www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Michel del CASTILLO (Espagne -

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Michel del CASTILLO (Espagne - France) (1933-) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (surtout ‘’La nuit du Décret’’, roman étudié dans un dossier à part). Bonne lecture ! 1 Il est né à Madrid le 2 août 1933, à la veille de la guerre civile. Son père, Georges Michel Janicot, était un bourgeois français mi-lyonnais, mi-breton dont la famille avait été ruinée par la crise de 1929, un homme de droite taraudé par le sens des convenances, soucieux de préserver les privilèges dus à son rang, employé au Crédit Lyonnais de Madrid. Sa mère, Candida Isabel del Castillo, était une juive espagnole qui appartenait à une famille de riches propriétaires terriens. Très francophile, elle avait fait des études supérieures de français à Paris. Elle faisait partie de l’étroite minorité des bourgeois éclairés et était même farouchement républicaine. Elle s’était déjà mariée deux fois auparavant, avait tant d’amants que l’enfant ne savait pas qui était son père. En 1935, devant la montée des périls, Georges Michel Janicot rentra en France pour occuper un poste de cadre commercial chez Michelin, à Clermont-Ferrand. Au printemps 1936, revenu inopinément à Madrid, il découvrit que Candida Isabel, qui était journaliste, qui militait pour le ‘’Frente popular’’, avait renoué avec un ancien amant dont elle avait eu deux fils. Coupant court à ses explications, il repartit pour la France. Son fils éprouva cette séparation comme un rejet. Mais lui, qui ne l'avait pour ainsi dire pas connu, allait le « rêver » à travers les récits de sa mère. Et, dès ce temps-là, a lecture a été son unique point de repère : « Dès l'âge de trois- quatre ans, je ne comprends rien à ce que ma mère fait, puis plus tard aux hommes qui défileront. Cela ne me choque pas, mais ça a dû me frapper, me marquer. Ma mère, bien sûr, je ne devrais pas dire ça, mais c'est vraiment quelqu'un qui me répugne, c'était un monstre. Elle a commis des choses irréparables. Quand vous voyez le nombre de vies qu'elle a détruites ! J'ai dû, très tôt, me sentir en danger de mort et une partie de moi-même s'est dit : ‘’Il faut que tu te repères, il va se passer quelque chose.’’ Les contes que je dévorais me disaient la même chose : ‘’Si je n'utilise pas mes petits cailloux, je ne retrouverai pas mon chemin.’’ Sans les livres je ne tenais pas debout. Imaginez ce que peut être la vie d'un enfant avec quelqu'un qui ment vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur tout, ses maris, ses amants, ses enfants abandonnés, son âge, ses identités. On est en plein romanesque et un enfant ne peut pas faire le partage. Malgré tout, elle me fascine, je lui voue cette admiration que m'inspiraient les personnages sombres de mes romans, autrement séduisants, à mes yeux de petit lecteur pervers, que les pures jeunes filles et les héros sans reproche. Et puis il y a cette situation historique incompréhensible. Qui sont les bons? Qui sont les méchants? Moi, je nais dans une guerre civile : officiellement, au départ, les méchants sont les rouges, et d'un seul coup ce sont les fascistes. Pour l'enfant, personne n'est fiable. Alors, il reste au moins les contes qui donnent le blanc et le noir. Malgré les heurts, les enfants finissent toujours par rentrer à la maison, par devenir grands... Tous ces écrivains, Balzac, Dumas, m'ont pris par la main.» En effet, en juillet 1936, après le succès du ‘’Frente popular’’ aux élections, ce fut la guerre civile qui vit aussitôt un débordement de violence de la part des deux camps. Jour et nuit la mort rôdait autour de la mère et de son enfant. L’avocat Joaquin Calvo Sotelo, chef du parti monarchiste, ayant été enlevé et sauvagement abattu par des gardes d’assaut. Candida Isabel, qui le connaissait, envoya une lettre à la famille, où ellle condamnait son assassinat. Or, dans Madrid et sa région, c’était le parti communiste qui exerçait le pouvoir, et sa police politique saisit la lettre et l’arrêta. Elle fut détenue dans un ancien couvent converti en prison. Accompagné de sa grand-mère, l’enfant lui rendait visite. À l’automne, les armées du Nord, commandées par le général Mola, et celles du Sud, sous les ordres de Franco, convergèrent vers Madrid. Galvanisant les énergies, les communistes, avec l’aide des Brigades Internationales et de l’armement soviétique, réussirent à briser l’élan des franquistes. Le front n’allait pratiquement plus bouger jusqu’à la fin de la guerre. Assiégée, la capitale subit des bombardements intenses. Les Madrilènes souffrirent de la faim et du froid, car le charbon manquait. Comme tous les enfants de la ville, Miguel fut atteint de malnutrition ; ses mains et ses pieds se couvrirent d’engelures ; il souffrait par ailleurs d’une affection pulmonaire. Égaré entre le chaos de la guerre et la frénésie de sa mère qu’il aimait passionnément, il se réfugia dans la lecture. En 1937, libérée, Candida Isabel regagna l’appartement de la rue Castello et reprit son fils, qui habitait chez sa grand-mère, rue Goya. Elle épousa un lieutenant des Brigades Internationales, José Sfax, qui fut tué au front quelques mois plus tard. Sous le nom d’Isabel ou Isabelita, elle écrivit dans la presse républicaine, devint très populaire par les causeries qu’elle tenait chaque nuit à Radio Madrid, son alacrité divertissant les auditeurs. Elle vivait alors avec l’un des chefs de la police politique du parti communiste. 2 Fin mars 1939, quelques jours seulement avant l’entrée des troupes franquistes dans la capitale, Candida Isabel partit pour Valence où elle s’embarqua vers la France, via Oran. Abandonnant ses trois autres enfants, elle emmena Miguel avec elle, malgré les supplications de sa grand-mère et de sa nourrice. Sans doute avait-elle l’espoir d’attendrir Michel Janicot. Prévenu par un télégramme expédié d’Oran, il les accueillit à Marseille, sans chaleur, car il avait appris son mariage avec José Sfax. Pourtant, il tira la mère et l’enfant du centre d’hébergement où les exilés espagnols étaient parqués, se porta garant pour eux, les installa au Mayet de Montagne, près de Vichy, espérant que l’air de la campagne améliorerait la santé délabrée de son fils, pour lequel il versa une somme représentant sa pension alimentaire jusqu’à sa majorité. Mais Candida Isabel, dépensant sans compter, fut bientôt réduite à vivre d’expédients, devenant entraîneuse au Casino de Vichy. De bouge sordide en hôtel minable, le petit Miguel, devenu Michel, ne mangeait pas à sa faim, se couchait tard, vivait en reclus, attendant le retour de cette mère adorée et redoutée. Mais sa véritable vie se passait dans les livres, la musique. Lorsque, en septembre, la Deuxième Guerre mondiale éclata, Candida Isabel s’affola, plaça à plusieurs reprises son fils dans des fermes des environs. En 1940, elle se rendit à Clermont-Ferrand, se répandit en récriminations, accusant son ex-mari de les avoir abandonnés, elle et son fils, de les condamner à la pire misère. Fou de rage, ne voulant pas que la présence de cette tapageuse républicaine espagnole le gêne dans la conduite de ses affaires, il la dénonça aux autorités de Vichy. En vertu des décrets Daladier, elles pouvaient interner dans des camps « les étrangers indésirables, susceptibles de troubler l’ordre public ». Candida Isabel fut conduite au camp de Rieucros, près de Mende, dans la Lozère, où le régime était dur. Effondrée, elle écrivit au préfet en le suppliant de lui permettre de récupérer son enfant. Son fils dira plus tard d’elle : «Elle m'aimait d'autant plus que je lui étais utile. Par exemple, après notre départ en exil en mars 1939, quand on l'a envoyée dans le camp de Rieucros en Lozère, elle a demandé l'autorisation de m'y emmener alors que les enfants étaient interdits. Mais il ne s'agissait pas d'amour. Elle pouvait très bien, pour me mettre à l'abri, me renvoyer chez sa mère en Espagne ou dans la famille de mon père à Paris. Elle n'a cessé de me mettre devant elle comme un matelas protecteur. » Alors qu’elle disposait de tous les moyens de le mettre à l’abri, elle choisit de l’entraîner dans ce qui, du fait de la guerre et de l’Occupation, allait devenir une tragédie. À Rieucros, l’enfant retrouva le froid, la faim, la peur, l’angoisse surtout de perdre sa mère, car elle faisait de fréquents séjours à l’infirmerie. Une juive allemande, Dora Schaul, s’occupait alors de lui. À la fin de l’année, Candida Isabel fut transférée à l’hôpital de Montpellier d’où elle s’évada, munie par un inspecteur de police de faux papiers au nom de Blanche Azéma. Avec son fils, elle se cacha quelque temps dans la banlieue de Montpellier où leurs photos étaient affichées au commissariat central. Les cheveux teints d’un blond platine, la prétendue Blanche Azéma monta enfin dans un train pour Marseille d’où elle espérait gagner le Mexique ou les États-Unis. Ils arrivèrent sans encombre à Marseille, mais ne purent s,embarquer, et leur existence errante recommença, comme recommencèrent aussi, pour son fils, les placements. Chaque fois, il uploads/Litterature/ 91-castillo.pdf

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