Espérer encore aujourd’hui LETTRE PASTORALE DE CARêME 2021 Cardinal Maurice E.
Espérer encore aujourd’hui LETTRE PASTORALE DE CARêME 2021 Cardinal Maurice E. Piat évêque de Port-Louis Cardinal Maurice E. Piat évêque de Port-Louis LETTRE PASTORALE DE CARêME 2021 Espérer encore au j o u r d’ h u i Diocèse de Port-Louis www.dioceseportlouis.org Espérer encore aujourd’hui Chers frères et sœurs, Depuis environ un an, nous avons tous été malmenés par la pandémie de la Covid-19, que ce soit dans nos vies personnelles, celles de nos familles à Maurice et ailleurs, dans notre société et dans le monde. La crise sanitaire continue à un rythme soutenu, toujours imprévisible. Et l’on s’attend à ce que ses effets économiques et sociaux soient encore bien pires que ce que nous pouvons ressentir actuellement. Une grande incertitude nous étreint par rapport à l’avenir. Il devient difficile de faire des projets. D’autant plus que les perspectives ne sont pas bonnes : beaucoup de personnes se retrouvent déjà sans travail et il faut prévoir la possibilité de pertes d’emplois de plus en plus nombreuses. Ce qui entraînera une baisse sensible dans notre niveau de vie. Cet attentisme est inconfortable, peut-être même déprimant. De fait, de plus en plus de personnes souffrent de troubles psychologiques ou psychiatriques, des couples se séparent, on entend même parler de tentatives de suicide. Pour pouvoir continuer coûte que coûte le voyage de nos vies respectives, nous avons tous besoin d’être soutenus et en même temps, nous devons ouvrir nos cœurs à la solidarité. Pris dans cette crise mondiale, notre pays a réussi, grâce aux efforts du gouvernement, à se maintenir « Covid safe », à poursuivre les grands travaux d’infrastructures et à limiter le chômage grâce à différents types de soutien financier aux salariés comme aux entreprises (grandes et petites). Ces efforts méritent vraiment d’être salués avec reconnaissance. En même temps que cette réussite dans notre manière d’affronter la Covid-19, des traces de corruption, voire de violence, sont apparues récemment dans plusieurs secteurs. C’est comme si notre pays n’était pas seulement confronté à la pandémie sanitaire, mais qu’il était aussi atteint par une autre épidémie aussi virulente, celle de la corruption. Cette maladie plus pernicieuse encore que la Covid-19 est comme un cancer qui répand une appréhension diffuse, affaiblit le moral et mine la confiance dans l’avenir. Et ce, à un moment où, au contraire, nous avons besoin de nous serrer les coudes pour travailler ensemble pour le bien commun. Si avec détermination et une vraie motivation patriotique, nous avons réussi jusqu’ici à nous protéger de la Covid-19, pourquoi ne sommes-nous pas capables d’engager la même énergie, les mêmes moyens pour préserver notre société du fléau de la corruption ? 05 LETTRE PASTORALE 2021 06 Au milieu de tous ces bouleversements, nous, croyants ou non-croyants, cherchons un sens à ce qui nous arrive. Plusieurs questions nous taraudent : quelles sont les interpellations qui émergent à travers ces épreuves ? Saurons-nous accueillir les appels qui résonnent au cœur de la tempête ? Par exemple, nous demander si notre style de vie est toujours soutenable, assez attentif à la dignité des plus pauvres, assez respectueux de la nature, assez solidaire ? Quelle lumière, quel message peut nous offrir la Parole de Dieu au milieu de cette crise ? Pour nous aider dans cette recherche de sens et de sagesse, je vous propose de relire notre expérience actuelle à la lumière du récit biblique d’une autre crise, celle de l’Exil du peuple juif à Babylone, environ 600 ans avant Jésus-Christ. Cet exil a été pour les Juifs de l’époque une crise politique et sociale d’envergure, mais il a aussi déclenché une profonde crise de leur foi : Dieu avait-il abandonné son peuple ? À cette époque, les prophètes Isaïe, Jérémie et Ezéchiel ont accompagné le peuple juif dans son épreuve, en l’aidant à puiser dans la Parole de Dieu une lumière et une force pour repartir avec espérance. Espérer encore aujourd’hui 07 Chapitre 1 Vivre l’incertitude Nous avons tous du mal à accepter cette pandémie qui est tombée sur nous à l’improviste, qui nous dérange et que nous n’arrivons pas encore à maîtriser. Nous ne savons pas quand ni comment le virus peut muter encore, quelles en seraient les conséquences et quelles seraient les meilleures parades, le cas échéant. Même par rapport aux vaccins, qui heureusement arrivent, il y a encore beaucoup d’interrogations. Malgré beaucoup de générosité et de compétence déployées dans la recherche comme dans la meilleure façon de rendre le vaccin accessible au plus grand nombre, il faut reconnaître que nous en sommes encore à nos premiers balbutiements. Quant aux conséquences économiques et sociales de la crise sanitaire, il semble plus difficile encore de les prévoir. Par exemple, comment faire redémarrer les différents secteurs économiques ? Que deviendra notre industrie touristique ? Pourra-t-elle s’adapter à la nouvelle situation ? Et l’industrie sucrière et le textile ? Saurons-nous redémarrer en prenant du recul pour ne pas répéter les erreurs du monde d’avant, avec une attention particulière aux besoins des plus pauvres et à la protection de notre environnement ? Par ailleurs, quelle tournure prendra notre système d’éducation après les chocs que lui aura fait subir la Covid-19 ? Devrons-nous changer notre calendrier scolaire ? Si oui, au prix de quel bouleversement dans la vie des familles, la vie sociale ? Devrons-nous revenir au système d’avant ou profiter de l’occasion pour développer des filières et des pédagogies plus en phase avec les besoins du pays et les aspirations de nos jeunes ? Ce type d’interrogation se multiplie. On sent une certaine fébrilité dans l’air. Nous ne souhaitons pas rester longtemps dans l’expectative, nous cherchons des objectifs clairs pour pouvoir prendre un nouveau départ. C’est le moment ou jamais d’initier un vrai dialogue entre les autorités de l’État et les représentants de la société civile. Or ce dialogue peine à s’installer, du moins sur les questions économiques. C’est dommage, car il est essentiel pour l’avenir du pays. Le choc qui nous bouscule est plus profond qu’on ne le pensait. Mais en même temps, ce choc peut être l’occasion d’une remise en question qui stimule la créativité. Une créativité qui ne soit pas seulement attentive à la dimension quantitative (retrouver le taux de profit et le niveau de vie d’antan), mais qui se préoccupe aussi de la qualité de la vie humaine au travail, en famille, dans l’éducation, dans la société. Et ce, avec la conviction qu’une qualité de vie peut très bien cohabiter avec un style de vie plus sobre, une solidarité plus active envers les pauvres et un plus grand respect de l’environnement. LETTRE PASTORALE 2021 08 Assumer la réalité Que peut nous apporter l’expérience des Juifs en exil à Babylone, confrontés eux aussi à une grave crise sociale ? À cette époque, la ville de Jérusalem était assiégée par le roi de Babylone. L ’armée ennemie était beaucoup plus puissante que celle de Jérusalem, et les Juifs n’avaient aucune chance de s’en sortir. Mais le roi des Juifs et ses conseillers ne veulent pas se rendre, ils n’acceptent pas que la Ville Sainte puisse être détruite par les Babyloniens. Le temps passe et la position du roi des Juifs est de plus en plus difficile à tenir. Une fébrilité règne à Jérusalem. Certains préconisent de confronter directement le roi de Babylone en comptant sur une protection spéciale de Dieu pour son peuple. D’autres proposent de fuir en Égypte où l’on pourrait trouver du renfort. Le prophète Jérémie, consulté par le roi, invite au contraire à assumer lucidement l’infériorité militaire évidente des Juifs. Il propose de se rendre à Nabuchodonosor pour préserver des vies humaines, de partir en exil à Babylone et de s’y établir. Jérémie insiste qu’il est plus sage d’accepter la réalité telle qu’elle est, de reconnaître sa vulnérabilité. En assumant l’épreuve ensemble, quelque chose de nouveau, d’inattendu peut émerger de la crise. Le prophète n’est pas écouté. Le roi s’entête et décide d’affronter seul l’armée de Nabuchodonosor. Survient alors le désastre : la ville est détruite, le temple est saccagé et brûlé, le roi est tué et une grande partie du peuple est envoyé en exil. Comme les autorités de Jérusalem à l’époque, nous aussi pouvons avoir de la difficulté à prendre toute la mesure de ce qui nous arrive. Quelque part, nous abritons une espèce de conviction consolante selon laquelle il n’est pas possible qu’avec tous les progrès de la science et de la médecine, nous ne puissions pas arriver à contrôler ce petit virus et à redresser notre économie. Nous attendons le vaccin comme un Messie, nous l’envisageons comme une sorte de baguette magique qui pourrait tout régler d’un coup. Ainsi, nous imaginons l’épisode Covid-19 comme une parenthèse désagréable, un cauchemar qui va passer. Et la vie pourrait reprendre comme avant. Or, sans perdre confiance dans les avancées technologiques modernes, il faut bien se rendre à l’évidence que tout cela prendra plus de temps qu’on ne le pensait. Faire confiance à la vie Profitons de la crise pour nous entraider à assumer notre vulnérabilité et à vivre avec l’incertitude. La vie uploads/Ingenierie_Lourd/ lettre-pastorale-2021.pdf
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- Publié le Aoû 12, 2022
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