103 No 6 1981 De Judée en Galilée. Étude de Jean 4,1-45 Charles HUDRY-CLERGEON

103 No 6 1981 De Judée en Galilée. Étude de Jean 4,1-45 Charles HUDRY-CLERGEON p. 818 - 830 https://www.nrt.be/fr/articles/de-judee-en-galilee-etude-de-jean-4-1-45-990 Tous droits réservés. © Nouvelle revue théologique 2021 De Judée en Galilée ÉTUDE DE Jean 4.1-45 Un travail de ce genre est fondé sur l'acceptation du texte, dont on ne discute pas l'authenticité. Il importe d'autre part que les tra- ductions soient aussi proches que possible du texte grec, dût-on y sacrifier un peu ou beaucoup de la valeur littéraire. A qui accepte la méthode, il apparaît vite que le texte, soigneusement traduit sui- vant ces normes, y gagne même du point de vue de l'expressivité. Ces remarques faites, on peut entrer dans le sujet. Les diverses parties de notre texte se distinguent clairement, com- me il est habituel à Jean : 1. Introduction, 4,l-6a 2. Avec la femme de Samarie : le thème de I'BAU, 4,6b-15 3. Changement brusque : la question de Jésus à la Samaritaine, 4,16-19 4. Changement brusque encore : l'Adoration, 4,20-26 5. Les disciples reviennent : la femme part et livre son message, 4,27-30 6. Avec les disciples : le thème de la nourriture, 4,31-38 7. Conclusion, 4,39-45 En adoptant ces subdivisions, il s'agit de leur demander ce qu'elles disent de la structure générale du passage et des limites choisies. Le cadre actuel est donc un guide provisoire, chargé de manifester le message. 1. — ÉTUDE DE L'INTRODUCTION : 4, l-6a Ce qui paraît d'abord, c'est la valeur exceptionnelle que prend 4. 1 : «... Lorsque Jésus sut que les Pharisiens ont appris qu'il faisait plus de disciples et qu'il baptisait (plus) que Jean ...» Ce verset renvoie en effet, comme sommet de gradation, à 3, 22 et à 3.26: 3, 22, où il est mentionné pour la première fois que Jésus, en terre de Judée, baptisait ; 3, 26. où l'on voit les disciples de Jean manifester au Maître leur déplaisir et plus encore, à la constatation que Jésus baptise et rwiiA T^rMi». fa\îï M tmie ïr/Mtt ^rot*o T ni ^ DE JUDÉE EN GALILÉE 819 4. 1 est bien dans la ligne de ces textes, sommet de gradation puisqu'il suppose que Jésus baptise et que beaucoup de gens vont à Lui, mais en ajoutant un complément d'information sur trois points : a. en ce qui concerne les Pharisiens, pour faire remarquer qu'ils constatent b. que Jésus fait plus de disciples que Jean ; c. que Jésus baptise (plus) que Jean. Par son contenu, par le rang que ce verset prend dans la grada- tion, il n'est pas douteux que l'importance de 4. 1 soit considérable. Or ce verset, s'il apparaît vite « surdéterminé », livre son jeu par la simple constatation qu'il s'exprime en subordonnée. Surdétermi- né, il a le droit de l'être, mais pour un autre texte, celui dont précisément il dépend. La chose dont il dépend ne peut qu'attirer sur elle l'attention momentanément concentrée par le début. Alors 4. 1 ne garde plus pour soi qu'un rôle de « considérant » en vue d'une décision à imposer : désormais Jésus, en des conditions sem- blables, ne doit plus rester en Judée. Dès lors on entrevoit la valeur que commence à prendre le titre de notre étude. Jésus abandonne avec raison la Judée pour la Galilée, où II sait qu'il sera accueilli. Ce n'est pas la première fois qu'il s'y rend. Dans ces conditions donc. Jésus « laissa la Judée et partit de nouveau vers la Galilée» (4,3). Une fois constatée la portée exceptionnelle que prend 4, 3, il n'y a plus lieu de s'étonner que l'évangéliste ait voulu marquer à ce point un texte, parce que celui-ci doit avoir, par rapport à la scène, la fonction de délimiter l'espace qui fait unité. « De Judée en Galilée » comprend nécessairement '4, 1-45 ' (et non pas seulement 4, 1-42, comme un premier regard invite à le penser), parce qu'il forme avec les trois versets 43-45 une inclusion dont la finale n'est pas moins mise en valeur que le début que nous avons considéré jusqu'ici. Avec la même insistance qu'en 4, 1 et 3, le « partir vers la Galilée » de 4, 3 a comme répondant d'abord : «II sortit de là vers la Galilée-» (4,43). et puis : « Lors donc qu'il vint vers la Galilée, les Galiléens le reçu- rent » (4,45). Il est même remarquable que ces notations continuent, au-delà des limites du texte, de manifester leur influence, instituant pour la fin du chapitre une nouvelle inclusion peut-être, le chapitre s'ache- vant par ces mots : « Cela, de nouveau, fut le second signe que fit Jésus allant de la Judée VERS LA GALILÉE» (4. 54). 820 CH. HUDRY-CLERGEON Ainsi ce n'est que maintenant que se trouve justifié — mais à quel point ! — le titre choisi en toutes ses précisions ; mais en même temps la scène actuelle ainsi encadrée prend la valeur d'un passage. Un bref passage en Samarie suffit pour porter la Grâce à la ville où Jésus s'arrête et qui prend nom Sychar {4, 5b). Passage et donc valeur PASCALE, qui est au moins à retenir pour l'interprétation générale. Pour se rendre ainsi de Judée en Galilée, «il fallait qu'il (Jésus) passât à travers la Samarie» (4,4). Il importe d'examiner le sens précis de ce verset, à cause des résonances qu'une expression de ce genre trouve dans l'ensemble du récit. « II Lui fallait...» Jésus rencontrait donc la nécessité maté- rielle de prendre ce chemin. Cette signification est la première qui vienne à l'esprit. Mais à connaître tant soit peu l'évangéliste, on est contraint de ne pas se contenter de cette seule vision superfi- cielle. Si l'on insiste sur la ville de Sychar et les souvenirs, voire les curiosités du lieu, c'est qu'à la nécessité de l'itinéraire — à sup- poser qu'elle existe — s'ajoute une autre nécessité d'une tout autre valeur : Jésus avait à Sychar — toute son attitude le montre, ainsi que les traits accumulés en 4, 5 et 4. 6 — un rendez-vous à ne pas manquer, précisément celui qui retardera de deux jours son retour en Galilée (cf. 4,40e). Comme il sera loisible de l'expliquer à propos de circonstances analogues, nous entrons ici dans un cas d'ambiguïté johannique, à base d'une symbolique profonde, et de plus qu'une symbolique. Nous avons ici à adopter un double « fal- loir » ; celui du trajet à suivre — si cette exigence est réelle, répé- tons-le —, mais surtout celui qui permet d'entrer dans le dessein de Dieu. L'amphibologie est constante chez Jean, et de grande profondeur. Sychar devient alors non seulement une ville « proche de la contrée que Jacob avait donnée à son fils Joseph » (4,5) ; la ville où «était la source-puits de Jacob» (4,6a), mais surtout, et tellement plus, la ville où Jésus, « fatigué du voyage, s'assied sur la source-puits » (4, 6b). Or « c'était la sixième heure » (4, 6c) et « une femme de Samarie » devait venir « puiser de l'eau » (4,7). Cette rencontre et ce qui suivra justifient le « falloir » et le double sens qu'il prend. 2. —— 4,6b-15. AVEC LA FEMME DE SAMARIE. LE THÈME DE L'EAU L'existence d'une inclusion particulière détermine et encadre cet intervalle qui va de la demande de Jésus à la demande de la Samari- DE JUDÉE EN GALILÉE 821 taine. Jésus donc, dans les circonstances précisées par l'introduction, est assis au puits de Jacob. Les disciples sont absents {4.6). Une Samaritaine vient puiser de l'eau. C'est le milieu du jour. Ce milieu du jour est indiqué sous la forme «C'était environ la sixième Heure» {4,6d), expression-notation qui revient, identique, en 19, 14. En ce dernier endroit c'est l'Heure de la condamnation de Jésus, et de la prépa- ration de la Pâque — coïncidence avec l'heure d'un salut particu- lier à la femme, et par elle offert aux Samaritains. Le sens pascal du texte s'accentue par référence à l'Exaltation-élévation, mort et Résurrection du Christ. Donc, en cette sixième Heure, et sans autre introduction, Jésus demande : «Donne-Moi à boire» {4,7e.). A ce texte répond, pour former l'inclusion : «Seigneur, donne-moi de cette eau» (5, 15b). Demande réciproque d'un « DONNER » apparemment le même. Entre ces deux extrêmes, comme partie centrale où se passe l'en- jeu de la scène, Jésus dit : « Si tu savais le DON de Dieu et qui est celui qui t'a dit : donne-Moi à boire, toi, tu Lui aurais demandé et II t'aurait donné une eau vivante» (4,10). Ainsi le « donne-Moi » revient en extrêmes et en partie cen- trale, où il entraîne révélation. Ce n'est pas rien de s'entendre demander à boire par Jésus. D'autre part, comme ce passage le laisse entendre, Jésus vient de créer une ambiguïté, une « énigme ». Il oblige le partenaire à demander ou à attendre la solution ; deux « EAU » sont en présence : quand Jésus demande à boire, il est question d'un désir, d'un besoin de uploads/Litterature/ 1-jn-4-c-hudry-clergeon-nrt-103-6-1981.pdf

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