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www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’La chevelure’’ (1884) nouvelle de MAUPASSANT (7 pages) pour laquelle on trouve un résumé puis successivement l’examen de : l’intérêt de l’action (page 2) l’intérêt littéraire (page 3) l’intérêt documentaire (page 4) l’intérêt psychologique (page 4) l’intérêt philosophique (page 4) la destinée de l’œuvre (page 4) Bonne lecture ! 1 Dans un asile, un médecin discute avec le narrateur du cas de « folie érotique et macabre» d’un malade qui s’était pris d’une passion pour une chevelure trouvée dans un vieux meuble. Le médecin fait lire au narrateur le journal intime du fou, qui raconte qu’il menait une existence paisible, entièrement tournée vers le passé car, reconnaît-il, il était « possédé par le désir des femmes d’autrefois ». Il acheta un meuble italien du XVIIe siècle, qu’il ne se lassait pas de contempler et de manier. Il réussit à ouvrir un tiroir secret contenant une magnifique chevelure de femme qui en vint à l’obséder : « Je la buvais, je noyais mes yeux dans son onde dorée ». Véritablement halluciné, il en vint à recomposer le corps de celle que ses rêves fous venaient d'évoquer du néant. Aussi, un beau jour, la femme porteuse de cette « énorme natte de cheveux blonds » vint lui rendre visite, et il crut la tenir, la posséder : « Oui, je l’ai eue, tous les jours, toutes les nuits. Elle est revenue, la Morte, la belle Morte, l’Adorable, la Mystérieuse, l’Inconnue, toutes les nuits ». Mais, s'aventurant avec elle à l'extérieur, on l'a pris pour un fou et on l’a enfermé dans l’asile. Devant cet objet, le narrateur se sent «le coeur battant de dégoût et d'envie». Analyse Intérêt de l’action C’est une nouvelle très brève, à l'atmosphère étrange et envoûtante, faisant alterner des séquences descriptives et des séquences événementielles. L'action se trouve évidemment dans le journal dont la lecture est encadrée par les propos du narrateur. Sa progression, très nette, se fait en six étapes. La première étape rapporte trente-et-une années de vie tranquille, marquée par un goût prononcé pour les objets anciens (exemple de la montre et des souvenirs qu'elle garde secrets). La deuxième étape est celle de l'achat du meuble : huit jours de bonheur. Mais c’est une mise en alerte du lecteur, comme dans les intrigues policières, car le meuble ou l'objet ancien évoquent un être féminin. Cependant, il ne peut faire le lien, d'emblée, entre la folie du personnage et la découverte du meuble et celle de la chevelure, qui est la troisième étape, un soir qui est un moment de grande émotion. La quatrième étape voit la progression des sentiments : de l'attente de l'amour à l'amour avoué : elle s’étend sur un mois ou deux. La cinquième étape est marquée par l'apparition : une nuit ; phénomène réitéré : «tous les jours, toutes les nuits». La sixième étape montre l'étalement du bonheur amoureux : «toujours, partout» ; puis, brusquement, survient l'emprisonnement : c’est la fin du journal. Ce récit est encadré par la visite de la cellule et du malade au début de la nouvelle, et par les cris du malade et la preuve de l'existence de la chevelure à la fin. Il se termine sur un point d'interrogation : cette chevelure possède effectivement un étrange pouvoir... La nouvelle est étrange du fait de la vie de la chevelure qui se déplace toute seule, réagit face au jeune homme (par ses caresses) et possède même une âme, du fait du passage d’elle à la femme, de la progression par laquelle, au fur et à mesure que la chevelure se transforme en femme, l'amour du jeune homme grandit ; enfin, de la disparition de la chevelure qui laisse place à la femme : le narrateur insiste alors sur les caractéristiques les plus sexualisées de la femme, sur l'aspect ondulant de son corps ; elle devient femme et maîtresse, pourvue d'une certaine position sociale, « conduite au théâtre.» Mais la nouvelle n’est pas fantastique. Il ne s'y déroule pas d'événement totalement incroyable (il n'est pas vrai que les morts reviennent et le jeune homme est réellement fou). Le phénomène n'a pas du tout de «composante surnaturelle», et comme l'indique justement et nettement le commentaire final du médecin : «L'esprit de l'homme est capable de tout». Il n'est donc pas nécessaire d'aller chercher bien loin «l'inquiétante étrangeté» dont parle Freud : le psychanalyste et les psychiatres qu'a déjà connus Maupassant découvrent qu'il y a suffisamment de choses effrayantes dans les psychismes humains sans avoir à recourir à l'arsenal fantastique traditionnel. L’idée du revenant est quand même évoquée : «Les morts reviennent-ils?». Le fantastique, ici, se contente de cet «objet-preuve qui témoigne de la rupture de l'ordre universel, du passage de l'événement extraordinaire» (Baronian). Après la lecture du journal, c’est le retour à la réalité de l'hôpital psychiatrique. La situation devrait donc être sans aucune ambiguïté. Mais Maupassant est habile : aucune explication rationnelle ne permet de comprendre ce pouvoir de la chevelure ; elle jette à nouveau le trouble, exerce un véritable 2 pouvoir sur des êtres pourtant sains d'esprit, le narrateur et le médecin lui-même s'y intéressant : sont-ils devenus fous à leur tour? Un mystère subsiste : à chaque lecteur de trouver sa propre réponse. Le temps est important, l’auteur jouant avec le présent de l'écriture et le passé événementiel ; avec l’imparfait duratif et le passé simple marquant la soudaineté. Le jeu avec la chronologie permet de connaître tout de suite l'issue, puis de revenir en arrière à un bonheur fondé sur le plaisir sensuel procuré par les femmes et par la possession d'objets mais qui sont imaginés comme ayant appartenu à des femmes, qui sont un moyen d'atteindre ces mortes (le personnage est «possédé par le désir des femmes d'autrefois»), d'où une obsession de la fuite du temps, le passage enfin d'une montre à (et ici il y a annonce d'un événement) un meuble dans lequel - et c'est une autre péripétie - est découverte la cachette puis la chevelure qui suscite la femme elle-même, d'où - et ici l'action se précipite - l'internement et, après le retour au présent, la folie complète qui va se répercuter sur le narrateur. Il y a enchâssement du passé qui est le journal dans le présent : «Ce procédé du récit enchâssé éloigne l'insolite, le surnaturel et le rend moins inquiétant. Le lecteur accepte d'autant plus facilement une histoire troublante qu'elle est rapportée dans le cadre rassurant d'une soirée mondaine ou d'une enquête médicale. De tels récits s'achèvent sur un retour au monde normal du lecteur. Ils lui permettent de revenir en douceur dans l'univers cohérent et ordonné de sa vie quotidienne» (Ehrsam). Il y a deux points de vue celui du narrateur et celui de l’auteur du journal. Le narrateur est un «je» anonyme, témoin et non actant, qui découvre un journal. Mais il entretient des rapports complexes avec Maupassant (ou plutôt Maufrigneuse?) : dans quelle mesure le représente-t-il? Procédé courant chez les romanciers, le récit enchâssé éloigne l’insolite, le surnaturel, et le rend moins inquiétant. Le lecteur accepte d’autant plus facilement une histoire troublante qu’elle est racontée dans le cadre rassurant d’une soirée mondaine ou, ici, d’une enquête médicale. De tels récits s’achèvent sur un retour au monde normal du lecteur. Ils lui permettent de revenir en douceur dans l’univers cohérent et ordonné de sa vie quotidienne. Ils donnent aussi une garantie d'objectivité. Le journal lu par le narrateur, sans qu’il fasse partie de l'action (sauf à la fin, en tant que témoin), est un récit au second degré. Nous savons que c’est le journal d'un fou : le narrateur ne prend donc pas le récit à son compte. D'où le regard distant du lecteur qui ne s'identifie pas au jeune homme et sait qu'il s'agit d'une folie. Pourtant, nous croyons à son bonheur et, au fur et à mesure de la lecture du journal, nous perdons de vue la situation initiale et l'existence d'un narrateur premier. Intérêt littéraire Le meuble du début est déjà comparé à « un visage de femme » et est alors employé un vocabulaire du charme et de l'attirance (« lune de miel »). La chevelure est d'emblée assimilée à une femme aimée ; une sensualité débordante se répand à son contact : « un parfum presque insensible, si vieux qu'il semblait l'âme d'une odeur... » La vie de la chevelure est indiquée par quelques expressions : « elle se déroula » - « elle me coulait » - « la seule partie vivante » - « elle m'agitait » - « comme si elle eût été un être vivant » - « plus animée ». Elle est plusieurs fois identifiée à l'eau : «Je la buvais, je noyais mes yeux dans son onde dorée». On trouve d'autres figures de style : des accumulations (« Sa Folie, son idée était là, dans cette tête obstinée, harcelante, dévorante. Elle mangeait le corps peu à peu. Elle, l’Invisible, l’Impalpable, l’Insaisissable, l’Immatérielle idée minait la chair, buvait le sang, éteignait uploads/Litterature/ 198-maupassant-la-chevelure.pdf
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- Publié le Apv 18, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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