Qu’est-ce qu’une bonne planification pour un enseignant (...en formation) ? N. P
Qu’est-ce qu’une bonne planification pour un enseignant (...en formation) ? N. Perrin, Luc Ria To cite this version: N. Perrin, Luc Ria. Qu’est-ce qu’une bonne planification pour un enseignant (...en formation) ?. L’´ Educateur, 2008, pp.38-40. <hal-00803969> HAL Id: hal-00803969 https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00803969 Submitted on 24 Mar 2013 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸ cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es. Perrin.Ria.plan.2008.doc / 24.03.2013 y 11:03 1 Qu'est-ce qu'une bonne planification pour un enseignant (…en formation) ? N. Perrin* et L. Ria** * HEPVaud (Lausanne) et équipe Form’Action (FPSE, Université de Genève) ** Laboratoire PAEDI de l’IUFM d’Auvergne, Clermont Ferrand, France. Enseigner ne se réduit pas à réaliser ce qui a été planifié. Toute situation de classe est beaucoup plus complexe que ce qui peut être prévu, même pour un enseignant chevronné. Le risque, en refusant ce constat, est de « forcer le réel » pour conserver son plan et ainsi garder une illusion de maîtrise et/ou de rester aveugle face à certains imprévus. Si ce risque concerne tous les enseignants, il semble plus problématique dans le cadre de la formation des enseignants1. 1. « COLLER » A LA PLANIFICATION : UN RISQUE ! Or, de manière encore assez persistante dans la formation des enseignants, tout écart à la planification d’une leçon est interprété comme une mauvaise anticipation de celle-ci. Parfois même, il est fait référence à ce critère pour évaluer la qualité de la prestation des étudiantsstagiaires. Ces étudiants cherchent alors à réduire la complexité des situations scolaires en choisissant des tâches pour lesquelles ils connaissent globalement les réponses qui seront apportées par les élèves. En renonçant aux tâches plus complexes, ils se donnent l’illusion de maîtriser « par l’amont » leurs interventions. Et si cette simplification n’est pas possible, ils réduisent « par l’aval » les contraintes liées à un dispositif d’enseignement/apprentissage. Par exemple, lorsque de la mobilisation de démarches d’apprentissage socioconstructivistes (nécessitant de s’appuyer pendant la leçon sur l’action des élèves pour recomposer en temps réel tout ou partie du plan), la situation est simplifiée en modifiant notamment le rôle des différentes phases didactiques. Dans ce cas, les étudiants ont tendance plutôt à « récolter les avis des élèves » qu’à réellement « confronter leurs représentations » à des situations pédagogiques favorisant des apprentissages. L’importance accordée en formation initiale à la conservation du plan de leçon constitue d’ailleurs une des principales préoccupations des étudiantsstagiaires lors de leurs premières expériences de classe (Ria, Sève, Durand, & Bertone, 2004). D’un côté, le plan de leçon a pour intérêt de délimiter l'arène (Suchman, 1987) où l'interaction avec les élèves va se dérouler. En limitant l’incertitude de l’interaction en classe, il réduit en même temps l’anxiété des enseignants novices dans le sens où il rend prévisible leur futur et celui des élèves en leur procurant un « scénario mental du curriculum » (Tochon, 1993), un scénario de ce qui devrait se produire. De l’autre côté, le plan de leçon les obnubile souvent au point qu’ils oublient d'observer l'activité des élèves. Ceci traduit un changement de fonctionnalité de cet outil : d’une aide à l’action, le plan devient un programme, une contrainte extérieure qu’il faut suivre ; et les élèves une entrave potentielle à ce plan. Leur expérience en classe est anxiogène lorsque la réalité s'écarte de leur plan et plus agréable lorsque celle-ci s’y conforme. Ils éprouvent ainsi moins de satisfaction à voir les élèves travailler qu'à pouvoir réaliser leur plan de leçon. Les étudiants et les enseignants novices ne sont pas les seuls concernés ! La plupart des enseignants, et nous-mêmes en situation de formation, essayons de ne pas être débordés par la complexité des situations d’enseignement. Nous ne contestons pas l'utilité de construire des leçons réalistes ! Cette anticipation est bien nécessaire pour hiérarchiser les contenus d’enseignement incontournables ou optionnels en fonction du niveau scolaire des élèves et des durées d’apprentissage. Mais nous interrogeons l'idée qu'une bonne planification débouche sur une leçon sans surprise. Le risque est de réifier les pratiques des étudiantsstagiaires au moment même où il faudrait pouvoir les aider à les développer, de ne pas oser une démarche plus complexe ou de prendre en compte un « détail » non planifié, et ainsi de rabattre implicitement les objectifs d’enseignement plutôt que d’acquérir de nouvelles compétences. 1 Nous utilisons le terme d’étudiantstagiaire durant sa formation en alternance et d’enseignant novice pour les années d’entrée dans le métier. Perrin.Ria.plan.2008.doc / 24.03.2013 y 11:03 2 2. PENSER DIFFEREMMENT LA PLANIFICATION Ce regard rationalisant sur la planification est typique de la culture occidentale : « Nous dressons une forme idéale, que nous posons comme but et nous agissons ensuite pour la faire passer dans les faits » (Jullien, 1996, p. 15). Paradoxalement, l'idéal érigé comme but à atteindre peut détourner de l'efficacité. Le plan d’une action peut devenir un obstacle à l’action. Il semble au contraire nécessaire d’apprendre à exploiter l’inattendu, à prendre le fortuit au sérieux, bref à s’adapter en situation professionnelle. L’efficacité peut provenir, non pas de l’action projetée d’avance, mais du potentiel de la situation, de l’occasion à saisir. Le plan devient alors utile pour lire les situations scolaires, discriminer les moments opportuns et réussir à s’adapter au cours des choses. Le plan est alors une ressource, un support de notre raisonnement sur les actions et non le mécanisme générant l'action (Suchman, 1987). Les enseignants chevronnés sont toujours en train d’interpréter et de ré-interpréter une situation. Ils exploitent les ressources offertes par leur environnement pour agir d’une façon relativement opportuniste et indéterminée. Ils sont davantage selon Tochon (1993) en « improvisation bien planifiée ». Certains objets scolaires et configurations spatio-temporelles que Norman (1993) a nommés « artefacts cognitifs » parce que l’enseignant peut s’appuyer sur ces derniers assurent des fonctions spécifiques de guidage et de contrôle de l’action en classe. Ces artefacts (fiche de planification de leçon, cahier de textes, traces écrites des élèves, posters, etc.) assument certaines fonctions (mise en mémoire ou en évidence…) et transforment ainsi la tâche en optimisant leur exécution. Mais à chaque fois, ces artefacts ne font que proposer des possibles ou mettre en évidence des opportunités que l’enseignant saisira ou non. Or Altet (1993), en étudiant les planifications des enseignants, fait trois constats : les enseignants 1) envisagent rarement plusieurs possibilités de conduite pédagogique, 2) se préparent sans envisager les conséquences de leurs choix sur leur comportement et ceux des élèves, 3) sous-estiment le poids des décisions prises durant leur préparation. Aussi, cette auteure propose de construire des préparations « ouvertes » et de réfléchir quant aux opérations cognitives mises en oeuvre par les élèves en fonction des différentes alternatives. À nouveau, le propos ne consiste pas à abolir la planification mais à considérer celle-ci comme une ressource qui doit nécessairement faire l'objet d'une adaptation pour tenir compte des conditions de la situation. Un paramètre essentiel de la situation est l'activité des élèves. C'est pourquoi, en proposant des préparations ouvertes, il est possible de tenir compte du caractère fondamentalement indéterminé des situations pédagogiques et d'anticiper les conséquences possibles des différentes alternatives sur l'activité des élèves. Plutôt que de dissocier planification et activité, il s'agit de favoriser la structuration de l’activité au sein même de cette dernière. Un support de planification devrait donc permettre de 1) produire en amont des plans malléables en fonction des conditions de travail, 2) mettre en évidence les dérives progressives par rapport au plan initial, que celles-ci soient positives ou négatives, 3) produire/modifier des points de repère au sein même de l'activité en anticipant les conséquences potentielles de cette nouvelle planification. L’outil de planification est alors avant tout un moyen de rendre visible l'activité et ainsi de déceler puis de questionner les incidents critiques, c'est-à-dire les écarts, positifs ou négatifs, par rapport aux intentions de départ. Il ne s'agit donc pas de « coller » à la planification mais de rendre observables les écarts à la planification, ces derniers étant plus faciles à identifier que la qualité des interactions ou des apprentissages. En d'autres termes, l'écart à la planification permet alors de focaliser le regard de l’étudiantstagiaire ou de l'enseignant novice sur les aspects essentiels des situations d'enseignement. Il est aussi important de reconnaître que l’enseignant ne s’adapte pas à une situation dont il devrait connaître tous les détails mais interagit seulement avec ce qui retient son attention, ce qui lui semble pertinent dans sa classe (Durand, 2002). Ce qu’il perçoit du monde dépend de son activité présente et antérieure. Et c’est en fonction de ses préoccupations, de ses attentes et de ses connaissances très concrètes qu’il va appréhender les uploads/Ingenierie_Lourd/ bonne-planification-pour-un-enseignant-perrin-ria.pdf
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- Publié le Jui 17, 2021
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