La Fontaine et Molière Author(s): Pietro Toldo Source: Revue d'Histoire littéra
La Fontaine et Molière Author(s): Pietro Toldo Source: Revue d'Histoire littéraire de la France, 18e Année, No. 4 (1911), pp. 733-766 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40517057 Accessed: 23-06-2020 07:54 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at https://about.jstor.org/terms Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Revue d'Histoire littéraire de la France This content downloaded from 193.50.135.4 on Tue, 23 Jun 2020 07:54:10 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms Revue d'Histoire littéraire de la France LA FONTAINE ET MOLIÈRE La Fontaine n'a pas écrit une seule pièce de théâtre qui soit digne de passer à la postérité et, malgré cela, on ne saurait lui contester des talents comiques de premier ordre. Il nous a présenté lui-même son vaste recueil de fables, comme « une ample comédie à cent actes divers », où les bêtes devraient représenter les hommes, mais où il n'est question bien souvent que d'acteurs humains. Voyez Le savetier et le financier, Le vieillard et ses enfants, L'oracle et l'impie, La vieille et les deux servantes, Le mal marié, Le trésor et les deux hommes, où Ton ne rencontre pas même l'ombre d'un animal. Tous ces personnages, quel que soit le degré qu'ils occupent dans l'échelle des êtres vivants, pensent, agissent, se remuent et surtout parlent, en des dialogues ou en des mono- logues courts et pétillants de verve, avec l'enjouement et la malice des Zanni et des Scapins. Écoutez ce boniment de bateleur débité par le singe Gille et vous verrez paraître devant vous la foire avec ses baraques de saltimbanques et de prodiges : Venez de grâce; Venez, Messieurs, je fais cent tours de passe-passe. ... votre serviteur Gille, Cousin et gendre de Bertrand, Singe du Pape en son vivant, . Tout fraîchement en cette ville Arrivé en trois bateaux... ... Il sait danser, baller, Kevlk d'hist. littéh. de la France (18* Ann.). - XVIII. 48 This content downloaded from 193.50.135.4 on Tue, 23 Jun 2020 07:54:10 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 734 REVUE D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE. Faire des tours de toute sorte, Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs. Non, messieurs, pour un sou; si vous n'êtes contents Nous rendrons à chacun son argent à la porte 1 ! Plus loin, Tabarin appelle, à son tour, la foule à renfort 3 grands cris : Oui, messieurs, un lourdaud, un animal, un âne; Que Ton m'amène un âne renforcé, Je le rendrai maître passé 2. Puis, dans la rue, des commères bavardent sur l'homme qui a pondu un œuf et se confient le grand secret à l'oreille : Au nom de Dieu, gardez-vous bien D'aller publier ce mystère, Vous moquez-vous?... ah! vous ne savez guère Quelle je suis. Allez ne craignez rien3. Enfin sur la grand'route passent deux paysans, père et fils, qui vont vendre leur âne au marché et que tout le monde apos- trophe comme vous savez4. D'autres exemples se présentent en foule à mon souvenir : la cigale repoussée par la fourmi, maître renard tenant son fameux discours à maître corbeau, le dialogue si plaisant de cet ivrogne renfermé, par sa femme, dans un tombeau : Quelle personne es-tu? - De Satan... et je porte à manger A ceux qu'enclôt la tombe noire. - ... Tu ne leur portes point à boire? - Ajoutez la mouche qui injurie la fourmi « vil et rampant animal» et celle-ci ripostant de plus belle, le monologue célèbre de l'âne jaloux du chien que Ton caresse, et les répliques à l'avare qui a perdu son trésor3. C'est une scène mouvementée. Grippe-sou « gémit, soupire, se tourmente, se déchire ». Un passant lui demande le pourquoi de tous ces cris : C'est mon trésor que l'on m'a pris. - Votre trésor! où pris? - Tout joignant cette pierre. - Eh! sommes-nous en temps de guerre, I. JA, ó. 2. IV. 9. 3. vin, 6. 4. Ill, 1. 5. I, 1, 2; III, 7; IV, 3, o, 20. This content downloaded from 193.50.135.4 on Tue, 23 Jun 2020 07:54:10 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms LA FONTAINE ET MOLIÈItE. 735 Pour rapporter si loin? N'eussiez-vous pas m De le laisser chez vous en votre cabinet, Que de le changer de demeure? Vous auriez pu sans peine y puiser à toute A toute heure, bons dieux! ne tient-il qu'à c L'argent vient-il comme il s'en va? Je n'y touchais jamais. Et le passant de s'écrier : Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent Mettez une pierre à la place; Elle vous vaudra tout autant. Ces bouts de conversations sont tellement dans le caractère artistique de notre poète, qu'il lui arrive parfois, dans ses contes, de les entremêler aux récits, en formant ainsi des piécettes, avec les noms des acteurs en tête et des rôles fixés d'après le caractère des personnages. La servante justifiée nous offre deux interlo- cuteurs : La Voisine et la Femme; la nouvelle suivante, La gageure des trois commères, met en scène Guillot, le Mari et la Femme; Camille et Constance s'adressent directement au public dans La courtisane amoureuse. La vis comica de La Fontaine paraît aussi à l'agencement de ses fables dont les sujets forment autant de petits drames tantôt badins et tantôt émouvants. Il y a des farces du Moyen Age et de la Renaissance, certaines comédies même du xviie siècle, déve- loppant de plus minces sujets. On peut choisir les exemples de ce que j'avance parmi les pièces les plus connues. Quel canevas vif et intéressant que celui, par exemple, du Savetier et du Financier1 ! Le rideau se lève et le premier de ces personnages se présente à la rampe, maniant les outils de son métier et chantant une gaie chansonnette, de celles qui courent les rues. Le financier, en son hôtel, écoute. Bien qu'il roule sur l'or les soucis l'entourent; il dort peu et mange moins. Comment se fait-il que ce savetier, qui ne possède pas le sou, a l'air si heureux? Peut-on être heureux sans un palais, sans un carrosse, sans l'assurance du moins de l'avenir? Qu'un dé ses valets aille le quérir. Le disciple de saint Crépin se passerait volontiers de cette visite. Les grands seigneurs sont toujours redoutables, surtout lorsqu'ils paraissent s'intéresser à vous. D'un air gauche, le savetier entre dans le cabinet et le seigneur le contemple du haut de son trône : i. vu, 2. This content downloaded from 193.50.135.4 on Tue, 23 Jun 2020 07:54:10 UTC All use subject to https://about.jstor.org/terms 736 REVUE d'iIISTÛIRK LITTERAIRE DE LA TRANCE. Or ça, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an? Par an? la question étonne le bonhomme, car ce n'est pas là sa manière de compter. « II me suffit que chaque jour amène son pain ». Le richard sourit : Prenez ces cent écus; gardez-les avec soin, Pour vous en servir au besoin. Générosité étrange, unie à un conseil de la dernière prudence. Le savetier remercie tout confus et retourne dans son taudis, agité, affolé. Cent écus! mais c'est un trésor sur lequel il faudra veiller sans cesse. Y a-t-il un endroit où le cacher? Sa cave est-elle sûre? Est-ce que personne n'a vent de l'affaire? Les valets du richard ne l'ont-ils pas épié? Il songe, il enterre son or et sa joie; la nuit se remplit d'ombres menaçantes, il tend l'oreille, tressaille et si un chat fait du bruit, le chat vole son argent. Puis vient le dénouement, d'une moralité aussi douteuse qu'absurde : la resti- tution de l'argent au financier qui va le prendre certainement pour fou. Tournez quelques pages et vous trouverez l'idylle des deux pigeons qui s'aiment, se quittent, se désespèrent et se retrouvent *, puis l'aventure plus complexe de L'en fouisseur et son compère, ensuite, dans la dixième fable du même livre, l'histoire d'une gravité d'exempla du berger que le roi a élevé à la dignité de ministre et que les courtisans envient et tâchent de perdre. Arrêtons-nous un instant devant un tableau de mœurs. Il est question d'un petit bourgeois qui a recours au seigneur du village afin qu'il le délivre d'un lièvre qui mange ses choux : Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie2. C'est la parole d'un gentilhomme et le lièvre n'a qu'à se tenir sur ses gardes. Le jour suivant, le hobereau arrive suivi de ses valets et de ses chiens, « tous gens bien édentés » : Ça, déjeunons, dit-il : vos poulets sont-ils tendres? La fille du logis, qu'on vous voie, approchez ! Quand la marierons-nous, quand aurons-nous des gendres? 11 a bien l'air de vouloir prendre part à la noce et la fait asseoir auprès de uploads/Litterature/ a-toldo-pietro-la-fontaine-et-moliere-1911.pdf
Documents similaires
-
16
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Mar 20, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 1.8838MB