www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Virginia WOOLF (Grande-Bretagn

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Virginia WOOLF (Grande-Bretagne) (1882-1941) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (surtout ‘’La chambre de Jacob’’, ‘’Mrs. Dalloway’’, ‘’La promenade au phare’’‘’Orlando’’, ‘’Les vagues’’). Bonne lecture ! 1 Elle naquit le 25 janvier 1882, à Londres, 22 Hyde Park Gate (quartier de Kensington), une vaste maison victorienne, sombre, surchargée de dorures démodées, de tentures pourpres et de portraits d’ancêtres, «un lieu où l’émotion s’emmêle et s’enchevêtre», indiqua-t-elle plus tard. Sa famille, appartenant à la haute bourgeoisie, jouissait d’une confortable aisance, avait à son service une importante domesticité. Le père, sir Leslie Stephen, était un homme de lettres réputé, critique, biographe, philosophe, érudit, brillant, sceptique, d'une clarté intellectuelle implacable que tempérait un humour ironique. Il s’attacha à de nombreux travaux, en particulier ‘’History of English thought in eighteenth century’’ (“Histoire de la pensée anglaise au XVIIe siècle”) et ‘’Dictionary of national biography’’ (‘’Dictionnaire de biographie nationale’’). Connu comme l’une des figures les plus originales de l’Angleterre victorienne (il fut un des premiers membres du Club alpin), il était l’ami de George Eliot, d’Henry James et de Meredith, qui le peignit dans ‘’L’égoïste’’ sous le nom de Vernon Whitford, l’appelant «Phœbus Apollon mêlé d'un ascète». Il avait été le successeur de William Thackeray à la direction du ‘’Cornhill magazine’’ et avait épousé en premières noces sa fille, mariage dont était née Laura, une enfant arriérée mentale. Puis il avait épousé Julia Princep Duckworth, une beauté victorienne immortalisée par les toiles de Burnes-Jones et les photographies de Julia Margaret Cameron, qui appartenait à une famille d’éditeurs, avait été mariée à Herbert Duckworth, un homme jeune et beau avec lequel elle avait eu trois enfants : George Herbert, Gerald et Stella ; après un veuvage de huit années, elle se remariait avec un homme nettement plus âgé qu'elle, qui représentait l'assurance de la maturité, mais était un tyran domestique comme l'époque victorienne, campée sur ses certitudes, a pu en produire, puritain, acariâtre, brutal, capricieux, exigeant, si autoritaire que Virginia allait écrire dans son journal intime, à l’âge adulte : «Si mon père était resté en vie, je n’aurais jamais écrit autant de romans et d’essais», le qualifiant de «patriarche despotique», pensant qu’«il n’avait aucune sensibilité à la peinture, pas d’oreille, aucun sens de la musique des mots», que «la nature l’avait doué d’une grande vigueur animale, mais avait négligé de l’équiper d’un cerveau.». Aux enfants de la première union vinrent s'en ajouter quatre autres : Vanessa (née en 1879), Julian Thoby (né en 1880), Adeline Virginia (née en 1882) et Adrian (né en 1883). On voit la complexité de cette constellation familiale. Du fait d’une santé fragile qui lui interdisait de suivre un cycle normal d’études, Virginia, qui était d'une intelligence supérieure, fut instruite à la maison par ses parents qui lui donnèrent une éducation complète et raffinée quoique peu conventionnelle. Elle allait se rappeler : «Pas d’école, je flanais seule parmi les livres de mon père ; aucune chance de saisir ce qui se passait dans les écoles : les brimades, le jeu de balle, le chahut, l’argot, les grossièretés, les disputes, les jalousies. Je n’ai jamais connu la compétition.» Elle ajouta poétiquement : «J’avais l’impression d’être dans un grain de raisin et de voir à travers une pellicule d’un jaune semi-translucide.» Son père, qu’elle qualifia aussi de «vieux monsieur adorable et un peu terrible», lui ouvrit très tôt son immense bibliothèque où elle passait le plus clair de son temps, lui fit découvrir de grandes figures de la pensée tels Platon, Spinoza, Montaigne et Hume, eut sur elle une influence décisive. De plus, il recevait des intellectuels comme les écrivains de renom Henry James, George Eliot, George Henry Lewes, Julia Margaret Cameron, James Russell Lowell, Thomas Hardy et George Meredith. Virginia fut, par conséquent, au contact de la littérature de l’époque victorienne. Elle découvrit jeune sa vocation pour l’écriture et décida de devenir un écrivain professionnel. Elle fit en quelque sorte ses débuts quand, entre 1891 et 1895, sur le modèle du ‘’Tit bits’’ de George Newnes, très populaire magazine pour enfants alors en vogue en Angleterre, elle rédigea avec Vanessa et Thoby un «journal» intitulé ‘’Hyde Park Gate news’’ (‘’Les nouvelles de Hyde Park Gate’’), qui «paraissait» le mardi et, dans un ton très «écrit», très élaboré, faisait la chronique de la vie de cette famille très cultivée, très artiste, pour laquelle la littérature, la peinture, la musique avaient priorité sur tout ; racontait les petits événements de tous les jours : les relations entre les enfants, les rencontres avec les voisins, les faits et gestes des domestiques, les vacances (à St.-Ives, belle plage de Cornouailles où, en 1882, Leslie Stephen prit à bail ‘’Talland house’’ où la famille passa tous les étés jusqu’en 1895), les animaux familiers ; mais aussi des nouvelles, des feuilletons, des correspondances inventées, des jeux de mots, des devinettes ou des vers de mirliton, auxquels s’ajoutaient une foule de dessins. C’était le reflet d’une culture littéraire précoce, d’une envie aussi d’être reconnus et aimés des parents qui étaient distants : «C’est plutôt astucieux, je trouve», lâcha 2 quand même un jour Julia, la mère, après avoir jeté un coup d’oeil distrait aux feuillets abandonnés à côté d’elle. Mais l’enfance de Virginia fut perturbée par plusieurs drames, fut continuellement frôlée par la mort et la folie, fut même marquée par la tragédie. Ses deux demi-frères eurent, pour sa sœur, Vanessa, et pour elle, un intérêt très ambigu, les poursuivirent de leurs assiduités, et elles ne dirent rien comme l’époque le voulait ; Gerald Duckworth, de quatorze ans son aîné, alla jusqu’à violer Virginia alors qu’elle était âgée de six ans : «Gérard me hisse sur une sorte de console et pendant que j’étais assise là se met à explorer ma personne. Je peux me souvenir de la sensation de ses mains passant sous mes vêtements, descendant fermement et longuement de plus en plus bas. Je me souviens combien j’espérais qu’il s’arrête ; combien je me raidissais et me tortillais tandis que sa main s’approchait de mes parties intimes. Mais il ne s’arrêta pas.» (‘’Esquisse du passé’’). Cela l’amena à penser que la sexualité est une chose ignoble. Laura, sa demi-sœur, qu'on appelait «la dame du lac», sans doute par dérision, sombra dans l’aliénation mentale et fut internée jusqu'à sa mort en 1945. En 1895, alors qu’elle avait treize ans, Virginia perdit sa mère qui, à l’âge de quarante-huit ans, fut victime d’une grippe ; l’adolescente subit son premier grand choc et il déclencha en elle la première des dépressions nerveuses qui allaient l’assaillir tout au long de sa vie : «On eut dit que par une belle journée de printemps, les nuages en marche s’immobilisaient, que le vent tombait et que toutes les créatures de la terre gémissaient ou erraient dans une quête sans but.» ; elle eut ses premières hallucinations, voyant sa mère avec un homme assis à son côté et des démons noirs et velus, qui poussaient des cris horribles. Elle fit sa première tentative de suicide. En 1898, son autre demi-sœur, Stella, qui avait été comme une autre mère, mourut, au retour de son voyage de noces, événement qui engendra une autre crise nerveuse. Cette année-là, elle commença à tenir régulièrement un journal, et suivit des cours de latin, de grec et d'histoire au ‘’King's College’’ de Londres. En février 1904, son père mourut ; elle en fut traumatisée au point de tenter de se suicider avec le véronal que lui prescrivait le docteur Georges H. Savage, le médecin des Stephen ; victime de peurs, de suspicions, d’anorexie, d’insomnie et d’aménorrhée, elle entendait «les oiseaux chanter en grec et le roi Édouard parler en langage ordurier» ; il fallut la faire interner, la traiter pendant plusieurs mois pour troubles mentaux, mais le choc avait été si violent qu’elle ne s’en remit jamais. Mais ce fut après la mort de son père qu’elle fut certaine d’écrire un livre, sans toutefois savoir lequel. En 1906, toute la famille Stephen fit un voyage en Grèce. Au retour, le 20 novembre, Thoby, le plus jeune frère de Virginia, qui était son double bien-aimé avec lequel elle avait des relations incestueuses, succomba, à l’âge de vingt-six ans, à la fièvre typhoïde. Comment s'étonner ensuite que, étant d'une sensibilité extrême, elle se soit trouvée fragilisée, atteinte d’une angoisse jamais apaisée, au point que sa vie ne fut qu'une suite de crises (migraines, hallucinations, pouls saccadé, dos douloureux, tempérament irritable, insomnies) entrecoupées d'accalmies. En octobre 1904, Vanessa, Virginia et Adrian vendirent le 22 Hyde Park Gate, et achetèrent une maison au 46, Gordon Square, dans le quartier de Bloomsbury, où Vanessa eut son atelier de peintre, Virginia son bureau d’écrivaine, où ils prirent l'habitude de recevoir tous les jeudis leurs amis qui avaient d’abord été, en 1899, ceux de Thoby au ‘’King's College’’ ou au ‘’Trinity College’’ de Cambridge : Lytton Strachey, Leonard Woolf, Saxon Sydney-Turner et Clive Bell, qu’il présenta à Londres à ses sœurs, Vanessa et Virginia. C'est ainsi uploads/Litterature/ 24-woolf-virginia.pdf

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