architecture et disjonction Conception graphique : Laurent Pinon, Benoit Matrio

architecture et disjonction Conception graphique : Laurent Pinon, Benoit Matrion Coordination : Olivier Buslot, Emmanuel Cyriaque Relectures : Fabrice Madre, Jean-Marc Grimaldi Crédits photographiques : Bernard Tschumi Architects, Droits réservés pour toutes les autres illustrations. © Copyright Éditions HYX – 2014 1, rue du Taureau 45000 Orléans tél. : + 33 (0)2 38 42 03 26 fax : + 33 (0)2 38 42 03 25 e-mail : contact@editions-hyx.com www.editions-hyx.com ISBN : 978-2-910385-87-3 Collection dirigée par Walter Frank. Avertissement Ce texte est la traduction de l’édition revue et corrigée par Bernard Tschumi de l’ouvrage paru en américain sous le titre Architecture and Disjunction, MIT Press, 1994. The Architectural Paradox et Questions of Space sont parus à l’origine dans un format différent, sous le titre Questions of Space: The Pyramid and the Labyrinth (or the Architectural Paradox), publié dans Studio International, septembre-octobre 1975. Reproduit avec l’autorisation du Medical Tribune Group, Londres. The Pleasure of Architecture est paru à l’origine sous une autre forme, dans le magazine AD (Architectural Design), en mars 1977. Il est reproduit ici avec l’autorisation d’Academy Group Limited, Londres. Space and Events est paru à l’origine sous une autre forme dans Themes III: The Discourse of Events (Architectural Association, Londres, 1983). Reproduction autorisée. Architecture and Transgression est paru à l’origine dans Oppositions 7, 1976 (The MIT Press, Cambridge). Reproduction autorisée. Les trois textes qui composent Architecture and Limits I, II, and III sont parus à l’origine dans Artforum, respectivement en décembre 1980, mars 1981 et septembre 1981. Violence of Architecture est paru en septembre 1981. Toutes reproductions autorisées par Artforum International. Sequences est paru à l’origine dans The Princeton Journal: Thematic Studies in Architecture, vol. I, 1983. Reproduit avec l’autorisation du Princeton Journal et de Princeton Architectural Press. Madness and the Combinative est paru à l’origine dans Precis, 1984 (Columbia University Press, New York). Reproduction autorisée. Abstract Mediation and Strategy est paru à l’origine sous une autre forme dans Cinégramme Folie : Le Parc de la Villette, Bernard Tschumi (Princeton Architectural Press, New York, 1987). Reproduction autorisée. Disjunctions est reproduit ici avec l’autorisation de Perspecta 23: The Yale Architectural Journal, janvier 1987. De-, Dis-, Ex- est paru à l’origine dans Remaking History, édité par Barbara Kruger et Phil Mariani (Bay Press, Seattle, 1989). Reproduit avec l’autorisation de Bay Press. REMERCIEMENTS L’auteur remercie Frédéric Migayrou pour ses encouragements à publier ces textes en langue française, Emmanuel Cyriaque pour son soutien d’éditeur éclairé et Jean-Marc Grimaldi pour son remarquable travail de traduction. bernard tschumi architecture et disjonction traduit de l’américain par Jean-Marc Grimaldi architecture et disjonction 7 Préface à l’édition française Introduction à la première édition I. Espace 9 13 Le paradoxe architectural 29 Questions d’espace 45 Architecture et transgression 55 Le plaisir de l’architecture 65 II. Programme Architecture et limites 79 Violence de l’architecture 91 Espaces et événements 101 Séquences 111 III. Disjonction La folie et la combinatoire 127 Médiation abstraite et stratégie 139 Disjonctions 149 De-, Dis-, Ex- 155 Six concepts 163 Bibliographie 185 Sommaire architecture et disjonction 27 ESPACE Essais rédigés en 1975 et 1976 Feux d’artifice, Manifesto, 1974. architecture et disjonction 29 LE PARADOXE ARCHITECTURAL 1. La plupart de ceux qui s’intéressent à l’architecture éprouvent aujourd’hui une forme de désillusion et de désenchantement. Aucun de ses idéaux utopiques du début du vingtième siècle n’est devenu réalité, aucun de ses objectifs sociaux n’a abouti. Brouillés par la réalité, les idéaux se sont mués en cauchemars de rénovation urbaine, les objectifs en politiques bureaucratiques. La fracture entre la réalité sociale et le rêve utopique a été totale, le fossé, absolu, entre les contraintes économiques et l’illusion d’une technique qui devait tout résoudre. Cette fracture historique, mise en lumière par une critique qui connaissait les limites des remèdes architecturaux, est désormais contournée par diverses tentatives de reformulation des concepts de l’architecture. Par là même, une nouvelle fracture se fait jour. Plus complexe, elle n’est pas un symptôme de naïveté de la profession ou d’ignorance économique, mais la marque d’une question fondamentale qui réside dans la nature même de l’architecture et dans la nature de son élément principal : l’espace. En se ciblant elle-même, l’architecture se trouve confrontée à un paradoxe ici plus inéluctable encore que dans n’importe quel autre domaine : l’impossibilité qu’il y a à interroger la notion d’espace et, dans le même temps, à faire l’expérience d’une praxis spatiale. 2. Je n’ai nullement l’intention de passer en revue ici les mouvements architectu- raux et le lien que chacun entretient avec les arts. En me centrant avant tout sur l’espace, plus que sur des disciplines (art, architecture, sémiologie, etc.), je n’ai pas non plus pour objectif de contester une classification académique. La fusion entre les disciplines est une voie bien trop empruntée pour offrir un itinéraire stimulant. Au lieu de cela, je voudrais insister sur un paradoxe le paradoxe architectural 30 propre à l’espace et sur la nature des termes qui le composent, en essayant de montrer comment on pourrait dépasser cette auto-contradiction – même si la réponse devait se révéler insupportable. Je rappellerai tout d’abord le contexte historique de ce paradoxe. J’examinerai en premier lieu les courants qui envi- sagent l’architecture comme une « chose de l’esprit », comme une discipline immatérielle ou conceptuelle, avec sa linguistique ou ses variations mor- phologiques (la Pyramide). J’envisagerai ensuite la recherche empirique qui concentre son attention sur les sens, sur l’expérience de l’espace autant que sur la relation entre espace et praxis (le Labyrinthe). En troisième lieu enfin, j’examinerai la nature contradictoire de ces deux termes et je distinguerai les moyens qui permettent d’échapper au paradoxe en déplaçant la nature du débat à proprement parler (par exemple, à travers la politique), et les moyens qui, eux, modifient entièrement le paradoxe (la Pyramide et le Labyrinthe). 3. D’un point de vue étymologique, définir l’espace c’est à la fois « rendre l’espace distinct » et « indiquer sa nature exacte ». Une grande partie de la confusion relative à l’espace peut être illustrée par cette ambiguïté. Alors que l’art et l’architecture se sont essentiellement intéressés au premier sens, la philosophie, les mathématiques et la physique ont elles tenté, tout au long de l’Histoire, de donner une interprétation à ce quelque chose qui était tour à tour décrit comme « une chose matérielle dans laquelle se situent toutes les choses matérielles » ou comme « une chose subjective au moyen de laquelle l’esprit catégorise les choses ». Souvenons-nous qu’avec Descartes prenait fin la tradition aristotélicienne selon laquelle l’espace et le temps étaient des « catégories » qui rendaient possible la classification de la « connaissance sensible ». L’espace devint alors absolu. Objet placé devant le sujet, il dominait les sens et les corps en tant qu’ils les contenait. L’espace était-il immanent à la totalité de ce qui existe ? C’était la question de l’espace pour Spinoza et Leibniz. Revenant à la vieille notion de catégorie, Kant décrivait l’espace comme n’étant ni matière, ni ensemble de relations objectives entre les choses, mais comme une structure interne idéale, une conscience a priori, un instrument de la connaissance. Les développements mathématiques qui suivirent, sur les espaces non-euclidiens et sur leurs topologies, ne mirent pas fin aux débats philosophiques. Ceux-ci réapparurent à la faveur d’un élargissement du fossé qui séparait espaces abstraits et société. Mais l’espace était communément admis comme une cosa mentale, une sorte d’ensemble universel doté de sous-ensembles tels que l’espace littéraire, l’espace idéologique et l’espace psychanalytique. 4. Du point de vue architectural, définir un espace (rendre l’espace distinct), c’était littéralement en « déterminer les contours ». La notion d’espace avait rarement été abordée par les architectes avant le début du vingtième siècle. Mais en 1915, espace signifiait Raum, avec toutes les connotations d’une architecture et disjonction 31 esthétique allemande associée à la notion de Raumempfindung ou « espace ressenti ». En 1923, cette idée d’espace ressenti avait fusionné avec celle de composition, pour aboutir à un continuum à trois dimensions, susceptible de faire l’objet d’une subdivision métrique pouvant être rattachée aux règles académiques. À partir de ce moment-là, l’espace architectural a été systématiquement envisagé comme un matériau uniformément étendu qui pouvait être façonné de manières diverses – et l’histoire de l’architecture est devenue l’histoire des concepts d’espace. Du « pouvoir d’interaction des volumes » chez les Grecs à « l’espace intérieur en creux » des Romains, de notre « relation réciproque entre espace intérieur et espace extérieur » au concept de « transparence », historiens et théoriciens évoquaient l’espace comme un bloc de matière à trois dimensions. La tentation est toujours grande d’établir un parallèle entre les théories philosophiques d’une époque et les concepts spatiaux de son architecture, mais cela ne fut jamais fait de manière aussi obsessionnelle que pendant les années trente. Sigfried Giedion a relié la théorie de la relativité d’Einstein à la peinture cubiste, et les surfaces cubistes ont été traduites en architecture par Le Corbusier pour sa Villa Stein, à Garches. Malgré l’apparition de ces concepts qui liaient l’espace et le temps, la notion d’espace continuait de renvoyer à une matière uploads/Ingenierie_Lourd/ extrait-livre-espace-bt 1 .pdf

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