Juin 2011 Lettre d’informations n°4 François Couplan Réflexions du moment… G a

Juin 2011 Lettre d’informations n°4 François Couplan Réflexions du moment… G a s t r o n o m i e p r é h i s t o r i q u e G a s t r o n o m i e p r é h i s t o r i q u e On pense habituellement que nos ancêtres, vêtus de peaux de bêtes, se nourrissaient exclusivement du produit de leur chasse. Mais il semble qu'en fait, la réalité ait été bien différente. « Vous reprendrez bien un peu de steak de mammouth ? » « Non merci, chère amie, je préfère ce délicieux civet d'ours des cavernes... ». Cette conversation paléolithique n'est peut-être pas tout à fait complète et pourrait sans doute se continuer ainsi : « Votre soupe de bourse-à-pasteur et de chénopode était franchement excellente. Et votre sauce de cynorrhodon, une merveille ! ». Mais nous avons de l'alimentation des hommes préhistoriques une image faussée. Les ossements animaux se conservent généralement bien dans le sol et sont donc retrouvés en abondance dans les fouilles. Il en est de même des pointes de flèches en silex ou en os et des outils de pierre ayant servi à dépecer les proies. Rien de tel en ce qui concerne les végétaux, dont les feuilles, les tiges, les racines ou les fruits se décomposent en peu de temps. Seules les graines peuvent laisser des traces, mais ces dernières ne se sont bien conservées qu'à partir du Néolithique, il y a environ 10 000 ans. Les outils employés pour se procurer des plantes, par exemple les bâtons à fouir qui permettent de déterrer les racines, ou encore les paniers, sont pratiquement toujours en bois et disparaissent donc eux aussi rapidement. Tout ceci a longtemps conduit à penser que nos ancêtres ne se nourrissaient que de viande. La seule façon de prouver indiscutablement la consommation de végétaux par l'homme serait de pouvoir analyser le contenu de son estomac. Il est malheureusement exceptionnel que celui-ci nous soit parvenu car sa conservation exige des circonstances très particulières. Il arrive aussi que l'on dispose de « coprolithes », c'est-à-dire d'excréments fossiles. Mais ils ne contiennent que rarement des restes végétaux analysables. La détermination du régime alimentaire de nos ancêtres ne peut donc se faire que d'une manière indirecte. Les Bushmen du Kalahari consomment environ 80% d’aliments végétaux sauvages La denture de l'homme est faite pour broyer les végétaux (molaires), déchirer la viande (canines) et couper les produits végétaux et animaux (incisives). Elle implique donc un régime omnivore. Les dents présentent des traces d'abrasion dues à la présence de particules dures dans la nourriture. Correctement interprétées, ces traces peuvent donner des indications sur l'alimentation humaine. Or elles indiquent toujours la présence, plus ou moins abondante, de végétaux. Il est très probable que les besoins nutritionnels de l'homme paléolithique aient été semblables aux nôtres. Or un certain nombre d'éléments nécessaires à la vie de l'être humain ne peuvent être apportés à l'organisme que par les végétaux. Les glucides qui constituent pour ainsi dire notre carburant abondent dans les graines, les racines et les tubercules. Par contre, la viande est avant tout riche en protéines, sans rôle énergétique majeur. Notons d'ailleurs à ce propos que, chose peu connue, les parties vertes des plantes contiennent des protéines complètes, équilibrées en acides aminés et de même valeur que les protéines d'origine animale. Ceci est particulièrement intéressant dans le cas des plantes sauvages, qui présentent des teneurs en protéines étonnamment élevées. Par ailleurs, l'homme a aussi besoin de glucides non digestibles sous forme de fibres inassimilables, nécessaires à une bonne digestion. Seuls en fournissent les végétaux. Les graisses animales sont formées d'acides gras saturés tandis que les lipides végétaux, souvent abondants dans les graines, sont généralement riches en acides gras polyinsaturés. Or ces derniers sont essentiels au bon fonctionnement de notre corps et doivent être apportés par nos aliments : s'ils manquent dans la nourriture, des signes de carence apparaissent. Enfin, les plantes sont riches en sels minéraux et en vitamines indispensables. Les données ethnographiques sont également pleines d'enseignements. Aucun peuple actuel ne se nourrit exclusivement de viande. Parmi les chasseurs-cueilleurs que l'on a pu étudier, tous consommaient des plantes, souvent en abondance, même les Inuit qui profitent au maximum des végétaux poussant au cours du bref été polaire. Bien sûr, la part relative des plantes et de la viande a dû changer selon les lieux et les époques, le climat ayant beaucoup varié au cours du quaternaire. On peut en tous cas penser que si la consommation de viande provenant de la chasse, activité masculine, a généralement dû être valorisée, l'homme a certainement toujours profité des produits de la cueillette. Et tandis que la plupart des animaux qu’ils mangeaient jadis ont aujourd'hui disparu, les végétaux qui nourrissaient déjà nos ancêtres voici plus de cent mille ans sont toujours présents autour de nous. Cela pourrait nous inciter à les regarder d'un oeil nouveau... et gourmand ! Il est très rare de pouvoir disposer, grâce aux fouilles des archéologues, du contenu de l'estomac de nos ancêtres. Les cas les plus connus concernent les hommes retrouvés dans des tourbières au Danemark, dont l'acidité a permis de conserver les tissus. Ils datent des 5e et 3 e siècles avant notre ère. Tous avaient consommé de nombreux végétaux. On a dénombré 66 espèces de plantes différentes dans l'estomac de l'un d'entre eux. Quant au célèbre Ötzi, vieux de 5300 ans, des prunelles ont été trouvées auprès de lui et il portait un sachet renfermant diverses plantes, sans doute à usage médicinal. De nombreux foyers datés jusqu'à 10 000 ans livrent en abondance les graines carbonisées de divers végétaux qui devaient certainement servir en cuisine. U U Un n n b b ba a an n nq q qu u ue e et t t p p pr r ré é éh h hi i is s st t to o or r ri i iq q qu u ue e e Brochettes de sauterelles grillées Croquant et savoureux, goût délicat de noisette. Soupe aux herbes sauvages Pousses d'ortie, feuilles de plantain, de pissenlit et de bourse-à-pasteur, liées à la farine de graines sauvages grillées. Côtes de mégacéros au four souterrain Le mégacéros est un énorme cerf préhistorique. La cuisson à l'étouffée au four souterrain lui donne un incomparable moelleux et lui garde toute sa saveur. Les grands chefs cuisiniers d’aujourd’hui redécouvrent ces cuissons longues à basse température : rien de nouveau sous le soleil ! Bouillie de glands Les glands sont écrasés entre deux pierres puis désamérisés par cuisson à plusieurs eaux. Ils peuvent être parfumés de baies de genièvre et de bulbes d'ail sauvage. Salade sauvage Feuilles de chénopode blanc et de stellaire assaisonnées de jus de fruits d'argousier et de prunelles, de cendres de tussilage et de noisettes ou de faines écrasées. Cornouilles et cormes au naturel Les cornouilles bien mûres sont acidulées, avec une saveur de framboise, de cerise et de groseille. Les cormes doivent être blettes; elles sont alors crémeuses, sucrées avec un délicieux arôme exotique. Découvertes archéologiques Chenopodium hybridum Promenons-nous… C C Cu u ue e ei i il l ll l le e et t tt t te e e d d da a an n ng g ge e er r re e eu u us s se e e : : : a a at t tt t te e en n nt t ti i io o on n n a a au u ux x x c c co o on n nf f fu u us s si i io o on n ns s s ! ! ! Jeudi 2 juin, trois personnes de Rougon, commune située au coeur des gorges du Verdon, dans les Alpes-de-Haute-Provence, ont consommé des feuilles de datura mélangées à de la salade. Souffrant d’un malaise général avec difficultés respiratoires et d’angoisses, elles ont dû être rapidement hospitalisées à Marseille. Deux d’entre elles se trouvaient encore dans le coma le lendem ain. Au vu des symptômes, les soupçons se sont portés sur une intoxication au datura, ce que confirmeront ensuite les examens et analyses pratiqués en milieu hospitalier. La plante a probablement été confondue avec du chénopode (à l’état jeune les feuilles de chénopode hybride, Chenopodium hybridum, ressemblent à s’y méprendre avec celles de la stramoine, Datura stramonium – c’est nettement moins le cas avec le chénopode blanc, Chenopodium album, beaucoup plus fréquent et mieux connu). Les daturas renferment de puissants alcaloïdes tropaniques : l’hyoscyamine, la scopolamine et l’atropine. L'ingestion de la plante provoque des troubles digestifs, cardiaques, respiratoires et visuels accompagnés de délire et d'hallucinations. L'issue est souvent fatale. Les feuilles étaient naguère utilisées en cigarettes contre l'asthme et donnaient de bons résultats, mais leur vente est désormais interdite, car certains en préparaient des tisanes hallucinogènes. L’usage récréatif du datura a donné lieu à de graves empoisonnements et il n’est pas à prendre à la légère. La stramoine est une adventice très courante dans uploads/Ingenierie_Lourd/ lettre-infos-couplan-4.pdf

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