1 1.3 LE LIVRE DE JÉRÉMIE Le contexte historique dans lequel se déroulera l’act
1 1.3 LE LIVRE DE JÉRÉMIE Le contexte historique dans lequel se déroulera l’action prophétique de Jérémie — son nom en hébreu, Yirmiyahou, signifierait YaHWeH élève — offrira l’image d’un monde en proie à de violents bouleversements géopolitiques. De ~650 à ~580 — période qui, grosso modo, encadre le cours de sa vie —, le petit royaume de Juda sera entouré de puissances : l’Assyrie, l’Égypte et la Babylonie, qui domineront tour à tour le Proche-Orient et s’affronteront dans le corridor situé le long de la Méditerranée à proximité duquel se situe le royaume juif. Né vers ~650 à quelques kilomètres au nord de Jérusalem, Jérémie était le fils d’un prêtre. On pense qu’il fut dès son enfance mis en contact avec l’enseignement des prophètes qui l’avait précédé, en particulier Osée dont on retrace l’influence dans ses premiers oracles. L’appel du Seigneur à la mission prophétique se serait fait entendre vers ~626 et se serait étendue sur près d’une quarantaine d’années. Au moment où aurait débuté son action prophétique, le roi Josias régnait sur Juda depuis ~639. Voulant effacer les fautes qu’avaient commises en révérant des dieux étrangers son père Amon et son aïeul Manassé, il avait entrepris une importante réforme, en rétablissant le 2 culte exclusif de YaHWeH, en réparant les dégradations qu’avait subies le Temple de Salomon et en promulguant les préceptes du livre de la Loi qui venait d’être retrouvé dans les archives du Temple. Les commentateurs diffèrent d’avis quant à la teneur de ce livre de la Loi. Était-ce la Torah tout entière avec ses cinq livres ? Était-ce le dernier de ces livres, le Deutéronome ? Ou n’était-ce qu’une version préliminaire et partielle du Deutéronome tel que nous le connaissons ? La dernière de ces trois hypothèses est favorisée par la majorité des spécialistes actuels. La croyance traditionnelle selon laquelle le Deutéronome aurait été rédigé par Moïse en personne n’est plus soutenue de nos jours que par les exégètes les plus attardés. Venu de Samarie, ce livre de la Loi aurait été apporté au temple de Jérusalem au moment où, vers ~720, le royaume du Nord s’effondrait sous les coups des Assyriens. On pense à ce propos que ce fut sous le règne de Josias que fut confié aux scribes judéens la tâche de rassembler les documents qu’hébergeait le Temple afin de rédiger une première version de ce qui deviendrait ultérieurement la Torah et les livres de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois, tels qu’ils nous sont parvenus. On a donné le nom de Tradition (ou Histoire ou École) deutéronomiste aux auteurs des versions successives qui conduisirent à la rédaction 3 finale de ces livres. S’appuyant sur les annales des deux royaumes disparus, ainsi que sur d’autres sources écrites et orales, durant l’Exil et durant la période qui suivit le retour à Jérusalem, un intense effort de réflexion et de rédaction fut entrepris par les scribes juifs afin de donner un sens — autrement dit, une direction et une signification — à l’histoire du peuple hébreu depuis la révélation reçue par Moïse. Pour faire bref, toute cette histoire, avec ses triomphes, ses grandeurs et ses épreuves, s’expliquerait, selon ces rédacteurs, par l’alternance des fidélités et des trahisons successives des dirigeants juifs et de leurs sujets envers YaHWeH. La Bible porte sur Josias un jugement très favorable, mais il faut constater — c’est le texte même du IIe livre des Rois qui le dit — que son action réformatrice s’exercera dans un climat d’intolérance sans pitié. Dans Jérusalem : Biographie, l’historien juif Simon Sebag Montefiore dira de lui qu’il était un révolutionnaire violent, hystérique, fanatique et puritain. Il trouva la mort à Mégiddo en ~609 lors d’une bataille imprudemment engagée contre le pharaon Néchao II. On connaît la suite : il laissait quelques descendants qui n’occuperont le trône de Juda — certains fort brièvement — que sous les tutelles successives de l’Égypte et de la Babylonie. Car, quelques années plus tard, entre Néchao et Nabuchodonosor, prince héritier 4 de Babylone, avait lieu une bataille décisive à Karkémish, ville située au sud de la Turquie actuelle non loin du cours de l’Euphrate. Les Babyloniens furent vainqueurs et la Judée tomba sous l’autorité de Nabuchodonosor. Si, comme nous l’avons précédemment indiqué, la carrière prophétique de Jérémie avait à peu près coïncidé avec le règne de Josias, on devrait trouver parmi ses oracles une approbation explicite de l’action réformatrice du roi. Or, il n’en est rien. Certes, le chapitre 11 du livre de Jérémie fait allusion à l’alliance jadis conclue avec le peuple qui venait en ce temps d’être libéré du joug égyptien : Parole qui fut adressée à Jérémie de la part de YaHWeH : Écoutez les termes de cette alliance ; vous les direz aux hommes de Juda et aux habitants de Jérusalem. Tu leur diras : Ainsi parle YaHWeH, le Dieu d’Israël. Maudit soit l’homme qui n’écoute pas les paroles de cette alliance que j’ai prescrite à vos pères le jour où je les tirai de ce fourneau du pays d’Égypte. Je leur dis : Écoutez ma voix et conformez-vous à tout ce que je vous ordonne ; alors vous serez mon peuple et moi je serai votre Dieu, pour accomplir le serment que j’ai fait à vos pères, pour leur donner une terre qui ruisselle de lait et de miel, comme c’est le cas aujourd’hui même. (Jr, 11, 1 – 5) Mais si ces mots peuvent être rapprochés du « livre de la Loi » découvert dans le Temple de Jérusalem, ainsi que des travaux des scribes de l’École deutéronomiste, on ne saurait les rattacher avec une 5 quelconque certitude à la réforme de Josias, dont le nom n’est même pas mentionné dans ce contexte. Certains exégètes doutent que la carrière de Jérémie ait commencé dès l’année ~626. Ils pensent que cette carrière aurait plutôt débuté à la fin du règne de Josias, ou même au début du règne de son fils Joiaquim qui se déroula de ~609 à ~598. Ils pensent aussi que ce silence à propos des réformes de Josias pourrait s’expliquer par le désenchantement qu’aurait provoqué chez lui une réforme exclusivement tournée vers l’observance de formalismes superficiels au détriment d’une conversion du cœur orientée vers l’amour de Dieu et du prochain, le respect de la justice et les prescriptions fondamentales du Décalogue. Après la mort de Josias, quatre souverains se succédèrent sur le trône de la Judée en à peine plus de vingt ans. Joaquim, fils de Josias et son deuxième successeur, occupa le trône, comme nous l’avons dit, de ~608 à ~597. Dédaignant les admonestations de Jérémie (Jr, 36, 27 – 32), il tente de se libérer de la tutelle de Babylone. Après avoir dépêché vers la Judée des mercenaires étrangers, Nabuchodonosor se porte en personne vers Jérusalem qui est facilement conquise. Nombre de Judéens, dont le roi, sont déportés vers Babylone et le trône est confié à un autre fils de Josias, qui prend le nom de Sédécias. Ce sera la première déportation du peuple de Juda. Les déportés 6 provenaient principalement des classes dirigeantes ; c’est ainsi que les prophètes Ézéchiel et Daniel, dont nous parlerons tout à l’heure, furent exilés. Au début du règne de Sédécias, Jérémie écrivit aux exilés une lettre dans laquelle, avec un sage réalisme, il les exhortait à se résigner à leur condition et à tenter d’en tirer le meilleur profit possible. Ainsi parle YaHWeH, le Dieu des armées, à tous les exilés déportés de Jérusalem à Babylone : « Bâtissez des maisons et installez-vous ; plantez des jardins et mangez leurs fruits ; prenez femme et engendrez des fils et des filles ; choisissez des femmes pour vos fils ; donnez vos filles en mariage et qu’elles enfantent des fils et des filles ; multipliez-vous là-bas, ne diminuez pas ! Recherchez la paix pour la ville où je vous ai déportés ; priez YaHWeH en sa faveur, car de sa paix dépend la vôtre. (Jr, 28, 4 – 7) Mais la situation politique demeurait instable. L’approche de troupes égyptiennes desserra pour un temps l’emprise que l’armée chaldéenne, alliée de Babylone, exerçait sur la Judée. Jérémie en profita pour se rendre au pays de Benjamin afin d’y toucher une part d’héritage qui lui était échue. Il fut faussement accusé de déserter son pays afin de se livrer à l’ennemi ; il fut fait prisonnier, puis jeté dans une citerne, où il aurait péri, si un eunuque éthiopien, nommé Ébed-Mélek, n’était intervenu auprès de Sédécias pour lui porter un prompt secours. Libéré de 7 la citerne où il était plongé, mais retenu en garde à vue, Jérémie fut à deux reprises consulté par le roi. Le prophète lui conseilla de se tourner résolument vers Babylone, lui prédisant de terribles malheurs pour lui, sa famille et sa patrie, s’il ne donnait pas suite à ces objurgations. Hélas ! mal conseillé par son entourage, croyant, à tort, pouvoir compter sur l’aide égyptienne, au bout de dix ans Sédécias se révoltait contre les occupants babyloniens. Nabuchodonosor uploads/Litterature/ 1-3-le-livre-de-jeremie.pdf
Documents similaires










-
28
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jul 11, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3583MB