une place privilégiée dans le programme, tels que Épidaure, le site de Delphes, le temple de Poséidon au cap Sounion16. En uploads/Ingenierie_Lourd/ articulo-stavroulaki-christian-zervos-cahier-de-art-iv-ciam.pdf

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