MARGARETA GYURCSIK, ELENA GHIŢĂ, FLORIN OCHIANĂ, MARIA ŢENCHEA ________________

MARGARETA GYURCSIK, ELENA GHIŢĂ, FLORIN OCHIANĂ, MARIA ŢENCHEA _________________________________________ LA ROUMANIE ET LA FRANCOPHONIE 2 SCRIPTORIUM STUDII, ESEURI, MONOGRAFII Serie îngrijită de LUCIAN ALEXIU En couverture: Călin Beloescu, “COMPOSITION” (détail) LA ROUMANIE ET LA FRANCOPHONIE ROMÂNIA ŞI FRANCOFONIA © MARGARETA GYURCSIK, ELENA GHIŢĂ, FLORIN OCHIANĂ, MARIA ŢENCHEA © EDITURA ANTHROPOS, 2000 Bd. Cetăţii 52, sc. A, ap. 40 1900 Timişoara, România lucianalexiu@banat.ro All rights reserved Toate drepturile asupra acestei ediţii aparţin EDITURII ANTHROPOS Reproducerea parţială sau integrală a textului, pe orice fel de suport tehnic, fără acordul editorului, se pedepseşte conform legii. ISBN 973-99664-8-9 Printed in Romania Ouvrage publié avec le concours du Conseil National pour la Recherche Scientifique dans l’Enseignement Supérieur de Roumanie (C.N.C.S.I.S.) 3 LA ROUMANIE ET LA FRANCOPHONIE par MARGARETA GYURCSIK, ELENA GHIŢĂ, FLORIN OCHIANĂ, MARIA ŢENCHEA ANTHROPOS 4 SOMMAIRE Avant-propos / Les cultures francophones dans le monde contemporain (Margareta Gyurcsik) / Francophonie et francophilie (Elena Ghiţă) / Fin d’un mythe (Margareta Gyurcsik) / * * * Considérations sur quelques thèmes fondamentaux chez Cioran (Florin Ochiană) / Emil Cioran et le refus de la médiocrité (Florin Ochiană) / Eugène Ionesco et l’esprit postmoderne (Margareta Gyurcsik) / Une contribution roumaine au Nouveau Roman (Margareta Gyurcsik) / Tisser – métisser : une image roumaine de la francophonie (Margareta Gyurcsik) / La littérature roumaine d’expression française à travers le projet LIROM (Maria Ţenchea) / 5 Avant-propos En cette fin de siècle et de millénaire, la Roumanie reste le pays le plus francophone de l’Europe Centrale et Orientale, un pays où l’enseignement du français occupe, depuis longtemps, une place privilégiée, et qui a donné à la francophonie du XXe siècle de nombreux écrivains importants tels que Panaït Istrati, Tristan Tzara, Eugène Ionesco, Emil Cioran, etc. Depuis son entrée dans la Francophonie en tant que membre à part entière, lors du Sommet de Maurice, la Roumanie participe à la vie institutionnelle et associative de la Francophonie, s’intégrant dans les programmes et les projets qui visent le développement économique et technique, la modernisation et la démocratisation de la société et de ses institutions, les échanges culturels et scientifiques. Aujourd’hui, la Roumanie se dirige résolument vers la démocratie et l’économie de marché, en vue de son intégration euro-atlantique. Le principal avocat de cette intégration à l'OTAN et à l'Union Européenne a été et continue d’être la France avec son président Jacques Chirac, en raison des relations privilégiées ayant toujours existé entre la Roumanie et la France. La Roumanie participe désormais à la "vision d'avenir" des États et gouvernements qui composent la Francophonie. Ce qui donne sens à l’ensemble, c’est la culture, "forte de chacune de celles qui la constituent, exprimée dans une langue partagée, comme l’affirme Jean-François de Raymond (dans Francophonie et mondialisation : une occasion à saisir, L’année francophone internationale, 1998), tout en soulignant l’idée que "cette entreprise de paix, de développement mutuel et de promotion culturelle est capable d'enthousiasme, de susciter la générosité et d'attirer les compétences. (…) La place et le message de la Francophonie sont essentiels à la mondialisation." Dans ce contexte, le présent ouvrage se propose d’étudier quelques aspects susceptibles de définir la contribution spécifique de la culture roumaine à la Francophonie, tout en montrant, implicitement, de quelle façon les grands écrivains francophones roumains saisissent et expriment "le visage actuel et multiple" de l'espace francophone. LES AUTEURS Timişoara, septembre 2000 6 LES CULTURES FRANCOPHONES DANS LE MONDE CONTEMPORAIN par MARGARETA GYURCSIK "La culture est l’équilibre invisible des choses qui nous habitent, la démocratie l’ordre visible de celles qui nous gouvernent. La culture est une configuration de l’être, la démocratie une organisation de l’existence. L’une nous aide à vivre, l’autre à agir..." (Hélé Béji)1 Une relation paradoxale : culture-démocratie "Assez paradoxalement, il ne fut jamais autant question de dialogue des cultures et de l’égalité entre les cultures qu’à une époque où la plupart de celles-ci sont gravement menacées de marginalisation et où ne cesse de se confirmer la suprématie d’une seule langue internationale et d’un seul modèle socio-culturel"2. En effet, la suprématie de l’anglais et du modèle socio-culturel anglo-américain dans le monde contemporain s’exerce à une époque où prolifère un discours proclamant l’égalité, voire "l’équivalence" des cultures, de même que la nécessité de les faire dialoguer conformément au principe du pluralisme. Les conditions socio-politiques pour réaliser une telle égalité sont, théoriquement au moins, favorables, vu qu’on assiste, à partir des années soixante, au surgissement des sociétés postmodernes qui se définissent en tant que systèmes démocratiques "souples et ouverts" opposés aux systèmes démocratiques modernes, "universalistes-rigoristes"3. Cependant les démocraties post-modernes sont régies elles- mêmes par deux tendances divergentes : d’un côté, la politique de rapprochement des cultures et des individus censée favoriser l’avènement d’une culture transnationale, "aseptisée" et d’une sorte d’"homo mac donaldus"4 parfaitement anonyme ; de l’autre, la volonté d’assurer l’autonomie des cultures et des individus désireux de préserver leur identité et de leur conférer, à elle seule et contre toutes les autres, les lettres de noblesse de l’universalité. La question qui surgit en l’occurrence est de savoir comment on peut faire fonctionner le principe d’égalité des cultures afin d’aboutir au "nivellement démocratique" exigé par ce principe même, tout en évitant la menace d’uniformisation qu’on envisage souvent, à l’heure qu’il est, en termes apocalyptiques. Comment garantir le respect réel des identités culturelles "autres", tant que l’Autre continue à être envisagé comme une menace, un ennemi, un obstacle à franchir ou à éliminer ? Comment faire 7 accepter "l’équivalence des cultures" tant que celle-ci "excite en nous le souci croissant de se distinguer et de s’exalter" ?5 Enfin, comment trouver un remède à la "fièvre identitaire"6 qui risque de transformer le dialogue des cultures en un dialogue de sourds ou, pire même, en un champ de bataille où les cultures se concurrencent et deviennent des cultures rivales au lieu d’être des cultures égales ? L’époque est bien passée où toutes ces questions trouvaient réponse dans les beaux discours sur le dialogue interculturel entre partenaires égaux et où les paradoxes étaient occultés parce qu’on croyait naïvement que le dialogue pouvait offrir une solution généralement valable aux situations conflictuelles et faire fondre les idéologies/les cultures les plus diverses dans un consensus universel. Il est de plus en plus évident que le droit et l’accès universels à la communication ont engendré une nouvelle illusion censée entretenir l’utopie de l’"entente universelle", Il s’agit notamment de l’idée qu’il suffit que tout le monde accède à la parole pour que les inégalités disparaissent dans une "célébration universelle des cultures". Or, on oublie souvent que les dialogues des cultures dissimulent "une part d’intolérance et de narcissisme", vu que "la culture n’est pas toujours l’élan qui nous porte à nous apprécier ; inséparable de notre histoire politique et nationale, elle peut épouser les vertus du plus noble patriotisme comme les vices du plus hideux racisme"7. C’est que la démocratisation et l’universalisation de la culture en cette fin de siècle multiplient, paradoxalement, les revendications particulières et les obsessions narcissiques des identités repliées sur elles-mêmes, sur leurs origines et leurs valeurs. Dans la mesure où elle s’ouvre aux autres et accepte l’idée du pluralisme tout en exaltant ses propres valeurs, l’identité culturelle est, pour citer Albert Memmi, "gain et menace, positivité et négativité"8. Confrontées à ce paradoxe, les sociétés postmodernes tendent à favoriser un certain type de rapports interculturels qui remplacent la concurrence des cultures et leur lutte pour l’hégémonie en un dialogue dont l’enjeu est d’empêcher l’instauration (ou restauration) d’un "mono-pôle" politique, idéologique et culturel. Pour que ce dialogue se produise, il faut que toutes les cultures se sentent menacées par l’hégémonie potentielle d’un seul modèle culturel. Cela revient à refuser la conception de l’"identité culturelle monolithique" apte à imposer son hégémonie au détriment des autres. Si l’on admet que l’identité culturelle n’est pas "simple et immuable" mais, bien au contraire, "relative et changeante, objective et largement subjective"9, on est amené à conclure qu’on doit mettre en question les notions mêmes d’"absolu culturel" et de modèle culturel figé. En effet, la postmodernité met en question le discours autoritaire de la modernité fondé sur l’opposition nette de l’identité et de l’altérité, du Même et de l’Autre, voire sur l’ignorance du statut paradoxal de l’identité culturelle. C’est précisément sur la reconnaissance de ce statut paradoxal que reposent les tentatives actuelles de construire une culture postmoderne véritablement démocratique, "décentrée et hétéroclite"10 qui réconcilie ce que la modernité avait brutalement séparé. Le modèle triadique francophone Dans l’espace francophone, l’hégémonie de la France et le rayonnement de la culture française ont mené à l’instauration des rapports hiérarchiques et tensionnés entre la métropole et ses "périphéries" culturelles. La modernité a aiguisé les conflits et a augmenté la volonté de rupture et d’autonomie des cultures francophones. 8 La situation va changer au moment où le monde contemporain, entré dans sa période postmoderne, va être régi par une "mégatendance" qui va consister à remplacer les relations de type hiérarchique par des relations horizontales, "en réseaux"11. Au point de vue de la francophonie, le remplacement de la structure pyramidale par une structure "en réseaux" équivaut à l’effacement plus ou moins uploads/Litterature/ gyurcsik-laroumanie.pdf

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