1 AHMED BERROUHO TENTATIVE D’INTERPRETATION D’EXIL DE SAINT - JOHN PERSE Create
1 AHMED BERROUHO TENTATIVE D’INTERPRETATION D’EXIL DE SAINT - JOHN PERSE Created with novaPDF Printer (www.novaPDF.com) 2 INTRODUCTION Saint –John Perse est un poète français contemporain qui est né en Guadeloupe en 1887 et qui est mort en France en 1975.Il a exercé le métier de diplomate Jusqu’en 1939 et, quand la seconde guerre mondiale éclate, il part aux Etats – Unis où il réside pendant dix-huit ans ; il ne revient en France qu’en 1957. Durant la guerre, tout en travaillant comme conseiller à la Bibliothèque du Congrès, Il compose un petit recueil qu’il intitule Exil et qui se compose de sept poèmes numérotés en chiffres romains de I à VII. Le premier comporte sept versets, le second, vingt-et-un versets, le troisième, vingt-trois versets, le quatrième, vingt-et-un versets, le cinquième, seize versets, le sixième, sept laisses qui sont de véritables paragraphes et cinq versets ; le dernier poème compte deux séries de sept versets et un monostiche final. Le recueil de poèmes, Exil a été écrit en 1941 à Long Beach Island, au New Jersey. La guerre qui fait rage en Europe constitue alors une sombre catastrophe qui met la civilisation occidentale en danger. Le recueil porte les traces sombres de ce péril. Nous verrons combien cette œuvre est radicale et quelle table rase le poète y fait quant aux valeurs qui lui paraissent arbitraires et suspectes. Nulle part ailleurs dans ses livres ultérieurs, si l’on excepte cependant Vents, il ne sera aussi sombre et sévère. C’est d’ailleurs dans Vents, que l’expression sera claire et efficace. Saint – John Perse se plaint souvent dans son œuvre de ce qu’il appelle la sécheresse du siècle qui se manifeste dans la mort de la culture, de son ossification qui la transforme en fardeau mort qui encombre les bibliothèques et les musées. Tout un poème de Vents est consacré à ce problème. Pour lui, le siècle inculte et exsangue ressemble à un arbre mort qui n’a pas reverdi au printemps et qui garde sa robe morte et désuète de l’année dernière. « Car tout un siècle s’ébruitait dans la sécheresse de sa paille, parmi d’étranges désinences : à bout de cosses, de siliques, à bout de choses frémissantes, Comme un grand arbre sous ses hardes et ses haillons de l’autre hiver, portant livrée de l’année morte ; Comme un grand arbre tressaillant dans ses crécelles de bois mort et ses corolles de terre cuite – Très grand arbre mendiant qui a fripé son patrimoine… » 1 la même expression est déjà présente dans Exil : « Plus d’un siècle se voile aux défaillances de l’histoire. » 2 Dans La gloire des rois, ce reproche apparaît Created with novaPDF Printer (www.novaPDF.com) 3 comme un refrain, aux chants I et III : » Aux soirs de grande sécheresse sur la terre. »2 bis Dans le poème 4 de la partie I de Vents, Saint – John Perse tourne en ridicule tout cet appareil onéreux qui a pour objectif l’établissement d’un culte à une culture morte. « Un homme s’en vint rire aux galeries de pierre des Bibliothèques (…) où sont les livres dans leurs niches, comme jadis, sous bandelettes, les bêtes de paille dans leurs jarres, aux chambres closes des grands Temples – les livres tristes, innombrables, par hautes couches crétacées portant créance et sédiment dans la montée du temps… » Le poète dénonce ce nouveau « Serapeum », « cette pruine de vieillesse », ce » leurre », « cette sécheresse et cette supercherie d’autels » où il n’ y a que « cendres et squames de l’esprit ».3 Nous verrons comment le poète s’efforce de résoudre ces questions dans Exil, comment il essaie d’éviter l’immobilité et la sclérose qu’elle provoque, quelle forme l’œuvre créée doit avoir pour ne pas devenir à son tour un cadavre supplémentaire d’un patrimoine culturel qui ne cesse de s’élargir aux dépens du jeune créateur intimidé qui doit apprendre à coltiner de lourds et inutiles fardeaux avant de décider de les jeter bas pour se lancer dans la recherche de sa propre œuvre. La poésie de Saint – John Perse est d’un abord difficile, mais cette difficulté n’est ni gratuite ni insurmontable ; Saint – John Perse conçoit la poésie comme une tâche noble qui exige un effort d’exploration d’une réalité lointaine qu’il faut aller trouver aux confins du senti et du connu. Cette rencontre et l’investigation qui en résulte, se font dans des conditions particulières de péril, de souffrance et d’obscurité. Il s’ensuit que l’expression est obscure sinon inintelligible. Dans le discours de Suède qu’il prononce quand il reçoit le Prix Nobel, il déclare : « L’obscurité qu’on lui (à la poésie) reproche ne tient pas à sa nature propre, qui est d’éclairer, mais à la nuit même qu’elle explore, et qu’elle se doit d’explorer ; celle de l’âme elle-même et du mystère où baigne l’être humain. »4 Cette poésie comporte un réel dépassement de soi, elle nous incite à repousser les limites de cette réalité intérieure et de ce monde qui nous est extérieur ; ces derniers se ferment vite sur nous et nous acculent à la sclérose ; pour esquiver cette mort prématurée, il est indispensable d’être rapide, clairvoyant et d’éviter le repli et le refroidissement de cet Created with novaPDF Printer (www.novaPDF.com) 4 avènement incessant et inconnu qui nous échappe toujours et avec lequel il faut se colleter sans arrêt. Dans cette étude, nous allons essayer de montrer de façon humble combien cet effort poursuivi par le poète pour traverser le désert et explorer cette réalité innommable qui se retire, doit être vigoureuse et rigoureuse afin que soit saisi cela qui fait rage et le mettre en phrases écrites qui seront forcément incomplètes, n’évoquant qu’une partie de ce que le poète parvient à saisir ; à une écriture âpre et ardue devrait correspondre sans aucun doute l’exercice courageux d’une lecture ambitieuse et opiniâtre. Saint –John Perse à l’instar de Mallarmé considère la lecture comme une pratique désespérée. Nous allons user pour tenter d’appréhender le sens de ce recueil, d’une méthode d’analyse sémantique et rhétorique qui se trouve exposée dans Rhétorique de la poésie, du Groupe de Liège. Sur le plan syntagmatique, des sèmes peuvent être regroupés et lorsque les impertinences sémantiques auront été reconverties et traduites grâce aux procédures rhétoriques qui sous-tendent des tropes tel que les synecdoques, les métaphores et les métonymies, une partie importante de l’œuvre sera éclaircie, une véritable cohérence en résultera, nous aimerions ainsi démontrer que l’esprit du poète n’a jamais été obnubilé par aucune ivresse, surtout celle de l’euphuisme et de la loquacité ; la lucidité est un véritable impératif catégorique pour Saint – John Perse. « Ivre, plus ivre, disais-tu, de renier l’ivresse… »5 LE CHOIX DE LA MOBILITE Dans Exil, Saint – John Perse pense que toute existence installée et ancrée dans un espace et une culture, finit par se trouver à l’étroit ; ce milieu restreint devient un piège pour cette existence qui s’appauvrit et dégénère. Saint John Perse pose à nouveau à l’instar d’autres poètes le problème du rapport à la terre ; comme Hölderlin et comme René Char, il opte pour une occupation poétique de la terre où l’homme est obligé de préserver la grandeur et la beauté de la terre. Pour donner à la vie richesse, variété et capacité créative, il se doit d’adopter un mode de vie poétique caractérisé par l’ouverture d’esprit, par l’éveil de la conscience et des sens à toutes les dimensions de la vie sur terre. « Mais plus encore que mode de Created with novaPDF Printer (www.novaPDF.com) 5 connaissance, la poésie est d’abord mode de vie – et de vie intégrale . »6 affirme Saint – John Perse dans le discours de Suède. Dès le premier poème, Le thème de l’habitation est présent. Une isotopie du logement apparaît à plusieurs reprises ; il est question de « portes » puis de « clés », de « maison de verre » et de « seuil » ; d’ailleurs, même la couche que le divin déserte, en fait partie. A travers la métaphore filée de l’habitat, Saint – John Perse oppose ici deux attitudes antithétiques dans la façon de se loger sur la terre : il dénonce celle qui est négative et qui consiste à construire une demeure fermée pour s’y abriter contre le monde et ses dangers ; cela se traduit par le rétrécissement des ressources vitales, par l’appauvrissement de la vie. Il s’agit d’une situation de clôture perverse où l’individu ne peut que végéter en sorte que l’existence devient une mort lente. Saint – John perse semble condamner par là toute volonté de sédentarité qui porterait les germes d’une dégénérescence due sans doute à l’isolement où se trouve cette vie à jamais établie et qui cesse d’entrer en communication avec le reste du monde. « Portes ouvertes sur les sables, portes ouvertes sur l’exil »6 bis Le premier verset du poème d’Exil, qui sur le plan syntaxique se caractérise par son inachèvement, constitue en quelque sorte un slogan, uploads/Litterature/ etude-d-x27-exil.pdf
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- Publié le Dec 18, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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