« Le Lac », Méditations poétiques (1820), Alphonse de Lamartine (1790-1869) ver

« Le Lac », Méditations poétiques (1820), Alphonse de Lamartine (1790-1869) version intégrale 5 10 15 20 25 30 35 40 Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages, Dans la nuit éternelle emportés sans retour, Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges Jeter l'ancre un seul jour ? Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière, Et près des flots chéris qu'elle devait revoir, Regarde ! Je viens seul m'asseoir sur cette pierre Où tu la vis s'asseoir ! Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ; Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ; Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes Sur ses pieds adorés. Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos ; Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère Laissa tomber ces mots : « Ô temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices Suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! « Assez de malheureux ici-bas vous implorent, Coulez, coulez pour eux ; Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ; Oubliez les heureux. « Mais je demande en vain quelques moments encore, Le temps m'échappe et fuit ; Je dis à cette nuit : « Sois plus lente » ; Et l'aurore va dissiper la nuit. « Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive, Hâtons-nous, jouissons ! ; L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ; Il coule, et nous passons ! » Temps jaloux, se peut-il que ces moments d’ivresse, Où l’amour à longs flots nous verse le bonheur, S’envolent loin de nous de la même vitesse Que les jours de malheur ? Eh quoi ! n’en pourrons-nous fixer au moins la trace ? Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus ! Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface, Ne nous les rendra plus ! Cours de G. Zaneboni 45 50 55 60 Éternité, néant, passé, sombres abîmes, Que faites-vous des jours que vous engloutissez ? Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes Que vous nous ravissez ? Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure ! Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir, Gardez de cette nuit, gardez, belle nature, Au moins le souvenir ! Qu’il soit dans ton repos, qu’il soit dans tes orages, Beau lac, et dans l’aspect de tes riants coteaux, Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages Qui pendent sur tes eaux. Qu’il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe, Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés, Dans l’astre au front d’argent qui blanchit ta surface De ses molles clartés. Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire, Que les parfums légers de ton air embaumé, Que tout ce qu’on entend, l’on voit ou l’on respire, Tout dise : Ils ont aimé ! 2 Cours de G. Zaneboni « Le Lac », Méditations poétiques (1820), Alphonse de Lamartine (1790-1869) Lecture analytique des 9 premières strophes Analyse linéaire rédigée + plan succinct (à apprendre !) Travail préparatoire Situation : Auteur : Alphonse de Lamartine Œuvre : « Le Lac », Méditations poétiques Contexte : 1820, Biog : inspiration de Julie Charles devenue Elvire Culturel : romantisme opposition du classicisme Nature : Genre : poème Types : description, monologue du « je » lyrique au Lac + monologue rapporté d’ Elvire, réflexion, argumentation, récit Registres : lyrique, élégiaque, symbolique Idée générale : Le poète déplore la fuite du temps et de l’amour en donnant notamment la parole à la femme aimée absente Composition : extrait v.1 à 36 : Forme : 9 premières strophes du poème intégral, 5 premiers quatrains : 3 alex, un hexasyllabe 4 autres quatrains : un alex , un hexa, un alex, un hexa Rimes croisées Fond, plan du texte : 2 parties : 1° partie : vers 1 à 20 5 quatrains formés de 3 alexandrins et d’un hexasyllabe à rimes croisées présentent monologue du poète au lac personnifié qui introduit réflexion et récit 1° quatrain : méditation générale et métaphorique sur la fuite du temps 2° quatrain : début de l’invocation au lac avec l’évocation de la situation présente du poète solitaire 3°, 4°, 5° quatrains : plongée dans le souvenir 2° partie : vers 21 à 36 4 quatrains, présentés entre guillemets qui alternent deux alexandrins et deux hexasyllabes à rimes croisées nous restituent le monologue d’Elvire, enchâssé dans celui du poète, qui invoque le temps, le conjure de suspendre son cours (quatrains 6 et 7) puis se rend compte de l’inanité de son désir (quatrain 8) avant de lancer son conseil hédoniste, l’appel au carpe diem (quatrain 9). Problématique : comment Lamartine renouvelle-t-il en romantique les topoï du lyrisme ? INTRODUCTION Quand Lamartine écrit « Le Lac » (qui sera publié dans Les Méditations poétiques, un recueil poétique publié en 1820 qui regroupe 24 poèmes, considéré comme le premier manifeste du romantisme français) Julie Charles, femme aimée immortalisée sous le nom d’Elvire, est encore vivante mais retenue près de Paris par la « maladie de langueur » (tuberculose) qui va bientôt l'emporter. Seul au rendez-vous, attendri par le spectacle du lac du Bourget et vivement ému par le souvenir d'un bonheur si tôt menacé, le poète exprime son angoisse devant la fuite du temps, et son désir d'éterniser cet amour au moins par le souvenir. D'abord intitulé Le Lac de B... , ce poème est donc lié à des circonstances précises s’il est aisé pourtant d'y découvrir bien des réminiscences littéraires (cf. Lagarde et Michard, auteurs du manuel Bordas XIX° siècle dont je me suis un peu inspirée). On va voir comment Lamartine renouvelle en romantique les topoï du lyrisme dans cette plainte élégiaque (I) où il entrelace les thèmes symbolique et pathétique de l’eau de l’amour et du temps (II). Composition (pour l’oral) 1° partie : vers 1 à 20 5 quatrains formés de 3 alexandrins et d’un hexasyllabe à rimes croisées présentent l’invocation du poète au lac 3 Cours de G. Zaneboni personnifié : 1° quatrain : méditation générale et métaphorique sur la fuite du temps 2° quatrain : début de l’invocation au lac avec l’évocation de la situation présente du poète solitaire 3°, 4°, 5° quatrains : plongée dans le souvenir 2° partie : vers 21 à 36 4 quatrains, présentés entre guillemets qui alternent deux alexandrins et deux hexasyllabes à rimes croisées nous restituent le monologue d’Elvire, enchâssé dans celui du poète, qui invoque le temps, le conjure de suspendre son cours (quatrains 6 et 7) puis se rend compte de l’inanité de son désir (quatrain 8) avant de lancer son conseil hédoniste, l’appel au carpe diem (quatrain 9). Analyse linéaire La 1° strophe, une interrogation rhétorique qui n’attend pas de réponse, constitue l’introduction générale de la thématique de la fuite du temps évoquée dans une métaphore filée traditionnelle, celle de la navigation : « nouveaux rivages », « emportés », « océan », « jeter l’ancre ». L’existence humaine est assimilée à une errance perpétuelle sur la mer. A travers le poète qui utilise la 1° personne du pluriel, c’est toute l’humanité qui exprime son malaise et sa lassitude devant la course infernale du temps. Les hommes sont montrés comme passifs (« poussés », « emportés ») face au temps évoqué dans une double métaphore : « nuit éternelle » qui symbolise l’angoisse et l’inconnu, « océan des âges » (jeu sur l’alliance entre le concret et l’abstrait). L’interrogation plaintive montre l’ardente aspiration à l’arrêt de la fuite du temps. Le lyrisme est ainsi patent dans l’expression des sentiments par la présence d’un « je » lyrique mais aussi par le travail musical, la douceur des sons [u] [r], [ʒ], les nasales [ã]. Avec la 2° strophe débute l’invocation au lac dans un vocatif, une apostrophe personnifiante : « Ô lac », mise en valeur par la coupe. Le poète évoque sa situation présente face à ce lac, connu l’année d’avant avec Elvire : « l’année à peine a fini sa carrière » et le rendez-vous qu’ils s’étaient fixé : « Et près des flots chéris qu’elle devait revoir ». La nature complice apparaît à travers l’expression des sentiments de l’homme et l’hypallage, les « flots chéris » puisqu’ils étaient les témoins de leur amour. L’impératif exhortatif « regarde » poursuit l’invocation et la personnification, lance le thème de la solitude du « je » lyrique : « Je viens seul ». La femme aimée est évoquée uniquement par des pronoms personnels sujets (« elle ») et compléments « la » ; ce jeu sur les pronoms et la répétition du mot « asseoir » insiste sur l’absence physique d’Elvire. La strophe est parcourue d’exclamations qui lui uploads/Litterature/ 4-lamartine-le-lac.pdf

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