“V ous ne devinerez jamais ce qu’on a trouvé sur eBay ? – Les plans du MB ? – N
“V ous ne devinerez jamais ce qu’on a trouvé sur eBay ? – Les plans du MB ? – Non, mais presque. On a récupéré les standards de conception du bureau d’étude Marcel Bloch ! Ça date de 1938 !” C’est avec cette incroyable trouvaille que nous avons vraiment commencé à nous rapprocher du dessin original de la structure du MB.152. Jusqu’alors, nous ne pou- vions dessiner les pièces de l’avion que d’après les mesures et les obser- vations faites sur des pièces préser- vées et en nous basant sur les règles actuelles de conception. Pour les néophytes, ces “stan- dards” constituent le référentiel technique, la bible, que doivent suivre les personnes prenant part au développement d’un avion : la conception, la fabrication, l’assem- blage et le contrôle. Grâce à ces standards, nous avions donc enfin accès aux données et valeurs normalisées utilisées par le bureau d’étude des avions Bloch : définition des matériaux, épaisseurs des tôles, dimensions des barres pro- filées, positions des rivets et des vis, etc. Il s’agit en quelque sorte d’une “pierre de Rosette” (1) qui nous sert à 16 17 s TECHNIQUE Un groupe de passionnés bénévoles, employés de Dassault Aviation, a décidé de reconcevoir la maquette 3D de cet avion disparu avec les outils numériques modernes. Leur objectif : fabriquer ce MB.152 “nouvelle génération” dans les usines de la société. Par l’équipe du projet MB.152 La renaissance du MB.152 Rétro-conception Image de la maquette numérique du MB.152 conçue par l’équipe bénévole du projet à l’aide du logiciel de conception Catia de Dassault Systèmes. Ci-contre, une partie de l’équipe du projet MB.152 lors de l’exposition organisée dans l’établissement Dassault Aviation de Saint-Cloud en décembre 2018. (1) La pierre de Rosette, découverte en 1799 durant la campagne d’Égypte de Napoléon, a permis à Champollion de déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens au XIXe siècle. DASSAULT AVIATION DASSAULT AVIATION/V. ALMANSA 18 19 RENAISSANCE DU MB.152 Fabrication du tronçon arrière du fuselage à Châteauroux- Déols en 1940. Tronçon arrière du fuselage préservé au musée de l’Armée. Dessin du tronçon arrière de fuselage issu de la Notice descriptive et d’utilisation de 1940. seraient indispensables pour dessi- ner de manière cohérente les com- posants de la structure du MB.152. C’est d’ailleurs à cette occasion que nous avons pu constater des différences fondamentales d’archi- tecture avec les avions français contemporains. Si le Dewoitine D.520 possède un petit nombre de cadres de fuselage et au contraire un grand nombre de nervures de voilure (dans laquelle sont logés des réservoirs carburant), c’est tout l’inverse sur le MB.152 ! Son fuse- lage, qui porte l’unique réservoir, sa verrière à facettes et ses bossages de capot moteur. Comme tous bons modélistes, c’est à partir du seul plan trois vues “officiel” existant, associé aux cotes de contrôle de l’avion en sortie d’usine, que nous avons es- quissé une première version des sur- faces aérodynamiques du MB.152. Dans cette reconstitution, il était tout aussi nécessaire, pour la suite de nos travaux, de localiser le plus précisément possible les références majeures de l’architecture de l’avion. La position des cadres forts, des lon- gerons et des axes principaux nous tieux de tri des données. Quelle est la version de référence sur laquelle se basera tout le travail de concep- tion aval ? À quelle source devons- nous donner la priorité ? Celle du constructeur ? Celle des services étatiques ? Heureusement, certains amateurs éclairés sont passés avant nous et ont réalisé une première analyse des écarts et proposé une synthèse – Serge Joanne et Jacques Robineau dans leur livre faisant réfé- rence sur le MB.152. Pour notre part, nous avons choisi de suivre la Notice descriptive et d’utilisation éditée par le ministère de l’Air en janvier 1940 : plusieurs éditions existent et sont préservées dans les différents musées et bibliothèques nationaux. Nous avons pu compléter ces données avec d’autres manuels de maintenance et d’utilisation opérationnelle, des cata- logues de pièces de rechange ainsi que de nombreuses photos prises en opération et en fabrication issues de sources publiques et privées. Retrouver l’architecture générale de l’avion Dans tout ce travail d’enquête et de reconstitution historique, nous avons procédé par itérations, en des- sinant directement en 3D, reprenant ainsi la logique de développement des avions actuels. La première étape a consisté à recréer les formes externes du MB.152, si caractéristiques avec son moteur incliné sur le côté gauche, lisa pendant la bataille de France. Cet avion est donc le pionnier de la lignée des avions de combat “Ouragan”, “Mystère”, “Mirage” et aujourd’hui “Rafale”, conçus et produits par Dassault Aviation. La rétro-conception sans plans détaillés Pour approcher le plus fidèle- ment possible ce qu’était sa défini- tion technique en 1940, nous avons recoupé l’ensemble des informa- tions disponibles directement en 3D avec le logiciel Catia de Dassault Systèmes. C’est le principe de la ré- tro-conception, plus connu sous sa dénomination anglaise de reverse engineering, si populaire aujourd’hui du fait de la puissance et de la facilité d’utilisation des outils 3D : logiciels de design, scanners, imprimantes, découpe à commande numérique etc. Le problème, dans le cas du MB.152, est que plus aucun plan détaillé de fabrication n’existe, contrairement aux avions alliés ou allemands de la Deuxième guerre mondiale, et que la documentation disponible au début du projet était très parcellaire. De plus, quand certaines infor- mations sont disponibles, elles peuvent varier d’une source à l’autre, sans parler des différences entre les variantes de l’appareil : les valeurs d’envergure et de longueur trouvées ne sont jamais les mêmes… C’est là qu’il faut effectuer un travail minu- dans des archives ou chez un par- ticulier, c’est comme au loto. On ouvre les dossiers sans trop connaître le contenu et on prie très fort pour découvrir une pépite”. Le choix du MB.152 Le MB.152 est un symbole : c’est le premier chasseur développé par Marcel Dassault (Marcel Bloch à l’époque) à la fin des années 1930 et produit en grand nombre pour l’armée de l’Air française qui l’uti- décrypter les documents techniques que nous possédons sur les avions Bloch et que nous utilisons comme sources d’inspiration lorsqu’une zone ou un détail du MB.152 nous est inconnu. Forts de cette mine d’informations, nous avons précisé le dessin des pièces. C’est fondamental lorsqu’il faut fournir des plans d’exé- cution aux équipes de fabrication. En tenant ces documents origi- naux dans nos mains, nous avons voyagé 80 ans en arrière. Comme le souligne l’un des membres du projet : “À chaque fois que l’on se retrouve Le scan 3D Pour simplifier, le scan 3D permet de réaliser une image en relief de n’importe quel type de pièce. Cette image est en fait un relevé des coordonnées d’un ensemble de points pris sur la pièce. Les fondeurs d’art utilisaient déjà cette technique mais manuellement, avec des sortes de compas pour produire une copie d’un modèle de pièce à couler. On peut faire varier la densité de ce maillage de points pour restituer au mieux la géométrie réelle, la tolérance de positionnement finale étant de l’ordre de quelques dixièmes de millimètres. Ces points sont ensuite importés et visualisés dans un logiciel de conception 3D, Catia dans le cas présent. Ainsi, il est possible de superposer et comparer le maillage ainsi obtenu de la pièce réelle avec son dessin en 3D (appelé “maquette numérique”). DASSAULT AVIATION/L. HOAREAU SERVICE HISTORIQUE DE LA DÉFENSE DASSAULT AVIATION DASSAULT AVIATION s Image du scan 3D du tronçon arrière de fuselage préservé au musée de l’Armée. 20 21 RENAISSANCE DU MB.152 Dessin de la voilure droite issue de la Notice descriptive et d’utilisation de 1940. On voit bien ici l’architecture spécifique des avions Bloch de cette époque avec un petit nombre de nervures. Extrait des standards du bureau d’étude Bloch définissant les pièces avec une section en oméga (à gauche), et une pièce de la voilure du MB.152 fabriquée selon cette définition standardisée pour sa section. Caisson de voilure préservé par l’Ansa 39/45. On retrouve les raidisseurs de revêtement avec leur section en oméga (flèche). Scan 3D du caisson de voilure droite préservé par l’Ansa 39/45. On distingue l’axe de rotation du train d’atterrissage en avant du caisson (flèche). Maquette numérique de la voilure gauche conçue par l’équipe projet MB.152. déterminé. C’est la conséquence du “Taylorisme” (3) mis en place pour satisfaire les fortes cadences de pro- duction demandée par l’État dans le cadre du réarmement massif fran- çais à la fin des années 1930. Cette logique de découpage industriel est toujours appliquée actuellement, notamment lorsque les avions sont l’avion. À l’origine, l’appareil avait été découpé en tronçons pour répar- tir et faciliter son industrialisation sur toutes les usines de la Société nationale des constructions aéro- nautiques du sud-ouest (SNCASO). Cela permettait in fine de les regrou- per et de les utiliser sur une chaîne d’assemblage final selon un rythme moyens de conception et de contrôle d’aujourd’hui, mais bien selon les techniques et outils de l’époque : comment et avec quelle précision mesurait-on un avion en 1940 ? De surcroît, le profil de référence de la voilure variait de uploads/Ingenierie_Lourd/ fana593-bloch152fh3cxmaf-recadre.pdf
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- Publié le Apv 03, 2022
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