M. Jean-Michel Adam MME Ute Heidmann Des genres à la généricité. L'exemple des
M. Jean-Michel Adam MME Ute Heidmann Des genres à la généricité. L'exemple des contes (Perrault et les Grimm) In: Langages, 38e année, n°153, 2004. pp. 62-72. Abstract Jean-Michel Adam, Ute Heidmann : Des genres à la généricité. L'exemple des contes (Perrault et les Grimm). This article sets out to demonstrate that the determination of the genre to which an utterance belongs may have an impact at every level of organization of a text. In order to grasp the full complexity of this impact, we propose a more dynamic approach to the question of genre - ie the set of categories to which texts may be said to belong. The concepts of genericity and of the effects of genericity which we develop here are intended to help us think through both the acts of writing and of reading as complex processes. A text does not belong in any predetermined or abstract sense to a genre, but rather it is put in relation with one or more genres both during its production and its reception-interpretation. By studying closely the complexity of the variations, this article shows the generic differences between the tales of Perrault and of Grimm. Citer ce document / Cite this document : Adam Jean-Michel, Heidmann Ute. Des genres à la généricité. L'exemple des contes (Perrault et les Grimm). In: Langages, 38e année, n°153, 2004. pp. 62-72. doi : 10.3406/lgge.2004.934 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lgge_0458-726X_2004_num_38_153_934 21 13 Mariana di Stefano Juan Eduardo Bonnin Introducción al análisis del discurso Jean-Michel Adam - Ute Heidmann Des genres à la généricité L´exemple des contes Jean-Michel Adam Ute Heidmann Centre de Recherches Interdisciplinaires en Analyse textuelle et comparée des Discours. Université de Lausanne Des genres à la généricité L'exemple des contes (Perrault et les Grimm) La question des genres de discours, et avec elle la réflexion sur la diversité des pratiques discursives, était déjà centrale dans la mise au point que proposait, en 1987, D. Maingueneau, dans Nouvelles tendances en analyse du discours. C'était par ailleurs également le cas du programme de remembrement des études littéraires que T. Todorov dessinait, dix ans plus tôt, dans Les genres du discours : « Un champ d'études cohérent [...] demande [...] impérieusement à être reconnu, où la poétique cédera sa place à la théorie du discours et à l'analyse de ses genres » (1978 : 26). Situant la linguistique du discours dans une postérité de Benveniste et de Bakhtine (Adam 1999, 2001a & 2002c), nous pensons que la double déterminat ion des énoncés par une langue et par la généricité affecte potentiellement tous les plans de l'organisation textuelle. Afin de saisir la complexité de l'impact générique sur la mise en discours, nous proposons de déplacer la problématique du genre - comme répertoire de catégories auxquelles les textes sont rapportés - vers une problématique plus dynamique. Les concepts de généricité et d'effets de généricité ont pour but de penser à la fois la mise en discours et la lecture-interprétation comme des processus complexes. L'étiquette genre et les noms de genres - « conte de fées », « Màrchen », « tragédie », « fait divers », etc. - ont tendance à réduire un énoncé à une catégorie de textes. La généricité est, en revanche, la mise en relation d'un texte avec des catégories génériques ouvertes. Cette mise en relation repose sur la production et /ou la reconnaissance d'effets de généricité, inséparables de l'effet de textualité. Dès qu'il y a texte - c'est-à-dire la reconnaissance du fait qu'une suite d'énoncés forme un tout de communication -, il y a effet de généricité - c'est-à-dire inscription de cette suite d'énoncés dans une classe de discours. La généricité est une nécessité socio-cognitive qui relie tout texte à l'interdiscours d'une formation sociale. Un texte n'appartient pas, en soi, à un genre, mais il est mis, à la production comme à la réception-interprétation, en relation à un ou plusieurs genres. Le passage du genre à la généricité est un changement de paradigme. La mise en relation d'un texte, considéré dans sa clôture, avec une catégorie générique constituée généralement en essence diffère profondément de la dynamique 62 Des genres à la généricité socio-cognitive que nous nous proposons de mettre en évidence. Comme le disent R. Dion et al., il est « moins question d'examiner l'appartenance géné rique d'un texte que de mettre à jour les tensions génériques qui l'informent. Ce déplacement du genre à la généricité met en suspens toute visée typologique [et] permet de contourner l'écueil essentialiste » (2001 : 17). Il s'agit d'aborder le problème du genre moins comme l'examen des caractéristiques d'une catégorie de textes que comme la prise en compte et la mise en évidence d'un processus dynamique de travail sur les orientations génériques des énoncés. Ce travail s'effectue sur les trois plans de la production d'un texte, de sa réception-interprétat ion et sur le plan intermédiaire très important de son édition. Pour exemplifier cette conception de la généricité comme dynamique de la mise en discours et de l'interprétation des énoncés, nous avons choisi le cas de deux moments histori ques importants du conte écrit : celui des Histoires ou contes du temps passé de Perrault, à la fin du XVIIe siècle, et celui des Kinder- und Hausmàrchen des frères Grimm, au début du XIXe siècle1. 1. CONTE ET MARCHEN, DEUX CATEGORIES GENERIQUES COMPLEXES 1.1. L'exemple de Perrault 1.1.1. Tout au long de l'histoire de sa rédaction, par des réécritures et parfois les commentaires de son auteur, un texte subit un nombre souvent élevé de modifications que les études génétiques décrivent avec précision. Ces modif ications affectent sa généricité auctoriale. C'est le cas des contes dits de Perrault2 et en particulier de l'un d'entre eux sur lequel nous nous attarderons : La Barbe bleue. La première édition de 1697 est précédée d'un manuscrit, daté de 1695, dédié à Mademoiselle d'Orléans, qui diffère de l'édition proprement dite où trois autres contes et diverses morales ont été ajoutés. Les multiples correc tions, parfois conséquentes, prouvent que l'écriture de Perrault est moins une production à partir de modèles génériques - encore moins d'hypotextes trouvés dans la culture populaire - qu'un travail sur un genre de départ que l'écrivain s'est approprié et dont il opère une profonde modification. Ce genre de départ est péritextuellement nommé, dans le titre du manuscrit de 1695 : « Contes De ma Mère l'Oye ». Ce titre apparaît également dans le frontispice, sur une plaque placée au-dessus de la conteuse représentée : « CONTES / De ma mère / Loye ». On peut considérer ce premier titre et sa variante en frontispice comme des indicateurs du genre de départ. Cet intitulé est linguistiquement pris dans la langue de la fin du XVIIe siècle. Selon le Dictionnaire de l'Académie Française de 1694, « conte de ma mère l'oye » ou « conte de la mère oye » est une expression 1. Nous étudions plus en détail la place de la généricité dans l'ensemble des relations transtex tuelles dans Adam & Heidmann 2003. 2. Nous n'abordons pas ici la question de l'identité double de l'auteur (Charles Perrault et/ou Pierre Darmancour), longuement étudiée et linguistiquement décrite dans Adam 2002b. Lan a es 63 Les genres de la parole courante, synonyme de « conte de vieille », « conte de peau d'asne », « conte bleu », formules qui renvoient au genre du conte merveilleux (Barchilon 1956 : 37-38). Le classement générique auctorial des textes, tous sous-titrés « conte », est donc homogène en 1695 et le titre du recueil est, dans le champ littéraire, la trace d'un dialogue avec le genre de départ. Dans l'édition Barbin de 1697, un seul texte n'est plus désigné comme « conte » : La Barbe bleue. Si la plaque du frontispice garde encore la trace du genre de départ : « CONTES / DE ma / MERE Loye », le titre de l'édition de 1697 est très différent : « HISTOIRES ou CONTES DU TEMPS PASSE. Avec des Moralités ». Le choix de l'hyperonyme « histoires » ne limite plus le recueil au seul genre du conte et l'absence de tout nom de genre sous le titre de La Barbe bleue surprend d'autant plus que tous les autres textes sont soigneusement accompagnés du sous-titre indicateur de genre : « conte ». La précision tempor elle « ...du temps passé » doit être considérée dans le cadre du débat littéraire de la querelle des Anciens et des Modernes dans lequel Charles Perrault est profondément engagé. En tant que moderne, il revendique d'écrire de la littér ature dans un dialogue aussi bien avec les « antiquités grecques et romaines » qu'avec les « antiquités gauloises ». L'ajout, en fin du titre de 1697, de Avec des moralités a un sens générique et editorial. Perrault a choisi l'éditeur Barbin parce qu'il s'agissait de l'éditeur de La Fontaine. Il inscrit ainsi son recueil dans un contexte editorial précis et introduit un effet de généricité : ces récits sont aussi, d'une certaine manière, en raison de la présence de moralités, des fables. C'est autour de uploads/Litterature/ 2-des-genres-a-la-genericite-adam-heidmann.pdf
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- Publié le Mai 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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