mep_monarques.indd 1 mep_monarques.indd 1 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_mon

mep_monarques.indd 1 mep_monarques.indd 1 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_monarques.indd 2 mep_monarques.indd 2 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 MONARQUES mep_monarques.indd 3 mep_monarques.indd 3 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_monarques.indd 4 mep_monarques.indd 4 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 SÉBASTIEN RUTÉS JUAN HERNÁNDEZ LUNA MONARQUES roman ALBIN MICHEL mep_monarques.indd 5 mep_monarques.indd 5 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 © Éditions Albin Michel, 2015 mep_monarques.indd 6 mep_monarques.indd 6 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 Ce roman est pour Julia Andrea et Alan James, ainsi que pour Verónica, au Mexique. En France, pour Martine, et Thomas G., qui a été là quand il a fallu. Il est aussi pour le Chipirón Bonizzoni, quelque part entre la Guinée, le Canada et le Chili. Enfi n, il est pour Juan, où qu’il se trouve ou ne se trouve pas, à boire une autre vie en se demandant comment sera la prochaine. S. R. mep_monarques.indd 7 mep_monarques.indd 7 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_monarques.indd 8 mep_monarques.indd 8 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 « Nos ossements, prolongement des squelettes de nos grands-pères. » Léon-Paul Fargue, Haute solitude « Il ne savait plus s’il était Zhuangzi qui venait de rêver qu’il était un papillon ou s’il était un papillon qui rêvait qu’il était Zhuangzi. » Tchouang Tseu « You’ll never know how much I really love you. You’ll never know how much I really care. Listen, Do you want to know a secret ? Do you promise not to tell ? » John Lennon et Paul McCartney, Do You Want to Know a Secret mep_monarques.indd 9 mep_monarques.indd 9 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_monarques.indd 10 mep_monarques.indd 10 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 Première partie CHRYSALIDES « J’ai voulu rendre uniques les actes quotidiens. » Juan Carlos Martelli, El Cabeza mep_monarques.indd 11 mep_monarques.indd 11 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 mep_monarques.indd 12 mep_monarques.indd 12 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 13 Mexico, 23 octobre 1935 Mon amour, Une trop longue solitude n’est pas bonne aux âmes qui se respectent. J’insiste encore. Je continuerai à le faire, tu connais mon obstination. Voici une nouvelle lettre qui traverse cet Atlantique que j’imagine sec et fort et froid. Les deux premiers adjectifs n’ont pas de sens. Un océan ne peut être sec mais c’est le sentiment que me donne son indifférence à mes plaintes. Quant à sa force, je ne sais pas… Peut-être parce qu’il s’oppose à mon désir de le traverser pour te rejoindre. Il faut que l’Atlantique soit bien résistant, pris en étau entre des nations si différentes, d’un rivage à l’autre, ce ressac de visions du monde qui l’a toujours traversé dans le sillage des navires de guerre… À moins que ce soit la manière d’en jouir qui diffère ? Toujours est-il que je t’écris de nouveau dans l’espoir d’une réponse. Si tu es souffrante, si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que tu peux t’en remettre à moi comme au cours de ton séjour au Mexique, ces quelques mois qui m’ont été une éternité d’émerveillement et d’émoi. mep_monarques.indd 13 mep_monarques.indd 13 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 MONARQUES 14 La semaine dernière, j’ai assisté à l’avant-première d’Au- delà de la mort, au cinéma Palacio. Comme j’étais impatient de revoir ton visage, ne fût-ce que sur un écran ! Hélas, la scène a été coupée au montage ! J’ai quitté la salle au moment où Chucho Monge entonnait « Si tu reviens ». Te souviens- tu comme nous écoutions répéter son orchestre, enlacés en cachette dans la loge d’Adela Sequeyro ? Que de souvenirs… Des souvenirs… Je te revois… La première fois que tu m’es apparue sur le plateau, ton chapeau à ruban couleur miel, ta robe timide, ta coupe à la garçonne et tes gants blancs pour ne pas salir tes mains au contact de ce monde… La camériste de Laura Faure… Une fi gurante… Une inconnue… Personne… Si belle ! Tu arrivais de Los Angeles avec l’espoir de faire carrière dans ce Mexique où l’industrie cinématographique est en plein essor. Ce que je faisais là ? Comme toujours, invité par un pro- ducteur pour réaliser une affi che inspirée du maniérisme Art déco du Chango Cabral. Ne te fais aucun souci, cette affi che n’a pas été censurée. Comment de tels philistins s’apercevraient-ils que c’est toi qui as posé pour le portrait de la femme alanguie censée représenter Yolanda Montenegro, l’épouse délaissée ? Voilà notre vengeance : chaque fois que le public croira voir Adela Sequeyro, c’est Loreleï Lüger qu’il admirera ! mep_monarques.indd 14 mep_monarques.indd 14 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 MONARQUES 15 Pardonne-moi, je me perds en digressions dans l’espoir de t’arracher un sourire, pour te forcer à me répondre enfi n. Je suis une voix dans le désert et la souffrance de ton silence est infi nie car il n’y a pas d’écho dans le désert. Dans le désert, il n’y a que des mirages. Et quand l’esprit se lasse de tant pen- ser, les images surgissent. Les souvenirs de toi m’ont assailli d’un seul coup, nets, intacts, depuis ce premier jour jusqu’à ton embarquement pour Saint-Nazaire. Ce dernier souvenir n’en est pas un, tu ne m’as pas laissé t’accompagner à Vera- cruz par souci d’économie, et pourtant il m’accompagne partout, je l’ai encadré parmi mes plus belles images de toi : tes cheveux blonds, ta drôle de veste tyrolienne et ta valise, saluant depuis le pont ce pays que tu quittais pour t’occu- per de… cette tante… ce parrain… ce fi ls… cet amant… qui réclamait ton aide à Paris, à t’en croire, et que tu ne pouvais abandonner dans le besoin. Depuis lors, je n’ai que cette adresse à laquelle j’expédie religieusement des lettres qui ne te reprochent même pas d’être partie, l’amour est ainsi, l’amour est volage, il doit être libre pour être l’amour, et je ne cherche rien d’autre à travers ces mots que savoir si tu te portes bien. Dans la presse, j’ai appris que les choses vont mal en Europe. L’Allemagne réarme depuis quelques mois. Je sais ce que tu penses du diktat de Versailles, tu m’as parlé de l’humiliation de ton peuple, de son orgueil et de sa grandeur. Moi, je crois à la grandeur des peuples mais pas à l’honneur des nations. Les violations du traité de paix m’inquiètent, je ne sais comment réagiront la France et la Grande-Bretagne. Au fond, peu m’importe : je donnerais ma vie pour que rien de mal ne t’arrive, pour que tu sois à mes côtés et que ma poitrine te serve de bouclier. mep_monarques.indd 15 mep_monarques.indd 15 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 MONARQUES 16 Quoi de neuf ? Beaucoup et peu à la fois. Un nouveau divertissement fait concurrence au théâtre ambulant et à ce cinéma devenu sonore à la surprise géné- rale : on l’appelle la lucha libre. Tu ne vas pas y croire. Sur un ring, des boxeurs inventent des pirouettes plutôt que de se battre avec les poings ! Encouragé par des amis, je suis allé assister à une repré- sentation du côté de Peralvillo. Je joins une affi che à cette lettre, pour que tu te fasses une idée du spectacle. Si le public y prend goût, peut-être sera-t-il bientôt plus rentable pour moi de dessiner des lutteurs en culotte de boxe que des acteurs. J’y gagnerais au change, tant mon métier m’oblige à côtoyer chaque jour de m’as-tu-vu et de divas. Que de vanité ! Pourtant, c’est à ces cabotins que je dois de survivre et, ces derniers temps, après que j’ai réalisé l’affi che de La Bête d’or, les commandes ont affl ué au point d’en délé- guer une partie à des dessinateurs qui travaillent pour moi. Ce n’est pas encore la gloire mais je me suis fait un nom. On dit de mes illustrations qu’elles sont concises et expressives, que ma palette chromatique est novatrice et mon style révo- lutionnaire, un mot passe-partout qui ouvre toutes les portes dans ce pays. On dit aussi, c’est le seul reproche qui m’est fait, que tous mes personnages féminins se ressemblent. Comment pourrait-il en être autrement ? Je t’ai tant dessinée… Un jour impossible à oublier, tu m’as reproché mon niveau de vie, que tu as eu l’obligeance de ne pas appeler « pauvreté ». Je profi te de cette lettre pour te dire que la situation a changé. Je ne vis pas dans l’opulence mais suis propriétaire d’un petit immeuble à Santa María la Ribera. mep_monarques.indd 16 mep_monarques.indd 16 21/05/15 14:10 21/05/15 14:10 MONARQUES C’est mon ami Manuel Álvarez Bravo qui m’a parlé de l’immeuble en vente. Te souviens-tu de lui, le photographe de plateau ? Ce quartier le fascine, à tel point qu’il a aban- donné l’abstraction de ses débuts pour en photographier les vitrines, les façades et les toits. Certains de ses clichés ont été exposés l’année dernière à New York, à côté des œuvres de Cartier-Bresson. Nous nous croisons souvent au détour des rues, le jeune homme est charmant et cultivé, quoiqu’un peu pénible parfois. Tout est pour lui prétexte à photographie, il peut passer des heures debout sous le soleil, l’appareil prêt, à attendre que quelque chose se uploads/Litterature/ monarques.pdf

  • 23
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager