Communication et langages Planète 20 ans après Jacques Mousseau Résumé En octob
Communication et langages Planète 20 ans après Jacques Mousseau Résumé En octobre 1961 — il y a donc vingt ans — paraissait le numéro 1 d'une nouvelle revue d'idées ; elle était éditée par une équipe de trois jeunes écrivains et éditeurs. Le premier tirage : 7 000 exemplaires correspondait à leurs disponibilités financières. Ce numéro 1 fut réimprimé en quelques semaines à 100 000 exemplaires. L'aventure de la revue "Planète" commençait. Citer ce document / Cite this document : Mousseau Jacques. Planète 20 ans après. In: Communication et langages, n°50, 3ème-4ème trimestre 1981. pp. 89-97. doi : 10.3406/colan.1981.3487 http://www.persee.fr/doc/colan_0336-1500_1981_num_50_1_3487 Document généré le 23/09/2015 PLANETE: 20 ANS APRES par Jacques Mousseau En octobre 1961 — il y a donc vingt ans — paraissait le numéro 1 d'une nouvelle revue d'idées ; elle était éditée par une équipe de trois jeunes écrivains et éditeurs. Le premier tirage : 7 000 exemplaires correspondait à leurs disponibilités financières. Ce numéro 1 fut réimprimé en quelques semaines à 100 000 exemplaires. L'aventure de la revue « Planète ■ commençait. Le titre de Planète surgit fréquemment au détour d'une lecture, suivi le plus souvent d'un coup de griffe de l'auteur. Ma plus récente rencontre, je l'ai faite à la page 125 de La Stratégie du verbe, de Gilbert Millet, édité par Dunod. « Souvenons-nous de l'étonnant succès, il y a quelques années, du Matin des Magiciens et de la revue Planète », y est-il écrit. Un livre, un auteur — il est spécialisé dans le conseil en recrutement de cadres — un éditeur qui ne présageaient pas cette référence. Il est de règle que Planète soit mis à toutes les sauces. Depuis vingt ans, cette publication, qui a eu une vie somme toute brève, est l'objet de malentendus, la source d'ambiguïtés dont la plus constante est d'être loué oralement et dénigré par écrit, parfois par les mêmes gens. Ces attitudes témoignent que les préjugés sont tenaces, et les réflexes conditionnés durables bien au-delà des circonstances qui les ont établis. Dans les années 60, l'usage était de glorifier Planète dans les salons et de l'éreinter dans les gazettes. L'usage s'est maintenu, la louange étant accentuée par la nostalgie, et le dénigrement rendu plus flou par l'absence d'argumentation. Planète à la fois profite et souffre d'une rente de situation. Si le succès de Planète a été étonnant, alors le monde culturel dans lequel nous sommes plongés ne doit pas cesser d'étonner ; et les esprits qui voulaient brûler la revue doivent le fuir épouvantés. Il n'est pas un des thèmes majeurs qui firent de Planète une provocation et un scandale dont ne se soient depuis emparés la presse, la radio, la télévision, l'édition et — plus frappant et plus inattendu car les professeurs furent les contempteurs les plus virulents de la revue — l'Université. Le mouvement Planète 20 ans après Planète s'est dilué dans la masse en se banalisant, comme tant d'autres avant lui. Si diverses autres causes n'avaient pas concuru à la fin de l'entreprise, son triomphe culturel aurait sonné le glas de son succès commercial. A un certain moment, tous les boutiquiers en produits culturels se mirent à proposer la marchandise Planète, la griffe en moins. Planète était condamné par ce dumping. LEVER LES LIEVRES DE L'INCONSCIENT COLLECTIF L'entreprise de Louis Pauwels — est-il nécessaire de rappeler qu'il fut le fondateur, le directeur et l'animateur de Planète, lancé à la suite du succès considérable du livre qu'il avait écrit avec Jacques Bergier, le Matin des Magiciens — prenait appui sur un certain nombre d'idées simples qui, à l'époque, étaient des idées neuves. D'abord parler de ce dont personne ne parlait. Dans les années 60, la presse était à peine moins conformiste qu'aujourd'hui. Les sommaires des publications, des quotidiens ou hebdomadaires étaient tous identiques ; ne variait que le point de vue sur le sujet abordé, encore pouvait-on le prédire en fonction du titre du périodique. Planète a levé des lièvres tapis dans l'ombre de la mémoire et de l'inconscient collectif. La démarche d'Actuel, aujourd'hui, se rapproche de celle qui fut la sienne, il y a vingt ans /C'était une idée de journaliste qui comportait une dose de malédiction car, parmi les sujets que personne n'abordait, figurait un nombre élevé de sujets tabous. La vie existe-t-elle ailleurs dans l'Univers ? Une telle vie peut-elle avoir engendré des intelligences supérieures qui rendent visite à la Terre ? Certaines civilisations disparues n'étaient-elles pas plus raffinées que la nôtre ? Le cerveau humain est-il doté de pouvoirs que nous n'utilisons pas ? Deuxième ingrédient du cocktail Planète: pratiquer l'ouverture d'esprit. La revue préférait les idées aux théories, et les théories aux doctrines. A l'époque, la pensée doctrinaire dominait la culture ; la science elle-même en était infestée. Pauwels demandait aux gens qui avaient des idées de monter au front et de mettre leurs idées à l'épreuve du feu, en réclamant le droit à l'erreur. L'essentiel était d'agiter les esprits, et de les faire o rêver. Car — bien avant le discours de C.P. Snow sur les deux ^ cultures — Planète a réintroduit la pensée et le langage litté- g, rai res dans les domaines de la science. Son ambition a été de | rendre la connaissance scientifique exaltante et gaie, non pas 5 seulement pour quelques chercheurs qui y consacraient leur £ vie, mais pour le grand public. Elle a présenté la science comme c l'aventure majeure du siècle, soulignant la présence des fer- ♦= ments façonniers de l'avenir dans ses théorèmes. Cette vision •| était défendue secrètement par quelques-uns, mais elle n'était | pas populaire. Planète a été leur tribune et le carrefour où ils E se sont rencontrés. Comment la revue aurait-elle pu exister o O Mass media 91 sans une troupe de militants, minoritaires dans leur milieu, qu'elle a fait sortir de l'incognito et rassembler? Denis Gabor, prix Nobel pour l'invention de l'hologramme, accusait d'aveuglement les esprits chagrins qui reprochaient aux xx siècle de ne plus construire de cathédrales. Vous ne savez pas voir, leur disait-il, notre siècle construit la magnifique cathédrale abstraite de la science. Planète s'est emparé de l'image qui la confortait dans ses convictions. Par son goût des formules, des citations — placées en tête d'articles ou en légendes de photographies — par son souci du style, la revue ne se classait dans aucun genre et les englobait tous. Son directeur, Louis Pauwels, ne s'affirmait-il pas avant tout poète. Un cahier d'art pouvait jouxter un article sur le code génétique ; une étude sur l'erotique cathare, un exposé sur l'avenir de l'informatique. Des peintres, des dessinateurs, des écrivains, aujourd'hui installés dans la célébrité, y ont été publiés pour la première fois. Planète a lancé — ou relancé — l'art fantastique, créant une expression pour ce nouveau courant, « le réalisme fantastique ». A L'INSTANT DU DECLIN DE L'ART ABSTRAIT « II y a un autre monde mais il est dans celui-là » : cette clé fournie par Paul Eluard ouvrait de nombreuses portes. La science révélait la trame cachée de l'univers ; telle était aussi la mission de la peinture ou de la littérature. Ce que le savant décryptait par la raison, l'artiste l'approchait par l'intuition. Planète les faisait se rejoindre et dialoguer. Jean Paulhan et Roger Caillois y ont présenté des photographies de minéraux prises au microscope électronique : des toiles contemporaines. A l'instant du déclin de l'art abstrait et de la croissance du Nouveau Réalisme, inventé par le critique d'art Pierre Restany, Planète frayait sous les moqueries sa propre voie, en faisant redécouvrir Gustave Moreau à ses lecteurs et en leur présentant Fuchs, Lamy, Clayette, Tatin, le Colas, Cat ou Ljuba. Cet art jailli du rêve, du fantasme, de l'inconscient est partout présent aujourd'hui dans les galeries ; il était qualifié d'anecdotique, il y a vingt ans, et rejeté dans les ténèbres du pompiérisme. Topor, Carelman, Serre, Gourmelin illustraient régulièrement les nouvelles de science-fiction ou de littérature fantastique publiées par Planète. « La Sentinelle », d'Arthur C. Clarke a été publiée dans la revue avant que Stanley Kubrik en tire le scénario de « 2001, l'Odyssée de l'espace ». Elle a fait connaître plus d'auteurs étrangers qu'elle n'a promu d'écrivains français. La science-fiction et le fantastique se rangeaient sur le troisième rayon de la bibliothèque, le roman policier occupant le second en ce temps-là, et n'avaient pas encore suscité de nombreux talents dans notre pays. Lovecraft et Bradbury étaient ses maîtres, que peu de lecteurs français fréquentaient. Jacques Planète 20 ans après Bergier et Jacques Sternberg traquaient dans les publications anglo-saxonnes les chefs-d'œuvre de la nouvelle qu'ils traduisaient ensuite. Les inquisiteurs qui montaient la garde autour de la pensée française menacée de perversion, ont accusé la revue de laisser croire, par la confusion des genres entretenus dans ses pages, - que les rêveries de l'imaginaire seraient indubitablement les réalités de demain. Planète fut tout uniment taxée de pornographie pour avoir présenté les admirables photographies de nus de Bill Brandt ou de Lucien Clergues. Les responsables étaient accusés de machiavélisme commercial uploads/Ingenierie_Lourd/ jacques-mousseau-20-annes-apres-pdf.pdf
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- Publié le Mai 31, 2021
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