Les noms d’humains dérivés de participes: nominalisations en –ant et –é/i/u Isa
Les noms d’humains dérivés de participes: nominalisations en –ant et –é/i/u Isabelle Roy(1), Elena Soare(2) Université de Paris 8 Vincennes-Saint Denis & UMR 7023 du CNRS Structures Formelles du Langage (1) isabelle.roy@sfl.cnrs.fr ; (2)elena.soare@univ-paris8.fr Résumé Cet article aborde la question des noms d’humains dérivés de participes, à savoir les noms déverbaux en -ant et en -é/i/u, dans une approche syntaxique à la formation des mots. Dans ce type d’approche, les déverbaux comme ceux en -age, -ment, -tion, pourvus d’une interprétation événementielle et d’une structure argumentale, héritent des propriétés syntaxiques de leur base verbale, propriétés introduites au sein d’une structure verbale complexe qui est responsable à la fois de l’interprétation événementielle et de la projection de la structure argumentale. Dans des travaux récents, cette corrélation a été mise en avant également pour les noms dits « agentifs » animés en -eur, qui dénotent non pas des procès mais des participants à des procès. Ici, notre but est de soulever la question d’une telle corrélation au sein des noms qui ne sont pas dérivés avec des affixes mais sur une structure participiale. Nous passons en revue leurs propriétés et proposons des analyses de nature syntaxique, en montrant que des dérivations différentes sont responsables de leurs propriétés respectives : tandis que les déverbaux construits sur le participe présent supposent une couche structurelle supplémentaire de nature prédicative, les noms en -é/i/u sont directement construits sur les participes passés dont ils nominalisent l’argument interne. Nous établissons également une distinction entre les noms humains de participants, qui ont des propriétés événementielles, et les noms d’instruments ou produits, qui en sont dépourvus. Cette distinction traverse l’ensemble des noms déverbaux de participants puisqu’elle est également valable au sein des déverbaux en –eur. 1 Introduction Dans une approche syntaxique à la formation des mots, la littérature traitant des noms déverbaux depuis Grimshaw (1990) plaide en faveur d’une correspondance entre l’interprétation événementielle et la structure interne du nominal. Celle-ci sera complexe et impliquera des niveaux typiquement verbaux dans le cas des noms avec des propriétés événementielles (par exemple, la construction de la cathédrale en vingt ans par les habitants du village, qui admet à la fois des modifieurs aspectuels et la réalisation des arguments), et simple, dépourvue de tels niveaux, dans le cas des noms qui dénotent des objets, ou référentiels (par exemple, cette construction est impressionnante). Les études sur les noms déverbaux s’accordent à établir une corrélation entre structure complexe comportant des niveaux verbaux et interprétation événementielle; cette corrélation étant vérifiée par la projection de la structure argumentale, alliée à la présence de modification orientée vers l’événement. De tels comportements ont été documentés aussi bien dans le cas des noms qui dénotent des processus comme les noms en -tion et -age (selon ce qui est proposé dans l’ensemble de la littérature à partir de Grimshaw (1990); voir en particulier Alexiadou (2001), Borer (1999), parmi beaucoup d’autres), que dans le cas des noms d’individus en -eur (cf. aussi plus bas). (1) a. La construction de cet immeuble par une entreprise spécialisée en une semaine a fait l’objet d’un article dans la presse locale. b. L’assemblage du moteur par cette équipe en moins de dix minutes a valu un diplôme de mérite à notre entreprise. SHS Web of Conferences 8 (2014) DOI 10.1051/shsconf/20140801352 © aux auteurs, publié par EDP Sciences, 2014 Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2014 SHS Web of Conferences Article en accès libre placé sous licence Creative Commons Attribution 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0) 3197 Article available at http://www.shs-conferences.org or http://dx.doi.org/10.1051/shsconf/20140801352 (2) Le conducteur du train de 18h53 a commis une grave erreur qui a causé le déraillement du train. Les noms en -eur ont fait l’objet récemment d’études dans cette perspective, avec comme résultat que, pour une partie de ces noms tout au moins, à l’image des déverbaux événementiels complexes, la présence d’un événement résulte de la contribution de la structure grammaticale (voir Rappaport Hovav & Levin, 1992 ; Alexiadou & Schäfer, 2008 ; 2010 ; Roy & Soare, 2012 ; 2013b). Ainsi, le conducteur du train de 18h53 en (2) implique un événement particulier de conduire le train de 18h53 ; cette dénotation d’événement particulier trouve une source structurale dans le groupe verbal sur lequel le nom est dérivé. Voir les travaux cités pour une discussion détaillée. Ces noms ont en commun de dériver directement de verbes. Nous nous proposons d’étudier dans cet article une autre classe de noms d’individus, potentiellement caractérisée par la présence d’un événement dans la structure, à savoir les noms dérivés de formes participiales, qui impliquent aussi une forme verbale mais d’un type particulier. La question qui se pose est, de même que dans les dérivés affixaux, de dégager l’existence de propriétés événementielles, et de définir dans quelle mesure celles-ci s’apparentent à celles des déverbaux affixaux en -eur. En prenant comme point de départ la dérivation sur une forme participiale, on peut s’attendre soit à l’affaiblissement des propriétés événementielles du nominal, par le fait que le participe a un caractère verbal diminué ou réduit, soit à l’héritage de ces propriétés. Dans l’approche que nous adoptons ici, le degré d’événementialité découle de la structure fine du domaine nominalisé, où chaque niveau structurel est associé à une contribution sémantique spécifique. Nous montrerons que la structure des dérivés participiaux n’est pas homogène. En particulier, les dérivés en –ant (par exemple, un habitant, un consultant, un enseignant, un discutant) sont à distinguer de ceux en –é/i/u (par exemple, un blessé, un banni, un pendu) non seulement sur le plan de l’interprétation mais aussi sur le plan de la structure qu’ils impliquent. Dans le premier cas, il s’agit de la nominalisation d’un sujet de prédication englobant à son tour une structure participiale et, dans le second cas, de la nominalisation directe d’un argument interne. Indépendamment de cette différence, dans ces deux classes de nominaux, la même distinction est à faire entre les noms d’humains et les noms d’instruments ou de produits ; les propriétés événementielles caractérisent seulement les premiers à la différence des derniers, comme c’est le cas pour les -eur, suggérant que les deux processus distincts de nominalisation, à savoir la dérivation à partir de formations verbales complexes ou de racines simples, sont disponibles. 2 Noms d’humains en -ant 2.1 Approche syntaxique à la formation des noms déverbaux et prédictions Le français, comme d’autres langues romanes, peut former des noms d’humains en apparence agentifs à partir de formes homophones avec des participes présents: un habitant, un consultant, les enseignants ... Des propriétés d’agentivité ont été attribuées aux noms d’individus en -ant sur la base (i) de la présence d’une base verbale à la dérivation (habitant – habiter, consultant – consulter, enseignant – enseigner, …) et (ii) de la coexistence ou compétition avec les formes en -eur, dont les propriétés agentives ont été démontrées (Rappaport Hovav & Levin, 1992 ; Alexiadou & Schäfer, 2008, 2010, entre autres, pour l’anglais et Anscombre, 2001 ; 2003, et Roy & Soare, 2012, 2013a, spécifiquement pour le français): enseignant / chercheur ; attaquant / défenseur ; etc. En effet, il a été montré dans des travaux récents sur les noms d’invididus en -eur, que certains, à savoir les noms d’humains, ont des propriétés d’événement et de structure argumentale hérités du verbe sous-jacent, alors que d’autres, à savoir les noms d’instruments, sont dépourvus de telles propriétés. Dans une approche syntaxique à la formation des mots dérivés complexes (comme celle adoptée par exemple dans Alexiadou, 2001; Borer, 1999, 2005, 2013), le contraste entre les noms d’humains (événementiels et agentifs / dispositionnels) et les instruments (non événementiels et non agentifs) est capturé par l’hypothèse de la présence d’une véritable base verbale dans un cas, et son absence dans l’autre. Il s’agit alors de ‘simples’ dérivations à partir de racines. Le contraste est représenté en (3)-(4). SHS Web of Conferences 8 (2014) DOI 10.1051/shsconf/20140801352 © aux auteurs, publié par EDP Sciences, 2014 Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2014 SHS Web of Conferences Article en accès libre placé sous licence Creative Commons Attribution 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0) 3198 Dans cette approche, une partie des noms déverbaux (cf. (1)) sont construits dans la syntaxe, et leurs propriétés de nature événementielle sont introduites par des niveaux dédiés dans la structure. La structure aspectuelle / verbale à l’intérieur des noms dérivés en (1) et (2) est la même qu’au niveau phrastique, selon le modèle proposé en (3). Cette représentation s’inspire du cadre proposé par Borer (2005), où les têtes aspectuelles sont responsables d’introduire à la fois la variable d’événement et les arguments, placés dans leur spécifieur : ces noms déverbaux sont contruists sur des racines qui sont enchâssées sous deux niveaux de projection fonctionelle (appelés Asp-Sujet et Asp-Objet) qui introduisent le sujet et l’objet du verbe, respectivement. Pour les noms dépourvus de propriétés événementielles, la structure en (4) est adoptée, où le nominalisateur s’attache à une simple racine dépourvue de toute structure verbale. Dans ce sens, la nominalisation ne prend pas une base verbale, ce qui explique à la fois l’absence de lecture événementielle et des arguments. (3) conducteur du train uploads/Ingenierie_Lourd/ les-noms-dhumains-derives-de-participes-nominalis-soare.pdf
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- Publié le Dec 17, 2022
- Catégorie Heavy Engineering/...
- Langue French
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