Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Faculté de Lettres et des Sciences humaine

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah Faculté de Lettres et des Sciences humaines – Sais - Fès Département de langue et de littérature françaises Filière : études françaises. Méthodologie Explication de texte Hernani Sc.1-A.1 Mohamed Semlali (USMBA – FLSH - SAIS-Fès) 1 Faculté de Lettres et des Sciences humaines- Fès – Sais. Module : Théâtre du XIXe siècle, (théâtre romantique) Mohamed Semlali Explication de texte : Hernani, Scène 1, Acte I Introduction : Représentée pour la première fois en 1830, Hernani donne lieu à une bataille acharnée entre une jeunesse romantique enthousiaste qui applaudit la pièce comme une brillante victoire du drame romantique et les défenseurs du classicisme qui forment une cabale en sifflant la pièce, se moquant d'elle comme d'une monstruosité qui bafouent les règles élémentaires des représentations classiques et s'écartent des modèles illustres de l'héritage classique. En tant que modèle concret de la nouvelle esthétique romantique, Hernani apparaît comme le couronnement pratique d'une réflexion théorique intense que Victor Hugo a déployé dans les préfaces d’Odes et Ballades (1823-6) et surtout dans la préface de Cromwell (1827). Hernani se veut, tel que l'écrit Hugo dans la préface de l'oeuvre, comme une revendication de la liberté de l'art qui refuse d'être soumis à des règles et à des contraintes qui ont perdu leur raison d'être pour la génération de la Révolution. Pour un dramaturge qui pense que la littérature et la politique sont indissociables, le triomphe d'Hernani est aussi une victoire sur un régime politique (la Restauration) qui croit encore pouvoir impunément bâillonner les artistes et les rallier à sa cause. Hernani se veut donc aussi une réponse militante à la censure qui a empêché la représentation de Marion de Lorme quelques mois auparavant. En tant que scène d'exposition, cette première scène d'Hernani introduit les personnages essentiels du drame et installe d'emblée la triple rivalité amoureuse qui constitue le moteur principal de l'action. Trois hommes, représentant trois sphères différentes, vont devoir lutter pour un seul et unique objet de désir, la femme soleil (Doña Sol) dans laquelle chacun des héros masculins voit le salut de l'amour, de la tendresse et de la jeunesse. Mais le cœur de Doña Sol n'étant pas divisible, la lutte, fidèle à la conception romantique, prend tantôt un accent tragique (le vieux (sénilité) qui refuse de céder à la jeunesse, le devoir qui s'impose à l'amour), et tantôt un accent comique (refus de la sacralité des rois, manifestation de l'humanité et des bassesses des grands). D'entrée de jeu, le conflit amoureux doublé d'un conflit de générations (conflit politique) est posé dans un style (forme) où le mélange des tons et des registres n'était pas sans déranger la pruderie artistique des réactionnaires de la littérature. La scène s'organise en trois mouvements : dans le premier, le spectateur assiste non sans surprise, à l'entrée sur scène (la chambre à coucher de Doña Sol), par une porte dérobée, de don Carlos, le Roi d'Espagne. Dans le deuxième mouvement (à partir de la première réplique de don Carlos → « attendait ta maîtresse»), don Carlos, parfaitement renseigné de l'intrigue amoureuse qui se joue dans la demeure du vieux Ruy Gomez entre doña Sol et Hernani, menace la duègne et al soudoie en lui demandant de le cacher dans une armoire d'où il compte surprendre l'entretien des deux amoureux. Dans le dernier mouvement (O ciel ! J'entends le pas → fin), don Carlos est enfermé dans l'armoire, doña Sol s'approche, Hernani ne tardera pas à faire son entrée. La tension dramatique est à son maximum.Tous les éléments d'une confrontation imminente sont en place. (Axe de lecture) Il est donc question de voir comment cette scène inaugurale remplit sa fonction d'exposition tout en mettant en avant l'esprit revendiqué par l'esthétique romantique. 1er mouvement : une entrée surprenante. Les indications scéniques qui précèdent la première scène sont très importantes. Elles situent l'action en Espagne du seizième siècle, et plus précisément en 1519, date charnière qui 2 connaît l'élection de Charles Quint (Charles de Habsbourg, don Carlos), lequel succède à son grand-père Maximilien 1er à la tête du Saint-Empire. Né en 1500, don Carlos est censé avoir 19 ans au moment de la représentation. Sa jeunesse et son statut en font un redoutable rival pour le jeune premier de la pièce (Hernani), lequel est un noble en disgrâce, réduit à une vie de bandit et de marginal. Le premier acte, comme l'indique son titre (Le Roi), est axé sur la figure royale (Don Carlos) qui s'immisce dans la relation amoureuse liant déjà au début de la pièce (Doña Sol et Hernani). Ceci permet au dramaturge de tirer profit de l'entrecroisement de l'intrigue amoureuse et de l'intrigue politique, des affaires du cœur et des affaires d'État puisque Don Carlos, comme Hernani aussi, est appelé à mener de concert les deux intrigues. Lui aussi amoureux de doña Sol comme on l'apprendra bientôt, don Carlos s'impose comme un rival très sérieux et surtout comme un obstacle de taille pour l'autre couple amoureux, sans oublier la présence effective d'un autre rival non moins important : le vieux Don Ruy Gomez qui, différent des trois autres personnages principaux par son âge avancé, ne se limitera pas à jouer le rôle du barbon amoureux, du senex amator, comme dans les comédies classiques, mais se chargera, en tant que représentant d'une figure paternelle castratrice et en tant qu'incarnation de valeurs archaïques impitoyables, d'introduire une dimension tragique dans le drame. Tous les éléments d'un conflit imminent sont là. Trois hommes amoureux d'une même femme (tres para una) qui a déjà fait son choix. La situation est problématique, d'autant plus que la rivalité amoureuse se doublera par la suite d'une rivalité politique non moins compliquée. Alors que ce premier acte est censé mettre en valeur le Roi qui désigne une fonction et un statut social et historique avant de désigner un individu1, la didascalie initiale situe l'action dans un espace qui contraste par sa dimension privée (la chambre à coucher de doña Sol) avec la dimension sublime et publique de la royauté et dans un temps (la nuit) qui favorise l'intrigue sentimentale. Confiner toute l'action du premier acte dans cet espace et dans cette temporalité de l'intimité ramène l'action dramatique à sa source. Tout doit se nouer ou se dénouer dans une chambre à coucher. L'amour est le premier moteur principal de l'oeuvre. Ramener le roi, qui deviendra bientôt empereur, à cette dimension, c'est donc, d'emblée le ramener à sa dimension humaine. Comme le chef sublime des bandits (Hernani) et comme le vieillard amoureux de sa nièce (don Ruy Gomez), le roi Carlos vient tourner dans le giron du soleil, de cette femme qui fédère les trois passions et qui finira par réveiller d'autres rivalités plus destructrices. D'entrée de jeu, on découvre une vieille duègne habillée à la mode ancienne qui semble mise en confidence de la relation amoureuse de sa maîtresse puisqu'elle est au courant de l'arrivée imminente de l'amant de doña Sol et semble l'attendre pour lui ouvrir la porte. En effet, la scène commence par un motif très prisé par le mélodrame, celui de la porte dérobée donnant elle-même sur un escalier caché qui permet à l'amant d'entrer et de sortir sans être vu. C'est un motif scénique qui favorise une atmosphère d'intrigue. La prosodie met en valeur ce motif : l'adjectif qualificatif « dérobé » est rejeté dans le deuxième vers. Cette séparation prosodique et typographique du nom et de son adjectif fait partie de ces détails qui ont suscité le désaccord et la critique des adeptes classiques qui voient là une infraction à la correction de la langue et aux conventions de la scène. Mais cette dislocation du vers alexandrin est revendiquée par Hugo comme une marque de la nouvelle esthétique. Le rejet de l'adjectif « dérobé » dans le vers suivant ne se limite pas à mettre en valeur le motif mélodramatique de la porte cachée, mais il donne au vers une dimension mimétique et vivante : le rejet est ici synonyme de la nature secrète et escamotée de ladite porte. S'introduire au palais de Silva par cet accès secret, comme tel est le cas au début de cette scène, suscite forcément la curiosité du spectateur. Celui qui emprunte ce chemin secret est censé connaître son existence et donc être mis en confidence, avoir un statut particulier, ou du moins, être parfaitement au courant des intrigues qui ont lieu dans le palais. En 1 D'autant plus que l'atmosphère politique de la fin de la Restauration était très susceptible lorsqu'il s'agit d'une représentation de la figure royale comme le montre l'interdiction de Marion de Lorme et comme le montrera l'interdiction en 1832 d'une autre pièce qui met en avant la figure royale : Le roi s'amuse. 3 situant ce motif dans le contexte de la scène, on comprend aussi que la visite attendue se fait en l'absence du maître des lieux, le vieux don Ruy Gomez, qui, selon toute apparence, comme on l'apprendra par la suite, n'est pas au courant de cette aventure amoureuse qui se déroule à son uploads/Litterature/ 3-hernani-explic-sc1-ac1-mohamed-semlali.pdf

  • 40
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager