TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER PAR LE BÉNÉDICTIN FRAY DIEGO DE HAËDO

TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER PAR LE BÉNÉDICTIN FRAY DIEGO DE HAËDO ABBÉ DE FROMENTA DÉDIÉE AU TRÈS ILLUSTRE SEIGNEUR DON DIEGO DE HAËDO ARCHEVÊQUE DE PALERME, PRÉSIDENT ET CAPITAINE-GÉNÉRAL DU ROYAUME DE SICILE IMPRIMÉ À VALLADOLID EN 1612 Traduit de l’espagnol par : MM. le Dr. MONNEREAU et A. BERBRUGGER EN 1870 Livre numérisé en mode texte par : Alain Spenatto. 1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC. alainspenatto@orange.fr ou spenatto@algerie-ancienne.com D’autres livres peuvent être consultés ou téléchargés sur le site : http://www.algerie-ancienne.com Ce site est consacré à l’histoire de l’Algérie. Il propose des livres anciens, (du 14e au 20e siècle), à télécharger gratuitement ou à lire sur place. Avant-propos Le savant et regretté fondateur de la Société historique algérienne qui pendant plus de trente ans consacra sa vaste et patiente érudition à recueillir tous les documents propres à jeter quelque lumière sur cette histoire si peu connue de la Régence d’Alger, avait traduit une partie du premier livre de l’ouvrage d’Haëdo, intitulé Topographie et Histoire générale d’Alger. Outre une description topographique fort exacte de l’ancien Al- ger et de curieux détails sur les mœurs de ses habitants, l’ouvra- ge du Bénédictin Haëdo renferme l’histoire des trente premiers pachas, plus trois dialogues, l’un sur la captivité, l’autre sur les Martyrs et le dernier sur les Marabouts ; composé vers la fi n du XVIe siècle et imprimé à Valladolid en 1612, ce livre est de- venu extrêmement rare aujourd’hui, et la Bibliothèque d’Alger en possède seulement un exemplaire qu’elle se procurait il y a vingt ans avec beaucoup de peine. « Depuis la conquête de l’Algérie, dit M. Berbrugger(1), Haëdo, a été de plus en plus consulté par les hommes qui font des études sérieuses sur ce pays. Il fut même devenu promp- tement populaire si la rareté de son ouvrage, l’idiome étranger dans lequel il est écrit avec une orthographe surannée et une très incommode disposition typographique n’avaient été des obstacles insurmontables pour la plupart des lecteurs. « Un ouvrage offi ciel, le Tableau de la situation des établis- sements français en Algérie, dit en parlant de l’œuvre d’Haëdo : Ce livre se recommande par la scrupuleuse exactitude de l’his- torien espagnol (voir La situation de 1841, page 415). Cette ____________________ 1. Géronimo, pp. 54 et 55, Bastide éditeur, 1860. 4 TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER appréciation due à M. le capitaine de frégate Rang qui a prou- vé par d’utiles publications sa compétence en fait d’histoire de l’Algérie est un témoignage d’un grand poids en faveur d’Haëdo. » En présence d’un hommage si complet rendu au mérite de cet ouvrage, j’ai cru faire une œuvre utile en continuant le travail interrompu trop tôt par la mort de M. Berbrugger. Ce vénéré Président de notre Société, avait particulièrement tra- duit d’Haëdo, des chapitres relatifs aux mœurs et coutumes des habitants d’Alger, et se proposait sans doute de réfuter à l’oc- casion certaines allégations du bénédictin espagnol. J’entreprends aujourd’hui cette double tâche : et si mes an- notations critiques surtout, n’atteignent pas toujours la hauteur de vues qui distinguait les écrits de ce maître regretté, qu’on veuille bien excuser mon insuffi sance, car en apportant mon humble concours à ce travail j’ai voulu aussi payer en tribut de reconnaissance à la mémoire du savant aussi éminent que mo- deste qui m’honora toujours d’une bienveillance particulière. Alger, avril 1870. Dr Monnereau TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER 6 TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER 7 CHAPITRE 1er De la fondation d’Alger et de sa noble et antique origine La ville généralement connue sous le nom d’Alger, si tris- tement renommée de nos jours par les nombreux et incessants dommages que ses habitants causent à tous les États de la chré- tienté, est située en Afrique dans la province appelée autrefois Mauritanie Césarienne, sur les bords de la mer Méditerranée, à une élévation du pôle d’environ 37 degrés(1). On ignore l’époque de sa fondation, ainsi que le nom de son fondateur, cependant l’historien maure Jean Léon, dit dans sa description de l’Afrique(2) qu’Alger ayant été anciennement construite par une peuplade de l’Afrique appelée Mesgrana (Beni Mesr’anna) avait dans le principe porté ce dernier nom ; toutefois il n’indique aucune date, et ne cite, comme cela est in- dispensable, aucun autre auteur pour confi rmer ses allégations. Cependant ce nom de Mesgrana se rapportant à une nation, à une peuplade ou à une cité, ne se trouve ni dans Strabon, ni dans Pline, ni dans Polybe, ni dans l’Itinéraire d’Antonin, et pourtant, ces ouvrages contiennent une description minutieuse de toutes les provinces de l’Afrique et qui plus est des peuples et des villes du monde entier. L’opinion la plus certaine et la plus ancienne à ce sujet est celle émise par Strabon, historien d’une autorité incontestable qui, en traitant des villes et popu- lations de la Mauritanie Césarienne, dit en parlant d’Alger bien qu’il ne lui donne pas son vrai nom(3) : « Sur cette côte il y avait une ville appelée Iol, Juba, père de Ptolémée, l’ayant construite, changea son nom en celui de ____________________ 1. Élévation du pôle est ce que nous appelons aujourd’hui latitude du lieu. Celle d’Alger est de 36° 47’ N. 2. Léon l’Africain. 3. Strabon, liv. 17. 8 TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER Cesarea(1). Cette ville possède un port en avant duquel on voit une petite île. » L’opinion de Strabon confi rmée par un grand nombre d’auteurs démontre que la latitude d’Alger que nous avons in- diquée comme étant de 37° 3/4 est à peu de chose près la même que celle que Ptolémée assigne à Iol Cesarea. Il est facile de re- connaître que la situation actuelle d’Alger, sa distance des autres localités environnantes se rapporte parfaitement à tout ce qui est dit sur Iol Cesarea dans les Tables de Ptolémée, la Géographie de Strabon et l’Itinéraire d’Antonin. Si tous ces témoignages étaient insuffi sants, nous trouverions la preuve la plus évidente dans le texte de Strabon plus haut cité, quand il dit : Iol Cesarea était une ville maritime sise dans la Mauritanie Césarienne qui possédait un port au-devant duquel se trouve un îlot(2). Nous voyons donc qu’Alger se trouve exactement dans ces condi- tions particulières que ne remplit aucune autre ville maritime de la Mauritanie Césarienne(3). On doit également conclure de ce fait qu’Alger est une ville très ancienne, que construite bien avant le temps d’Auguste César elle devait se trouver déjà en ruines à cette époque, puisque Strabon dit que le roi Juba en- treprit de la reconstruire. Afi n de faire comprendre le motif qui poussa ce roi à lui donner le nom de Cesarea, il est bon de savoir que Strabon n’entend pas parler ici du roi Juba, premier de ce ____________________ 1. En invoquant le témoignage de Strabon pour établir qu’Alger est située sur l’emplacement d’Iol Cesarea, Haëdo commet une erreur partagée par quelques écrivains anciens et modernes. L’identité d’Alger avec Icosium et celle de Cher- chell avec Iol Cesarea est un fait acquis aujourd’hui à la science archéologique d’une manière irréfutable. (Voir Icosium par A. Berbrugger, édit. de 1845, p.19). 2. Il y avait au contraire plusieurs îlots au-devant du port d’Alger, le princi- pal sur lequel s’élevait le fort appelé (Pénon) Pegnon, construit par les Espagnols qui l’occupèrent jusqu’en 1529, puis quatre ou cinq îlots ou récifs moins impor- tants situés à petite distance de la terre ferme. 3. C’est une erreur, car Cherchell possédait un îlot qui sert de tête à la jetée que nous avons construite, et Rusgunia la ville romaine du cap Matifou avait un mouillage abrité par des travaux reliant la terre ferme à un îlot submergé aujourd’hui, près duquel le bâtiment à vapeur de l’État, le Sphinx, fi t côte en 1846. TOPOGRAPHIE ET HISTOIRE GÉNÉRALE D’ALGER 9 nom, fi ls du grand Bocchus, roi de Mauritanie qui livra Jugur- tha, roi de Numidie à L. Silla envoyé de Marius, et qui ayant embrassé plus tard le parti de Pompée fut vaincu par César et se donna la mort. Or, il s’agit ici de Juba II, son fi ls ; ce prince très jeune au moment de la mort de son père, tomba aux mains de César qui l’emmena pour orner son triomphe et le fi t attacher avec les autres captifs au-devant de son char, suivant la coutume. Ce jeune Juba, doué d’une grande intelligence et d’un esprit su- périeur fut élevé à Rome, il y acquit une excellente instruction qui lui permit d’écrire une histoire citée souvent par Pline et plusieurs autres écrivains. On a dit de ce prince que de Numide barbare, il en était venu à se faire comprendre parmi les écrivains les plus savants, et que la supériorité de son instruction l’avait rendu plus remarquable que le pouvoir royal qu’il avait exercé. Ses talents et ses qualités personnelles le fi rent rechercher et aimer d’Auguste (le successeur de Jules César) : ce prince lui rendit non seulement sa liberté, mais encore le maria à Silène (Séléné) fi lle uploads/Litterature/ 1870-topographie-histoire-alger-de-haedo-pdf.pdf

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