o c t o b r e 2 0 1 2 JOURNALISTES ET RÉSEAUX SOCIAUX ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ?

o c t o b r e 2 0 1 2 JOURNALISTES ET RÉSEAUX SOCIAUX ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ? Nathalie Dollé collection journalisme responsable JOURNALISTES ET RÉSEAUX SOCIAUX ÉVOLUTION OU RÉVOLUTION ? Nathalie Dollé 2 3 “Il faut absolument être moderne. ” Arthur Rimbaud 4 Le millésime 2013 du Petit Larousse illustré fait entrer « Twitter, service de micro-­ blogging et réseau social » dans les noms propres ; de même, les ­ « twitteurs » qui « twittent » ou « tweetent » régulièrement, font partie des 150 nouveaux mots, sens et locutions de l’année. Facebook, qui ferait presque figure d’ancêtre dans l’univers des réseaux sociaux, figurait déjà dans le dictionnaire mais des sens spécifiques ont surgi en 2013 pour les mots « ami » (membre d’un réseau social auquel un autre membre accorde l’accès à ses données personnelles) et « mur » (page personnelle d’un membre d’un réseau social). 5 SOMMAIRE Introduction 6 1. Les réseaux sociaux, kézako ? 9 1.1 Une quinzaine de réseaux sociaux… 1.2 … Que les journalistes n’ont d’autre choix que d’apprendre à maîtriser 2. Réseaux sociaux et nouveaux espaces de journalisme 15 2.1 T ou jours plus vite ! 2.2 Intrusion au palais de justice ? 2.3 Des sources multiples et (presque) intarissables. 3. Réseaux sociaux et nouvelles pratiques du journalisme 23 3.1 « T witt-itws » ou « twitt-trips » ne supplantent pas les sources traditionnelles 3.2 Bâtir et animer une communauté interactive 3.3 L’open journalisme ou la coproduction 3.4 Les réseaux sociaux activent la notion de méta-rédaction 4. Les réseaux sociaux et le marketing éditorial 39 4.1 Les réseaux sociaux : premier salon interactif sur la télévision 4.2 Quand les journalistes promeuvent leur travail et celui de leurs camarades 5. Usages et réflexions sur l’encadrement des pratiques 44 5.1 Encadrer ou pas 5.2 Ils l’ont fait ! Conclusion 52 6 INTRODUCTION Journalistes et réseaux sociaux : quelles utilisations, quelles contraintes, quels défis, quels bénéfices, quels enjeux, quelles évidences… Ces nouveaux outils qui ne laissent personne indifférents se sont définitivement installés dans le paysage global de notre société de communication. On les adore ou on les rejette, on s’y met lentement, on est initié, on tâtonne ou on se jette dedans corps et âme. Les citoyens et les professionnels doivent tous à un moment ou à un autre se pencher sur les rapports qu’ils vont entretenir avec les réseaux sociaux. Comment l’exercice du journalisme est-il modifié par leur développement, voire leur emballement ? Provoquent-ils des évolutions ou même des ­ révo­ lutions dans les pratiques de presse ? Relèvent-ils d’un simple progrès techno­ logique et sociétal ou nous propulsent-ils dans une nouvelle ère ? À l’heure où il serait à la fois indécent et redondant de revenir sur les muta­ tions des métiers et du secteur économique de la presse, une réflexion sur les réseaux sociaux impose des interrogations sur les répercussions concrètes dans le travail quotidien des journalistes, mais aussi une mise en cause d’impli­ cites qui n’étaient sans doute plus assez interrogés, un question­ nement sur les aspects éthiques et déontologiques, sur les relations ­ renouvelées et jamais plus figées entre le journaliste et ses sources, son public, ses parte­ naires, son média lui-même. À nouveaux instruments, nouveaux espaces : ils permettent de viser les promes­ ses olympiques du toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus loin. En ajoutant le toujours plus entrecroisés. Les réseaux sociaux invitent les journalistes à investir de nouveaux lieux comme le Palais de justice et de prolonger la dynamique de rapprochement avec le public qui avait été initiée par Internet. Ils redessinent le paysage médiatique en reliant les différentes parties prenantes de l’information, comme ils reconnectent directement le journaliste à tous les aspects non professionnels de sa vie. Un reporter est aussi un père ou une mère, un(e) citoyen(ne), éventuellement un(e) sympathisant(e) voire militant(e) de causes diverses. 7 L’essence des réseaux virtuels consiste à échanger. Dans ce flux rapide et ­ permanent, les frontières et les périmètres se brouillent. Ce temps de la découverte demeure propice à tous les usages et à toutes les expérimen­ tations, dans une dimension totalement ouverte. Quand tout semble possible, faut-il aller plus loin que l’observation et intro­ duire des règles et des codes ? Les avis divergent et pour l’instant le bon sens l’emporte. Avec des incertitudes profondes et des enthousiasmes jubilatoires, il revient à la profession d’inventer des façons novatrices de répondre à des inter­ rogations qui, dans le fond, ne changent pas : les limites entre vie privée et vie publique y compris des journalistes, les modes de gestion des différentes temporalités, les liaisons complexes avec un public qui participe toujours davantage à la production de l’information, les restructurations des rédac­ tions et l’intégration de métiers jusque-là inconnus, la nécessité d’exister dans un monde d’offre et non plus de demande… Si la pérennité de la fonction de journaliste repose sur sa capacité à s’adapter à son environnement, personne ne pourra légitimement nier les avantages que la presse d’information générale se glisse plus et mieux dans la réalité du monde qu’elle reflète, qu’elle influence et qu’elle tente d’expliquer. 27 juin 2012. Sans passer par une conférence de presse, le footballeur de l’équipe de France utilise les réseaux sociaux pour présenter des excuses après son mauvais comportement sur le terrain pendant un match du champion­ nat d’Europe. Il s’adresse directement aux supporters, sans l’intermédiaire de la presse.Ça tombe bien, c’est avec elle qu’il a des soucis… 8 « Plutôt que de plonger en moi-même, j’explorais le réseau, plutôt que de me concentrer sur une tache, je tâtonnais, plutôt que de travailler, je jouais. Je ne défendais aucune expertise, je ne m’inventais pas une identité respectable et immuable, je partais à l’aventure, engagé dans un voyage initiatique perpétuel, c’est-à-dire sans but. Je ne voulais pas me trouver mais me répandre. Je jouissais à travers les autres.(…) Je vivais en permanence dans une immense salle de cinéma. Je percevais souffles, toussotements, reniflements, rires, cris… Je vibrais avec les spectateurs, réagissait avec eux, tout en restant capable de formuler mes propres jugements. J’étais eux et moi en même temps, multiple et singulier. J’envoyais des messages et attendais avec anxiété qu’on me réponde. Je me nourrissais des réactions. Le silence me tourmentait. Je n’envisageais ni la solitude ni l’ennui. » J’ai débranché. Comment revivre sans internet après une overdose, Thierry Crouzet, éditions Fayard, 2012. Rédacteur en chef du magazine « PC expert », Thierry Crouzet est licencié en 1994 après avoir envoyé un mail d’insultes aux 3 500 employés du groupe de presse améri­ cain. Un jour de 2010, le grand manitou des réseaux sociaux fait une overdose virtuelle. Il prévient aussitôt ses milliers d’amis sur Facebook et Twitter qu’il « débranche » pour 6 mois. Une expérience qu’il ne peut quand même pas s’empêcher de raconter… 9 1. LES RÉSEAUX SOCIAUX, KÉZAKO ? La question paraîtra incongrue à quelques-uns, pas inutile à d’autres quand l’expression est utilisée à longueur de temps sans qu’une définition stable ne fasse consensus. Pourtant Internet a presque 20 ans, le Web 2.0 est apparu il y a 7 ans, Facebook est né en 2004 mais n’a connu son vrai décollage que 4 ans plus tard et si nous avons l’impression que Twitter est encore tout neuf, il a été créé en 2006. Ces réseaux d’échanges et ces plate-formes de partage sont apparus avec une génération qui – si elle n’en maîtrise pas nécessairement la technique et les usages – évolue dans sa proximité totale. Les autres générations les ont approchés à vitesse et intérêts variés : découvrant avec brutalité et émerveillement une dimension inconnue ou au contraire l’approchant avec lenteur, concentration voire fatalisme. Une constatation s’impose : l’ordinateur et le téléphone portable sont devenus des objets courants et incontournables qui permettent à chacun de se sentir connecté. La société de l’information en tout genre bat son plein et pas seu­ lement dans le cœur de la presse. 1.1 Une quinzaine de réseaux sociaux… Les réseaux sociaux sont un des éléments de ce grand ensemble que l’on nomme les « médias sociaux » qui rassemblent des choses aussi différentes que les sites, les blogs, les forums, les agrégateurs d’actualité, les wikis ou les mondes virtuels. On admet une quinzaine de membres dans la catégorie des réseaux sociaux dont Google +, le dernier né en 2011… Parmi les plus connus: • Facebook : deuxième marque la plus présente dans la vie des Français Avec ses 24 millions de comptes, la France fait toujours partie des 10 pays ayant le plus d’utilisateurs Facebook qui vise le milliard. Toutes les classes d’âge sont en progression mais c’est celle des plus de 55 ans qui connaît la plus forte augmentation. 1 1 Selon l’étude ComScore « It’s a Social World », décembre 2011 10 Pour l’anecdote, voici dans l’ordre les pages que les Français consultent le plus à partir de leur compte Facebook : Oasis, Dragibus, Disney et M&Ms… De même, les 5 « médias » hexagonaux les plus populaires sont uploads/Ingenierie_Lourd/ journalistes-et-reseaux-sociaux-int-site.pdf

  • 32
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager