Paul LAGRANGE L'HISTOIRE D'ABRAHAM NDAA 2006 – 2007 23 LA VOCATION D'ABRAHAM Ge
Paul LAGRANGE L'HISTOIRE D'ABRAHAM NDAA 2006 – 2007 23 LA VOCATION D'ABRAHAM Genèse 11, 26 – 12, 5 (Genèse 11, 26) Tèrah vécut soixante-dix ans et fit enfanter (engendra) Abram, Nahor et Haran. (27) Voici la famille de Tèrah : Tèrah fit enfanter Abram, Nahor et Haran. Haran fit enfanter Loth. (28) Haran mourut avant son père Tèrah dans le pays de son enfantement, à Our des Chaldéens. (29) Abram et Nahor prirent femme ; l’épouse d’Abram s’appelait Saraï et celle de Nahor Milka, fille de Haran, père de Milka et père de Yiska. (30) Et Saraï était stérile, pour elle pas d’enfanceau. (31) Et Tèrah prit Abram son fils et Lot fils d’Haran, fils de son fils, et Saraï sa bru, femme d’Abram son fils. Et ils sortirent avec eux de Our des Chaldéens pour aller au pays de Canaan et ils arrivèrent à Harrân où ils habitèrent. (11, 32) Les jours de Tèrah furent de deux cent cinq ans et il mourut à Harrân. (12, 1) Et YHWH dit à Abram : « Pars hors de ton pays, hors de ton enfantement, hors de la maison de ton père, vers le pays que je te ferai voir. (2) pour que je fasse de toi une grande nation, et que je te bénisse et que je grandisse ton nom. Et sois bénédiction, (3) que je bénisse ceux qui te bénissent - mais celui qui te méprise, je le maudirai- et que par toi acquièrent pour eux bénédiction toutes les familles de la terre. (4) Abram partit comme le lui avait dit le Seigneur, et Lot partit avec lui. Abram avait soixante-quinze ans quand il quitta Harrân. (5) Il prit Saraï sa femme, Lot son neveu, tous les biens qu’ils avaient amassés et les êtres qu’ils avaient acquis (faits) à Harrân. Ils sortirent pour le pays de Canaan. Paul LAGRANGE L'HISTOIRE D'ABRAHAM NDAA 2006 – 2007 24 Les origines d’Abraham (11, 27- 32) Après la dispersion qui termine l’histoire de Babel, le livre de la Genèse comporte une ‘’généalogie’’ qui conduit en dix générations de Sem, fils de Noé, à Abraham. En hébreu, cette liste de descendants de Sem est précédée par la mention : Voici les tolédot de Sem… Lors de notre première rencontre, je vous disais que cette formule revient plus de dix fois dans le la Genèse pour unifier le livre et préciser les liens entre les personnages. Ce mot ‘’tolédot’’ est formé sur une racine YLD ou WLD qui a donné entre autres le substantif yéled, enfant, le verbe yalad qui, dans sa forme simple, s’applique à la femme qui enfante et, dans sa forme factitive, concerne l’homme qui ‘’fait enfanter’’, qui engendre. Le mot ‘’tolédot’’ est rendu par descendance ou famille ou encore générations, enfantements, engendrements. Ce dernier mot, engendrements, convient bien à cette liste des descendants de Sem car, pour chacun des huit premiers personnages cités, le texte précise seulement l’âge auquel il engendre (ou fait enfanter) son premier fils, indique la durée de sa vie après cette naissance et mentionne s’il engendra d’autres fils et filles. Voici, par exemple, ce qui est dit d’Arpakshad, fils de Sem, qui est le second cité dans ces enfantements : Arpakshad avait vécu trente-cinq ans quand il engendra Shèlah. Après avoir engendré Shèlah, Arpakshad vécut quatre cent trois ans, il engendra des fils et des filles. En lisant ces ‘’toledot’’ on note que, au fil des générations, la durée de la vie va en diminuant : Sem, fils de Noé vécut 600 ans, ses premiers descendants de l’ordre de 450 ans, puis la longueur des jours descend à 230 ans pour les suivants. Tèrah, père d’Abraham, le neuvième de la série, aurait vécu 205 ans. Cette diminution serait le signe de la perversion croissante de l’humanité. Tèrah, père d’Abram, et le refus de la différence (11, 26-32) Nous allons lire à la loupe la fin du chapitre 11, les quelques versets consacrés à Tèrah, car ils contiennent de nombreux indices qui permettent au lecteur attentif de conclure que la force vitale s’épuise dans le clan de Tèrah, que cette génération est minée par l’endogamie, la répétition, la stérilité. Selon le verset 26, Tèrah eut son premier fils à soixante-dix ans, puis deux autres ensuite, au total trois fils, Abram, Nahor et Haran. Les versets 27 à 30 complète ces données sur Tèrah qui est ainsi mieux connu que ses ancêtres. Tèrah eut donc trois fils, Abram (qui recevra plus tard le nom d’Abraham), Nahor et Haran. Le plus jeune fils de Tèrah, Haran, eut à son tour un fils, Lot, et fut aussi le père de deux filles, Milka et Yiska. Puis Haran mourut avant son père (ou devant lui). Abram, l’aîné des fils de Tèrah, épousa Saraï (dont la filiation n’est pas précisée pour l’instant) et le second, Nahor, épousa Milka, sa nièce, fille de son jeune frère Haran. Ce passage se termine par la mention de la stérilité de Saraï affirmée deux fois, d’abord par la constatation : Saraï était stérile puis répétée sous une forme différente : pour elle, pas d’enfanceau. Le mot traduit par enfanceau est un substantif rare de la racine YLD dont les dérivés sont nombreux dans tout ce passage des enfantements. Cette insistance sur la stérilité de Saraï prépare l’histoire d’Abram dans laquelle la longue attente d’un fils joue un rôle central. La succession des générations qui se répétait immuable depuis Sem semble perturbée comme le montrent plusieurs indices. Tèrah a son premier fils à 70 ans alors que ses pères engendraient dès l’âge de trente ans et son second fils naît Paul LAGRANGE L'HISTOIRE D'ABRAHAM NDAA 2006 – 2007 25 après la mort de son père à lui,Tèrah, qui s’appelait Nahor (Gn 11, 24-25). Tèrah donne à ce second fils le nom de Nahor, comme s’il était lui impossible de faire le deuil de son propre père. Nous constatons que le clan de Tèrah est complètement fermé sur lui-même. En effet le fils aîné, Abram, prend pour femme Saraï dont nous apprendrons plus tard (Gn 20, 12) qu’elle est sa demie sœur, fille de Tèrah et d’une autre mère. Le second fils épouse sa nièce Milka, fille de son jeune frère décédé. On remarque, d'autre part, que Tèrah a inscrit son propre désir dans les noms qu’il a donnés à Abram et Saraï. Abram signifie ‘’le père est grand’’ et le fils porte ainsi dans son nom le destin de ne vivre que dans la célébration de son géniteur. Saraï qui signifie littéralement ‘’ma princesse’' n’est pas mieux lotie : son père lui dit en quelque sorte : « Tu demeures ma princesse » et ne lui laisse pas de place pour un mari ou un fils1. La procréation tardive de Tèrah, la mort d’un fils avant celle de son père, la reprise d’un même nom Tahor, les mariages entre proches qui, sans être des incestes frère- sœur ou père-fille, sont cependant des unions très proches, la stérilité de Saraï, des noms qui interdisent aux enfants l’autonomie, la liberté, tous ces indices nous laissent entendre que la force de vie se tarit, que la génération de Tèrah ne crée plus de neuf, qu’elle bégaye. Le pays de Tèrah et de sa famille est, selon 11, 28, Our ou Ur, une ville située au sud de la Mésopotamie, de l’Irak actuel, cité qui connut un grand éclat à la fin du 3e millénaire, plus de 20 siècles avant Jésus-Christ, mais la précision ‘’ Our des Chaldéens’’ suppose l’arrivée au pouvoir des Chaldéens, c'est-à-dire des Babyloniens, qui n’a eu lieu que vers la fin du 7e siècle. Our, comme Harrân, ville citée plus loin au verset 31, ont repris de l’importance au 6e siècle sous le règne de Nabonide, le dernier roi de Babylone (556-539) avant que les Perses conquièrent la Babylonie et mettent fin à l’exil d’Israël. La première phrase du verset 31 Et Tèrah prend Abram son fils et Lot fils d’Haran, fils de son fils, et Saraï sa bru, femme d’Abram son fils, ne dit rien que nous connaissions déjà, Abram est fils de Tèrah, Lot est fils de Haran, Saraï est épouse d’Abram, mais nous confirme que le clan refuse l’altérité par la manière dont elle souligne le lien qui attache tout le groupe à Tèrah ; Abram est fils de Tèrah, il est ‘’son’’ fils, Loth est fils d’Haran c'est-à-dire fils de ‘’son’’ autre fils, Saraï est ‘’sa’’ bru et femme de ‘’son’’ fils. La dépendance de tous à l’égard de Tèrah est ainsi mise en valeur par ces quatre possessifs et elle est confirmée par le verbe qui exprime que Tèrah emmène avec lui sa famille : Tèrah les ‘’prend’’ comme ses choses. Le groupe part de Our qui est, nous l’avons vu, au sud de la Mésopotamie, avec l’intention d’aller au pays de Canaan. Il remonte d’abord vers le nord de la Mésopotamie, en restant dans les zones fertiles, et va jusqu’à Harrân, une ville qui serait aujourd’hui au sud de la Turquie, près uploads/Litterature/ abraham-3.pdf
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- Publié le Mar 10, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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