LA SOIE LIBANAISE...ENTRE IMPORTATION D’UN MODELE FRANÇAIS ET CREATION IDENTITA

LA SOIE LIBANAISE...ENTRE IMPORTATION D’UN MODELE FRANÇAIS ET CREATION IDENTITAIRE LOCALE. Après une production mise en difficulté par une administration ottomane rigide, les occidentaux et notamment les Français tentèrent au dix-neuvième siècle d’introduire à nouveau la production de la soie au Liban. La famille Portalis originaire de Marseille fut la première à investir (1840) dans la soie au Liban, mais de nombreuses familles maronites déjà implantées au Liban furent également aidées financièrement. Ces choix d'investissement n'étaient pas le fruit du hasard. Les Portalis se seraient rapprochés de Beyrouth car le commerce égyptien connaissait une concurrence en pleine croissance, limitant les profits dans cette région. Compte tenu des possibilités offertes par le tissage européen, il était intéressant de commencer à envisager la délocalisation des entreprises séricicoles du sud de la France devenues trop chères. L'objectif était d'introduire dans le Mont-Liban les procédés des filatures françaises afin de diminuer le coût de production des matières semi-ouvrées tout en maintenant ou en augmentant la qualité des soies produites. L'idée de fonder une telle entreprise fut déjà lancée en 1830 mais les réglementations ottomanes ont empêché sa mise en place. En 1838, une première clause transforma cela pour créer une réglementation favorisant la production de soie servant l'Europe. Ce fut au détriment des soies arabes qui se retrouvèrent en concurrence avec les soies filées avec des techniques semi industrialisées et destinées aux étrangers. Seuls quelques auteurs tels que B. Labaki, M. Seurat, D. Chevalier, R. Owen ou bien C. Issawi ont déjà évoqué les domaines économiques, socio-économiques et géopolitiques liés à la soie sans réellement aborder les magnaneries en tant que models architecturaux et espaces industriels nécessitant une classification et une réhabilitation au Liban. Au travers d’un état en construction et avant même le protectorat français, les filatures commencèrent à s’implanter dans toute la partie centrale du Liban. Les filatures se sont développées dans la région car les muqâta’aji druzes des montagnes pouvaient permettre des garanties d’accès à la propriété contrairement aux villes côtières qui étaient au XIXème siècle sous contrôle musulman. Des dizaines de villages allaient connaître la magnanerie comme bâtiment « industriel », première étape d’une révolution déjà en cours en Europe depuis le XVIIème. (voir les écrits de Dominique Chevalier sur La société du Mont Liban à l’époque de la révolution Industrielle en Europe, éd.Geuthner, Paris,1982) Les premiers ateliers avant les magnaneries naissent probablement au courant du XIXème au Liban avec un plan rectangulaire qui s’appuit normalement aux habitations. Ce modèle d’atelier apparaît dès le XVIIème en France et on le nomme calabert ; C’est une sorte de galeries on l’on installait un équipement sommaire de tirage du fil après « la récolte ». Ils étaient couverts d’un toit en appentis porté par des piliers maçonnés ou par des colonnes surmontées de chapitres rudimentaires. L’entre colonne est occupé plus tard par de grandes verrières à châssis en bois ou métallique. Ces premiers bâtiments spécifiques constitueraient l’ancêtre de la magnanerie mais il faudrait effectuer des recherches plus étendues afin de pouvoir établir les origines exactes des premiers modèles au Liban. Ensuite vinrent les filatures, équipements lourds, nécessitant un investissements conséquent et donc réservé aux familles riches du village. Plusieurs transformations économiques découlèrent de ces mutations architecturales, comme la monétarisation des échanges commerciaux ou encore le salariat qui fit son apparition. Le travail des femmes également devint rémunérateur et ce fut le premier stade de reconnaissance par le travail dans les villages de montagne pour ces femmes de différentes communautés. Cet article se penche sur ces lieux de production de la soie à Salima(1), un village situé sur les collines en face de Baabdat dans le Metn à 30 km de Beyrouth. Ces formes d’architecture au Liban ne sont actuellement ni restaurées ni financées et il existe, à en croire les écrits d’Antoine Boutros Labaki, près de 125 usines ont été construites au Liban. Salima compte actuellement sept filatures pour un nombre de 800 habitant (environ 1500 habitants avant la guerre de 1975). La première magnanerie fut construite en 1860 sur les hauteurs de ce village situé idéalement entre 700 et 1000m, ce qui correspond à une bonne altimétrie et un degré hydrométrique élevé (autour de 80% en saison chaude). Pendant la période d’avril à mai les vers grimpaient sur les mûriers pour donner du travail à presque l’ensemble du village ainsi que pour des familles des villages voisins. Du point de vue de l’architecture, l’industrie de la soie a engendré des formes bien spécifiques et bien distinctes du reste des constructions existantes comme le sérail, la mosquée ou bien l’architecture domestique. Issue du monde agricole, les magnaneries étaient les premiers programmes industriels accueillant dans une maçonnerie de pierre un ensemble de machinerie à vapeur et de canalisations métalliques allant servir à la filature. Les gabarits et modes d’installations des bâtiments sur les parcelles de terrain s’allongèrent. Les modèles architecturaux initiaux importés par les Portalis, n’avaient de commun que l’usage des matériaux locaux ainsi que certains points similaires dans l’organisations des façades (centralité de composition et arcades pour certains bâtiments) ou des plans. C’est là plus un apport architectural qu’une forme coloniale d’architecture qu’il faut considérer. Ces bâtiments à l’heure actuelle, ont été très peu étudiés, pourtant, au-delà de leur valeur historique, ils représentent un patrimoine important susceptible d’être réhabilité. Par exemple, les magnaneries des Cévennes, dans le sud de la France, ont-elles, largement été étudiées et réhabilitées dans le cadre de programmes de développements locaux. Il faut inciter et créer une démarche de dynamisme similaire en matière de réappropriation urbaine de ces bâtiments. Le Metn doit pouvoir dans les années à venir développer un tourisme vert utile au développement local des villages. Ce travail propose une analyse liée à une enquête historique réalisée sur place et accompagnée de relevés des sites. Cette méthode de classification semble être rare relativement rare au Liban où l’on restaure généralement sans étude préalable. RELATIONS ENTRE SALIMA, SES MAGNANERIES ET LA REGION On trouve aujourd’hui sept bâtiments subsistant et ayant servit, soit d’étouffoir pour stocker les cocons séchés, soit de filature pour dévider le fil. Il s’agit des magnaneries de Gériès El Bechaalany(3), des frères Salman El Masri(4), de Chayban El Bechaalany(5), de Chahine Mohammad El Masri(6), d’Abdallah Hussein El Masri(7), et enfin celle de Michel Assad Maroun Bechalany(8). Les dates de construction s’étalent sur près de 70 ans et les premiers bâtiments se sont construits en périphérie de Salima, alors que les dernières filatures se sont concentrées autour du centre-ville (2). Le village a subi d’énormes dommages avec la guerre du Liban et les magnaneries ont quasiment toutes perdues leur toiture mais les enveloppes des bâtiments subsistent. Salima produisait une grande quantité d’écheveaux par rapport aux autres villages du Metn grâce à sa proximité avec Beyrouth. La maison de la famille Faddhoul située à Baabdat connaissait les Français et avait l'habitude de commercer avec eux. C'est en partie ce lien qui permit à Salima de vendre ses écheveaux de soie dévidée avec l'assurance d'écouler sa marchandise. Au milieu du XIXème siècle, la production de vers à soie constituait déjà un mode de revenu complémentaire pour les familles d'agriculteurs. Dès 1880, trois magnaneries sont créées et dès 1920, on comptait plus de dix bâtiments en activité sur le village. Malgré un affaiblissement de la production durant la première guerre mondiale, l'industrialisation était en marche et les niveaux de production furent en constante augmentation jusqu'en 1929. En 1934, il n'y a plus que six magnaneries en action, en 1944 seulement quatre et en 1960 c'est la fermeture définitive des usines. Les familles les plus influentes du village ne purent résister aux crises économiques et les bâtiments furent abandonnés. 1850 - LA PRODUCTION INDUSTRIELLE NAISSANTE C’était le début du printemps, le ramassage sur les mûriers et stockage des vers transformés en cocons se faisait dans les coconnières, sorte de pièces à étouffer dans de la vapeur les cocons. Sur les claies s’étendaient les vers se transformant à une vitesse vertigineuse en chrysalide, cela exigeant une consommation effrénée de feuilles de mûriers. Une fois cette matière première tuée et séchée, il ne restait plus qu’à dévider le fil de son cocon dans la filature. Le début de l’industrialisation commença à Salima avec Gériès El Bechaalany qui fut le commanditaire du premier bâtiment réunissant séchage des cocons et dévidage du fil. Il fit construire un bâtiment rectangulaire de six mètres par dix-huit mètres. L’orientation de ce bâtiment permettait d’avoir les grandes façades au nord et au sud afin de gagner en luminosité. Cette magnanerie fut la première à s’organiser sur deux étages avec une volumétrie s’organisant en bande rectangulaire. Généralement les volumes de la filature et de l’administration étaient séparés des volumes de l’étouffoir, mais ce premier bâtiment comme d’autre pour des raisons de niveau de production ne possède qu’un volume. Les réseaux de canalisations métalliques apparurent presque en même temps que les premières magnaneries. Pour des raisons de sécurité, la chaudière étaient positionnée à l’extérieur des ateliers. Il fallait une température atteignant 60° pour ramolir le grès (séricine), sorte de uploads/Ingenierie_Lourd/ magnanerie-liban-patrimoine-menace.pdf

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