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Le projet RIO : Innovation en Coopération Pascal Renaud - 25 août 2006 http://www.tic.ird.fr/spip0d02.html?article177 RÉSUMÉ : Entre 1989 et 1995, l’Orstom, Institut français de recherche pour le développement en coopération, a introduit les premiers services Internet et notamment le courrier électronique, dans une dizaine de pays d’Afrique au Sud du Sahara : Sénégal, Mali, Niger, Burkina Faso, Côte-d’Ivoire, Congo, Togo, Madagascar, Cameroun, Congo, Guinée. Ce projet baptisé RIO – ou RIOnet dans les documents anglophone – a fait de l’Orstom, un opérateur d’innovation technologique dans un domaine inattendu, celui de l’informatique et des réseaux (le domaine rio.net a été attribué au projet RIOnet par Jon Postel). Ce projet est le résultat d’une association étroite entre ingénieurs français et africains autour d’objectifs simples. Il s’agissait d’une part, de mettre à la disposition des équipes du Sud, des moyens informatiques équivalents à ceux qui étaient déployés au Nord. Il s’agissait d’autre part, de mettre en oeuvre l’interconnexion de ces ordinateurs entre eux et avec ce qu’on appelait « les réseaux mondiaux de la recherche » qui donneront naissance à l’Internet. Le déploiement du réseau informatique de l’Orstom commence en 1989 à Dakar. Le premier serveur est installé au Centre sénégalais de recherche océanographique. En 1990 et 1991, d’autres serveurs entrent en fonction à Ouagadougou, Lomé, Bamako, Niamey... Le réseau va être sollicité par les chercheurs des autres organismes, notamment du CIRAD, de l’Institut Pasteur, d’établissements universitaires et d’ONG. En 1995, lorsque l’Internet sort de son confinement universitaire, le projet RIO associe plus de 100 établissements dans quinze pays d’Afrique. Avant se s’éclipser au profit des structures nationales, le projet aura été confronté aux problèmes d’infrastructure, de formation comme aux questions politiques et juridiques posées par Internet. Innovant dans son approche de la coopération, il aura notamment montré qu’il était possible pour les pays les moins avancés, d’acquérir un savoir-faire de pointe alors que celui-ci est encore en cours d’appropriation dans les métropoles technologiques. MOT-CLÉS : Internet, TIC et développement, coopération internationale, innovation, acquisition des savoirs, renforcement des capacités. Introduction En tant que principal acteur du projet RIO, l’auteur n’est pas le mieux placé pour en faire une évaluation objective. Ce texte n’en est pas une et prend délibérément le risque de la subjectivité. Il retrace l’histoire du projet pour mettre en évidence ses aspects originaux et tenter d’apprécier sa contribution au développement de l’Internet en Afrique. Le contexte : l’Orstom [1], Institut de recherche scientifique, travaille dans une trentaine de pays de la zone tropicale dont la moitié en Afrique. Près de 1500 chercheurs, ingénieurs et techniciens sont répartis dans une centaine de laboratoires sans autre moyen de communication que le courrier postal ou le téléphone qui reste très onéreux. Si quelques ordinateurs sont utilisés pour le calcul scientifique et l’enregistrement de données, deux semaines sont nécessaires pour acheminer les données d’Abidjan vers Paris. Il n’y a pas encore de télécopie et les messages urgents sont envoyés par télex. Enfin le service DHL, très coûteux, ne garantit pas intégrité des disquettes trop sensibles aux champs magnétiques. Nous sommes en 1986. Pour l’essentiel, l’informatique repose encore sur d’énormes machines, jalousement protégées dans des centres de calcul climatisés. Ces précieux ordinateurs qui coûtent des centaines de milliers de dollars et occupent des sous-sols entiers font la fierté de leurs établissements. IBM règne encore en maître avec près de 70% du marché et une technologie des plus performantes. Les micro-ordinateurs commencent à se diffuser notamment dans les milieux académiques. Ils restent assez lents (2 à 8 Mhz) et sont déconsidérés par les « professionnels de l’informatique [2] » qui ne voit dans ces petites machines que des gadgets pour bricoleurs. Enfin, quelques illuminés s’intéressent aux réseaux de communication électronique. Ceux-ci portent de curieux acronymes terminés par net : ARPAnet, BITnet, UUnet, Fidonet... Internet. Les premiers réseaux internationaux d’ordinateurs Parmi les ancêtres de l’Internet, ARPAnet [3] a acquis sa célébrité médiatique grâce à son financement militaire. Mais ce n’est ni le seul, ni même le principal projet de ce type. Le plus important réseau des années 80 est sans conteste Bitnet [4]. C’est le premier des grands réseaux intercontinentaux de messagerie et d’échange de données destiné aux chercheurs. C’est aussi le premier à s’étendre en Afrique, nous y reviendrons. Créé par IBM, Bitnet, utilise une technologie propriétaire [5]. Son succès est du à une astucieuse politique de marketing. La compagnie proposait aux universités équipées d’IBM, de financer totalement ou partiellement, une ligne spécialisée vers un autre établissement, lui-même équipé d’IBM. Ainsi, de proche en proche, l’ensemble des grands centres de calcul universitaires était interconnecté. On reconnaît là l’habileté légendaire de la firme qui va tirer le meilleur parti de ce que les économistes appellent l’effet réseau (CASTEL, 1998). Ce deal proposé aux universitaires était d’autant plus alléchant que les lignes spécialisées étaient d’un coût très élevé pour ces établissements et que leurs autorités de tutelle étaient encore bien loin d’avoir pris conscience des enjeux. Bitnet s’est vite étendu à tous les grands centres de calcul américains, puis européens. La branche européenne, nommée EARN [6], associait les principaux pôles universitaires d’Europe occidentale. En 1988, BitNet et EARN comptaient près de 3000 noeuds dans 40 pays et des dizaines de milliers d’utilisateurs (Tracy Lynn LaQuey, 1988). C’est dans le cadre du réseau EARN qu’a été tenté une des toutes premières expériences d’interconnexion d’ordinateurs avec le Sud du Sahara. EARN à Abidjan En 1988, le centre de calcul inter-universitaire de Montpellier (CNUSC [7]) met en place, avec l’appui de la Coopération française, une liaison spécialisée vers le Ministère de l’Éducation nationale de Côte d’Ivoire. Situé à Abidjan, il dispose de puissants ordinateurs IBM. Une équipe du CNUSC installe EARN et notamment la messagerie électronique sur une machine de ce centre de calcul situé sur le « Plateau », en plein centre ville. Tandis que des consoles IBM sont à la disposition des enseignants et chercheurs… Est-ce trop tôt ? Est-ce l’absence de chercheurs à proximité du nœud EARN ou la complexité des consoles IBM 3270 ? Toujours est-il que les utilisateurs ne sont pas au rendez-vous. Après avoir financé au prix fort, deux ans de liaison intercontinentale, le bailleur de fonds doit constater que le dispositif n’est utile qu’à une poigné d’expatriés. Les difficultés rencontrés dans cette toute première expérience révèlent la complexité de ce type projet qui entrecroise des aspects techniques, des questions économiques et doit s’inscrire dans environnement social difficile à décrypter. La naissance du projet Le projet RIO prend naissance en 1986 lorsque l’Orstom qui traverse une profonde réforme, décide de redéfinir sa stratégie informatique. Un nouveau schéma directeur est élaboré. Ce dernier considère que l’ordinateur n’est pas seulement un outil de traitement de données mais un « instrument efficace pour développer la communication, la collaboration entre les équipes de recherche et diffuser rapidement l’information dans l’Institut ». Il recommande la mise en place d’une « infrastructure informatique » basée sur un modèle décentralisé et reposant sur « l’interconnexion de réseaux » (RENAUD, 1986). Le déploiement du schéma directeur commencera en 1987, les principales implantations de l’institut vont être câblées en « Ethernet [8] ». Les micro-ordinateurs des chercheurs (IBM-PC, Macintosh et autre) seront interconnectés et reliés à des « serveurs Unix » de marque « Sun Microsystems » qui vont assurer l’interconnexion et fournir une puissance de calcul de réserve. Le même modèle est proposé au Nord et au Sud. Les laboratoires africains doivent bénéficier à terme, d’un équipement équivalent et s’intégrer dans le même réseau. Une équipe réseau est constituée. Elle sera basée à Montpellier. Dans un premier temps, elle se concentrera sur la mise au point de la liaison entre les centres Orstom de France métropolitaine (notamment la liaison entre la région parisienne et Montpellier). Une fois la technologie maîtrisée elle s’attaquera à l’interconnexion de ce réseau avec les centres africains. Le premier service de courriel est installé à Montpellier en 1987. Ce n’est encore qu’une maquette du dispositif à construire. Il est destinée à évaluer la demande et fonctionne sur le mode « terminal distant [9] ». Malgré son raccordement à Transpac [10], le système reste trop coûteux pour être utilisé de manière systématique à partir de l’Afrique. En quelques mois une centaine de chercheurs s’abonnent à cette messagerie électronique pourtant limitée au trafic interne et manquant totalement d’ergonomie… Ces résultats vont encourager l’équipe réseau à transformer l’essai et à étendre le service de messagerie à toutes les implantations de l’Institut. Mais une chose est d’installer un serveur accessible à travers des terminaux, autre chose est de faire communiquer plusieurs serveurs afin qu’ils s’échangent les messages et les distribuent à la manière des bureaux de poste. Peu de spécialistes savaient mettre en place de tels réseaux de distribution de courrier électronique. Si la technique est assez bien maîtrisée sur BITNET/EARN avec des technologies propriétaires et des liaisons « spécialisées », c’est-à-dire réservé à ce seul usage. Le contexte des réseaux hétérogènes et des liaisons « commutées », c’est-à-dire partagées entre de nombreux utilisateurs dans le cadre d’un service public » est plus uploads/Ingenierie_Lourd/ le-projet-rio-innovation-en-cooperation.pdf

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