Pouètes de Pouasie. Lacan et la poésie Editorial...............................

Pouètes de Pouasie. Lacan et la poésie Editorial.................................................................................................................................................................. 3 Le Phénix et la Lettre volée.................................................................................................................................... 4 Le Coït énigmatisé : Une lecture de « La secte du Phénix » de Borges Jacques-Alain Miller........................ 4 Lacan, Borges, Quine, et le phylum du propos psychanalytique Samuel Nemirovsky.................................. 11 Edgar Allan Poe et la mathématique en Crète Pablo Amster ......................................................................... 13 Nevermore Gil Caroz ...................................................................................................................................... 16 Poésie.................................................................................................................................................................... 20 « Pouètes de Pouasie » Pierre-Gilles Guéguen .............................................................................................. 20 Le nouvel amour Laura Sokolowsky.............................................................................................................. 23 « Une ruine, par mille écumes bénie » Ginette Michaux ............................................................................... 27 L’art de la citation chez Lacan et T.S. Eliot Christian Vereecken................................................................. 30 Une parcelle d’illecture ........................................................................................................................................ 34 Un mot qui n’aurait pas rêvé… ! Jean-Pierre Dupont................................................................................... 34 Parler contre les paroles Jean-Louis Aucremanne......................................................................................... 37 « Où est ton cadeau espèce d’imbécile ? Pierre Thèves ................................................................................. 41 La poétique de la lettre Yves Vanderveken.................................................................................................... 45 Le semblant et la grimace..................................................................................................................................... 48 La grimace de la vie. Une histoire épouvantable de Paul Claudel Philippe Hellebois................................... 48 La poésie devance la révolution du sujet Elisabeth Doisneau........................................................................ 50 Racine et le semblant Dalila Arpin-Caplan.................................................................................................... 55 Traduire, pas trahir ............................................................................................................................................... 60 Quelques remarques sur le travail de traduction de Lacan en russe Pierre Skriabine ................................... 60 Traduire Dostoïevski Philippe Fouchet .......................................................................................................... 62 Rêves, mots et corps............................................................................................................................................. 68 Leçon de passe : faut-il croire à ses rêves? Patrick Monribot ....................................................................... 68 Le rêve, au-delà des semblants Philippe Stasse .............................................................................................. 71 La parole comme événement de corps Nathalie Georges-Lambrichs........................................................... 75 L’enfant et lalangue Hélène Deltombe............................................................................................................ 78 2 Accueil Cliquer Editorial Vous trouverez dans ce numéro un rite secret et pourtant connu de tous, un monstre, un grain de sable irréductible, une parcelle d’illecture… Autant de figures d’un objet qu’on tenterait d’évacuer de nos systèmes langagiers, et que la vraie poésie sait réintroduire clans le langage même, en adressant un « pouète pouète » provocant envers la force refoulante de la raison. Ainsi, la raison, ayant rencontré ses résonances qu’elle souhaiterait tant oublier, devient malgré elle la « réson » pongienne. C’est un coup de dés jeté dans les calculs, un retour du mystère au sein du mathème, pour reprendre l’antinomie entre deux versions du savoir, que Jacques-Alain Miller nous propose de repérer dans le débat des Lumières. Il y a là une éthique commune à la poésie et à la psychanalyse. Le même phylum, ainsi que note Lacan à propos de Borges. 1 Car comme il nous le dit, ce qui préserve la psychanalyse de devenir une escroquerie, c’est que tout comme la poésie, elle s’acharne à briser avec violence les usages du langage qui se cristallisent pour chasser les résonances du réel. 2 C’est ces ondes du réel que nous espérons réveiller. Car pour ne pas devenir des escrocs, pour traverser les vérités et aller à la rencontre d’un réel, il s’agit en effet de vider ces vérités de leurs sens. La poésie, vous le trouverez aussi, est une suspension de la duplicité du sens, une ascèse. C’est l’aspect nouveau que Lacan donne vers la fin de son enseignement 3 à la parole vide en renversant la connotation péjorative qu’elle pourrait avoir auparavant. Avons-nous cette capacité de vider la parole de ses sens ? Sommes-nous à la hauteur de ceux qui savent manier le signifiant au plus près de sa bêtise irréductible ? – Il n’est pas toujours certain que nous avons acquis l’imbécillité nécessaire pour le faire. Quarto 1 LACAN J., Écrits, p. 23. 2 Voir chez Lacan, a L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », (inédit), séance du 15 mars 1977. 3 Ibid. 3 Accueil Cliquer Le Phénix et la Lettre volée Le Coït énigmatisé : Une lecture de « La secte du Phénix » de Borges Jacques-Alain Miller « El tiempo es la substancia de que estoy echo. » José-Luis Borges Borges a fait une petite nouvelle sensationnelle où il présente la pratique d’une secte énigmatique*. On découvre à la fin du conte que cette pratique étrange est en fait le coït. On pourrait décrire ainsi la pratique de la psychanalyse : tu vas dans un lieu précis, où quelqu’un t’attend, et c’est là la porte d’accès, le sas vers l’inconscient ; alors, dans ce lieu, tu copules avec l’inconscient tu payes et tu sors ; et puis, tu recommences. Quelle jouissance se paye là ? A décrire les choses ainsi, un peu rie l’extérieur, on peut répondre à la question de Lacan de savoir pourquoi la psychanalyse n’a pas inventé une nouvelle perversion. C’est que l’analyse elle-même est une perversion. C’est une façon nouvelle et singulière de jouir du langage et d’en faire sourdre quelque chose de rare. Ce conte de Borges est pour moi le joyau de ses écrits. Borges est allé loger ça in fine dans son recueil Fictions, dont il y a des éditions différentes enrichies au fur et à mesure. Ce conte – de cinq paragraphes, rien de plus – qui s’intitule « La secte du Phénix » y passe apparemment inaperçu. Une sorte de canular Le premier paragraphe introduit de façon parodique la secte du Phénix. Comme beaucoup de ce que Borges a écrit, c’est une sorte de canular. D’un coup, de quelques phrases, sans doute parce qu’il est question de Flavius Joseph, cela fait songer aux mentions que l’on trouve dans la littérature antique, par exemple sur les sectateurs de Jésus. Cette approche indirecte, par ce qu’on a dit, ce qu’on a écrit, convient à la notion même de la secte en tant qu’elle se rassemble autour d’un savoir qui est essentiellement secret, un savoir qui n’est pas exposé, un savoir qui est savoir sous un voile, un savoir supposé, pour reprendre le terme de Lacan. Pour accéder au savoir secret de cette secte, qui est elle-même supposément secrète, de ce qu’elle est, on n’a que des indices, fragmentaires, cueillis dans toutes les littératures, des indices décalés et éventuellement contradictoires. Borges excelle dans l’évocation du savoir fragmentaire, celui des vieilles chroniques, mais on le voit aussi bien prélever un morceau de système, les systèmes de l’idéalisme allemand : l’Argentin va cueillir là une petite phrase qui résonne et le fragment surgit dans son éclat. Savoir et secret Borges étale, clans tout ce qu’il a produit de littérature, le corps morcelé du savoir. H se meut comme un poisson dans l’eau dans S de A barré, comme nous désignons le caractère nécessairement fragmentaire, éclaté, décalé, du savoir. Il arrive à faire sourdre une poésie de l’érudition canularesque. Borges avait beaucoup lu, surtout l’Encyclopédie britannique, d’où il prélevait des petits éclats, faisant allusion à une culture universelle. Dans ce petit texte, « La secte du Phénix », il conjugue le savoir et le secret, qui paraissent deux termes antinomiques : d’un côté ce qu’on sait, et de l’autre côté ce qu’on ne sait pas. C’est ce partage du savoir et du secret qui nourrit l’imaginaire de la conspiration, très présent chez Borges. L’existence d’une conspiration a pour effet de partager l’humanité en deux classes distinctes : ceux qui savent et ceux qui ne savent pas. Il faut bien reconnaître qu’aux débuts de la psychanalyse, parce qu’on était là rassemblé autour d’un savoir qui n’était pas de tous, qui présentait à la fois un certain caractère d’originalité qui prétendait en même temps à l’universalité, ce mouvement psychanalytique a d’abord été approché, conçu comme une sorte de conspiration, ll n’est pas dit que les premiers psychanalystes eux-mêmes et Freud n’aient pas beaucoup cédé à l’imaginaire de la conspiration. Ils l’appelaient, entre eux, la cause ! C’est aussi bien la conspiration freudienne. C’est le point de départ de ces affaires de secte et de conspiration : ceux qui ont le savoir et ceux qui ne l’ont pas. D’un côté, les quelques-uns, les Happy Few Band of Brothers, et puis tous les autres. Mais la torsion que Borges imprime à l’imaginaire de la secte, dans ce texte en particulier, c’est qu’il se révèle que les quelques-uns ne savent pas davantage 4 Accueil Cliquer que tous les autres. Cela ne les empêche pas d’être groupés, d’être rassemblés. Par quoi ? Par le signifiant de la secte, signifiant dont Borges nous a montré tout de suite qu’il est hautement douteux. Ils ne savent pas davantage que les autres ce qui est un secret pour les autres. Et se révèle même, à la fin de ce texte, que ceux que l’on nous a présentés comme des quelques-uns sont tellement nombreux qu’ils sont tous les autres. Le secret pour les autres est aussi un secret pour eux-mêmes, et cela répond à cette phrase de Hegel dans son Esthétique à propos de l’art égyptien : « Les secrets des Égyptiens étaient des secrets pour les Égyptiens eux-mêmes ». C’est ce qui finit par émerger, petit à petit, dans les cinq paragraphes de Borges. Deux grands versants du savoir… Deux grands versants du savoir ont occupé ce qu’on appelle l’Occident, l’Occident des Occidentaux que Lacan appelait des « Occidentés » : le savoir grec et le savoir égyptien. Le savoir grec, c’est le savoir uploads/Litterature/ 070.pdf

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