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www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 Avant-propos Une aventure imprévue Au printemps 1993, pour étoffer le catalogue d’un ami designer, je concevais un fauteuil en bois d’inspiration Art déco. J’ai voulu en tester les proportions en réalisant une maquette grandeur réelle. Le hasard voulut que je passe, le soir même en revenant du restaurant chinois, devant un garage qui mettait au rebut ses grands emballages de portières. Je les ai remontés chez moi et cela a fourni la matière première de cette maquette, échelle un. C’était du carton ondulé simple cannelure de 5 mm d’épaisseur et j’ai eu un peu de mal à le transformer en fauteuil. Je tentai de m’adapter au matériau en le réalisant en deux plaques pliées, emboîtées l’une dans l’autre. Le résultat, fort laid et un peu branlant, n’était pas de nature à m’encourager mais, à ma grande surprise, l’emboîtement résista à mon poids lorsque je m’assis précautionneusement dedans, et qui plus est, le confort était appréciable. Dans la minute qui suivit, j’oubliai le but initialement poursuivi et commençai à gamberger sur ce monstre prometteur. S’ensuivirent deux semaines de travail acharné, de va-et-vient entre des maquettes au dixième et des maquettes grandeur nature, plusieurs poubelles de chutes de carton à descendre chaque jour et un tapis massacré par les découpes à même le sol. Je ne me prends pas pour Bernard Palissy, mais je dois avouer que dans ma frénésie d’inventeur potentiel de ce que je croyais être le premier fauteuil en carton, j’en oubliai les heures des repas et toute considération pour mon entourage humain et matériel. De ce travail est née la poutre triangulaire, en remplacement de ce qui n’était qu’un simple rabat dans le premier essai et, pour verrouiller les deux pièces de carton entre elles, les baguettes chinoises du restaurant précédemment cité me furent d’un grand secours. Le fauteuil en carton était né, mais l’aventure ne faisait que commencer car, qui le fabriquerait ? qui l’éditerait ? et qui le commercialiserait ? N’étant pas designer, je n’avais que peu de notions et peu de relations dans ces circuits. Je ne savais pas non plus que, loin d’être le premier à me lancer dans l’aventure du mobilier en carton, de nombreux créateurs m’avaient précédé. www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 Livre premier Le matériau carton www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 Histoire de la pâte à papier Une légende trop tenace attribue la paternité du papier au ministre Cai Lun en 105 après J.-C. au cœur même du Palais impérial de Luoyang, alors capitale de l’Empire chinois. Pourtant, des fouilles archéologiques récentes prouvent qu’il était utilisé comme support graphique depuis au moins le IIe siècle avant J.-C. — cependant, son usage ne se généralisera en Chine qu’à partir des IIIe et IVe siècles. La mise au point très progressive du papier découle de la découverte beaucoup plus ancienne de la pâte de fi bres cellulosiques, un carton primitif, avec laquelle les Chinois fabriquaient dès le VIe siècle avant J.-C. quantité d’objets dont l’exemple le plus célèbre est un chapeau porté par un disciple de Confucius. Le principe du feutre végétal obtenu par le battage de végétaux existe depuis la préhistoire dans le monde entier. Le papyrus égyptien, les tapas d’Océanie — parures peintes sur des étoffes non tissées —, sont l’expression encore vivante de cette technique. On peut noter aussi que les guêpes, pour construire leur nid, sécrètent un carton en mastiquant du bois. Si ce matériau naturel ne paraît pas avoir inspiré les anciens, il intrigue les chercheurs contemporains. Il a donc fallu énormément de temps et d’étapes pour que les papetiers chinois élaborent le chef-d’œuvre de cette pâte végétale, c’est-à-dire la fi ne et lisse page blanche, mais sous des formes plus ou moins raffi nées. Papier et carton font partie du quotidien prosaïque de la Chine depuis l’Antiquité. On en faisait des emballages, vêtements et chaussures, meubles et vaisselle, éventails et ombrelles, cartes à jouer, mouchoirs, papiers votifs, papier-monnaie ou hygiénique, cloisons, et même armures. En revanche, c’est presque exclusivement en tant que support de l’écriture que le papier partira à la conquête du monde. En Occident, il faudra attendre le XXe siècle pour que la pâte à papier diversifi e de manière signifi cative ses applications. Actuellement, plus de la moitié de la pâte produite en France est destinée à l’emballage et à l’hygiène. www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 8 9 8 9 8 En général on tente de faire coïncider la petite histoire du papier à la grande histoire du monde. La tradition veut par exemple que le secret de la précieuse technologie ait été révélé aux Arabes par des prisonniers chinois venus défendre leur protectorat à Talas près de Samarkand en 751. Cette bataille est un des rares points d’articulation entre les deux civilisations mais les Arabes s’étaient rendus maîtres un siècle plus tôt de Ctésiphon, la capitale des Perses Sassanides (proche de l’actuelle Bagdad), où les bureaucrates croulaient sous la paperasse depuis longtemps. L’invention du papier s’est diffusée au rythme où voyageaient les idées avant l’invention des avions de ligne. Faisant tache d’huile, elle est partie de Chine dans toutes les directions, empruntant les voies commerciales, suivant les armées, séduisant les religions, s’imposant rapidement comme support offi ciel des écrits administratifs. Au IIIe siècle, elle atteint la péninsule indochinoise et le Tibet, au IVe siècle la Corée, au VIIe l’Asie centrale, l’Inde et le Japon, au Xe l’Afrique du Nord, au XIe l’Andalousie musulmane, au XIIe la Sicile (le papier y arrive de l’est au retour des croisés), l’Italie au XIIIe, la France et l’Allemagne au XIVe, l’Angleterre et la Pologne au XVe, la Russie au XVIe, et la colonisation fera le reste. Chemin faisant, bien sûr, la technologie papetière s’adapte et se transforme. C’est en Corée et au Japon d’abord qu’elle connaît le plus d’améliorations. Nouveaux procédés, nouveaux matériaux, nouveaux usages et nouvel art de vivre. Les cloisons de papier, les origamis, les cerfs-volants, les lanternes et les éventails au maniement codifi é du théâtre No… sont autant de preuves de l’omniprésence des papiers en Extrême-Orient. Ils sont intimement liés à la vie et ont même pris une dimension mystique. Cette présence spirituelle accompagne encore bien souvent chaque geste lié au papier, chaque acte du plus banal au plus grave. Le papier japonais (washi) — cristallisé en symbole culturel à l’arrivée des Occidentaux au XIXe siècle — adjoint des résines (latex) comme agent de liaison entre les fi bres et adopte une technique d’entrecroisement des fi bres, ce qui lui confère plus de résistance, en particulier au pliage. Le washi peut être teinté, traité contre les insectes et la moisissure grâce à des décoctions de plantes. Aujourd’hui le Japon et la Corée, comme toutes les sociétés occidentalisées, voient leur consommation de pâte à papier mécanique augmenter d’année en année. Au Japon, le tirage matinal du quotidien Asahi Shimbun atteint les 8 millions d’exemplaires (un million pour le New York Times, environ 500 000 pour Le Monde). www.editionsparentheses.com / Olivier Leblois — Carton, Mobilier, éco-design, architecture / ISBN 978-2-86364-186-6 Alors qu’en Asie la papeterie reste jusqu’au XIXe siècle l’œuvre d’artisans vénérant la maîtrise du geste, le monde arabe commence à mécaniser les procédés de fabrication par l’utilisation de moulins. En Occident également, le papier va connaître et provoquer de grandes métamorphoses. Dès la Renaissance balbutiante, il s’engrène aux rouages du progrès. S’alliant à l’imprimerie à partir du XVe siècle, il diffuse et se nourrit de toutes les innovations, dans le domaine technique (chimie, mécanisation), comme dans celui des idées. Les déchets de lin, de chanvre ou de coton sont longtemps restés la matière première de la pâte, faisant vivre jusqu’au début du XXe siècle tout un monde de chiffonniers avec ses rois et ses légendes. Il est amusant de constater que la fabrication du papier est un des premiers exemples de recyclage industriel. Le papier, fabriqué à la main, feuille à feuille, et dans des formats limités (45 × 65 cm), est resté un produit rare et cher jusqu’à la fi n du XVIIIe siècle malgré l’utilisation de machines facilitant l’effi lochage des chiffons — la pile à maillet puis le cylindre hollandais (1673). Dès le XVIIe siècle, la rareté du chiffon pose problème. Au début du XIXe siècle, alors que la pénurie devient critique, les papetiers, après avoir testé des matériaux improbables tels que l’amiante ou les bandelettes de momies, redécouvrent les fi bres végétales. La pâte de cellulose du bois provoque la fi n de la chiffe ; son utilisation est rendue possible par l’invention du défi breur de Friedrich Gottlob Keller en 1844 puis par les applications réalisées par H. Volter et J.M. Voith. Plus tard le chimiste François Anselme Payan mettra au point uploads/Ingenierie_Lourd/ p186-carton 1 .pdf

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