Couverture : Jalkastudio - J. Allain ISBN : 978-2-296-99496-6 25 € Vera Gandelm
Couverture : Jalkastudio - J. Allain ISBN : 978-2-296-99496-6 25 € Vera Gandelman Terekhov Jeu d’échecs : littérature et mondes possibles Le jeu d’échecs et la littérature ont une analogie de fonctionnement, faisant la part belle à la créativité et à la liberté. Nombreux sont les auteurs qui ont exploité la portée symbolique et ludique du jeu d’échecs par leur stratégie d’écriture, où les combinaisons prolifèrent. Nabokov, Perec, Zweig l’ont utilisé d’un point de vue thématique ou structurel : le jeu d’échecs est la métaphore même de la création. Ce jeu, pourtant confiné à un espace fermé, ouvre sur le multiple. La partie peut évoluer selon la liberté du joueur à chaque bifurcation. Les combinaisons possibles de la partie tendent vers l’infini, le joueur dévoilant son secret en fin de parcours. L’activité créatrice met en évidence le rapport entre l’espace et le temps, les mathématiques et la mort. Umberto Ecco considère la littérature comme « une machine à produire des mondes possibles », en faisant des rapprochements avec le jeu d’échecs. Tout jeu installe un ordre, comme l’établit Georges Perec dans La vie mode d’emploi ou Vladimir Nabokov dans Feu pâle. Cependant, la structure n’existe que pour être transgressée faisant place à la liberté, l’humour, la créativité. Le joueur, comme l’artiste, crée sa variante personnelle, au-delà des règles fixées par avance. Perec bafoue sa propre règle à la soixante-sixième case de l’immeuble, alors que Nabokov l’introduit en parodiant le jeu. L’esprit de jeu et de transgression des règles renvoient aux recherches et créations de l’Oulipo. Les cadres se brisent, les frontières sont abolies dans ce jeu créatif. La question de Borges fait écho dans différentes œuvres, qui manipule derrière l’apparence, derrière la surface plane du miroir ? Qui joue et qui est joué, comme s’interroge l’héroïne de Lewis Carroll ? Est-ce un dieu ou un démon ? L’amour du jeu d’échecs, chez l’auteur, est né à la croisée de diagonales, la Volga et le Danube, non loin de Nabokov chassant le papillon dans les forêts de bouleaux… Non loin des subtiles déambulations de Zweig à travers Vienne, « monde d’hier »… Installée actuellement aux confins de la rue Georges Perec. Enfant, elle ressemblait à Alice ; adulte, après la traversée du miroir, elle est restée éprise de jeux et de liberté. Jeux d’échecs littérature et mondes possibles : Perec, Nabokov, Zweig, Lewis Carroll... Véra Gandelman Terekhov Jeu d’échecs : littérature et mondes possibles Jeu d'échecs : littérature et mondes possibles L’Ecarlate 19 années d’édition Littérature, érotisme, essais critiques, rock’n’roll Déjà parus Dominique Agostini : La petite fille qui cachait les tours François Audouy : Brighton Rock(s) François Baschet : Mémoires sonores Georges Bataille : Dictionnaire critique Jean-Louis Derenne : Comment veux-tu que je t’embrasse… Louis Chrétiennot : Le chant des moteurs (du bruit en musique) Jean-Christophe Dollé : Abilifaïe Leponaix Jean-Christophe Dollé : Blue.fr Guy Dubois : La conquête de l’Ouest en chansons Brigitte Fontaine : La limonade bleue Erwann Gauthier : L’art d’inexister Erwann Gauthier : Les vivacités silencieuses Pierre Joinul : Dingoraminoir Pierre Jourde : La voix de Valère Novarina Akos Kertesz : Le prix de l’honnêteté Akos Kertesz : Makra Greg Lamazères : Bluesman Marianne Le Morvan : Berthe Weil, la petite galeriste des grands artistes Jacques-André Libioulle : la déraille Marielle Magliozzi : Art brut, architectures marginales Alain Marc : Ecrire le cri (Sade, bataille, Maïakovski…) Thierry Marignac : Des chansons pour les sirènes Claire Mercier : Figures du loup Claire Mercier : Désir d’un épilogue Pierre Mikaïloff : Some clichés, une enquête sur la disparition du rock’n’roll André Németh : La Commune de Paris ! Bernard Noël : L’espace du désir Ernest Pépin : Jardin de nuit Maria Pierrakos : La femme du peintre, ou du bon usage du masochisme Enver Puska : Pierres tombales Jean-Patrice Roux : Bestiaire énigmatique NathYot : Erotik mental food Jean Zay : Chroniques du grenier L’Ecarlate – Jérôme Martin Librairie Les Temps Modernes : 57, rue N.D. de Recouvrance, 45000 Orléans ecarlate.jeromemartin@yahoo.fr Vera GANDELMAN TEREKHOV Jeu d'échecs : littérature et mondes possibles Perec, Nabokov, Zweig, Lewis Carroll... L’Ecarlate © L’HARMATTAN, 2013 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-99496-6 EAN : 9782296994966 5 Introduction Le jeu d’échecs fascine à tel point qu’il a été l’objet d’attention dans des domaines de la vie intellectuelle extrêmement divers. Il a été notamment exploité sur le plan thématique et structurel dans la littérature et le cinéma. Le jeu d’échecs s’inscrit dans la problématique générale du lien entre le ludique, et l’écriture et la créativité. Ce jeu de compétition intellectuelle représente une des multiples modalités du jeu dans la littérature parmi d’autres tels les jeux de hasard ; l’activité ludique, en général, apparaît dans des littératures appartenant à diverses aires culturelles et linguistiques ; entre beaucoup d’autres œuvres, le jeu de cartes est au centre du récit de Pouchkine La Dame de pique 1, l’engouement pour la roulette dans Le Joueur 2 de Dostoïevski. Lewis Carroll a intégré les cartes et le criquet dans Alice au Pays des merveilles 3. Plus tard, les multiples facettes du jeu ont intéressé les écrivains post- modernes non seulement sur le plan thématique mais encore du point de vue structurel ; on pense à La Marelle de Cortázar 4 ou aux écrivains du mouvement Oulipo, qui dévoilent la variété des jeux et de leurs modes d’intégration dans la littérature. On retiendra l’exploitation du jeu de go dans la poésie de Roubaud 5 ou du jeu de tarot comme embrayeur narratif chez Calvino dans Le Château des destins croisés 6. Dans la littérature post-moderne, qui met en avant la notion d’auto-référentialité, le jeu s’est révélé comme constituant majeur de 1 Pouchkine, Alexandre, «La Dame de pique», trad. par G. Arout, dans Pouchkine, Griboïedov, Lermontov. Paris : Gallimard, 1973. 2 Dostoievski, Fédor, Le Joueur, trad. Sylvie Luneau. Paris : Gallimard, 1993. 3 Carroll, Lewis, Alice’s Adventures in Wonderland, dans The Complete Works of Lewis Carroll, introduction A. Wollcott. New York : Randon, 4 « Vers l’échiquier éclaté : Marelle, de Julio Cortázar » in Echiquiers d’encre : Le Jeu d’échecs et les Lettres (XIXe - XXe s.), sous la direction de Jacques Berchtold, Prologue de George Steiner, Genève : Droz S.A., 1998, p. 426 : « Tout se passe donc comme si le conflit opposant le rationnel à l’irrationnel était à la fois redoublé et figuré par l’antagonisme implicite de deux paradigmes ludiques (échecs/marelle). » 5 Roubaud, Jacques, €, Paris : Gallimard, 1967. 6 Calvino, Italo, Château des destins croisés, trad. de l’italien par Jean Thibaudeau, Paris : Seuil, 1998. 6 l’écriture, traduisant un engouement pour l’application de la règle dans l’espace de la fiction. Par post-modernisme, nous entendons un mouvement esthétique post- Auschwitz ou post-Hiroshima : certains critères mettent en avant une crise de la représentation due à l’érosion des valeurs face aux massacres à grande échelle élaborés par la rationalité humaine. Ces critères ont été définis par quelques traits essentiels par Ihab Hassan 7, dont on retiendra quelques caractéristiques qui nous semblent importantes en fonction des paradigmes discursifs que nous avons choisis. Le premier critère essentiel est l’indétermination, induisant le culte de l’erreur ou de l’omission volontaire qui conduisent le lecteur à une interprétation erronée. Un second point doit être souligné : le post- modernisme révèle une esthétique de la fragmentation et du montage. L’œuvre est décomposée et reconstituée à la manière d’un puzzle. Une troisième caractéristique peut être définie par le refus de la mimésis et de la description. L’auto-référentialité confère au texte une autonomie par rapport au réel. Enfin, le post-modernisme introduit une ironie, qui implique une distanciation et l’instauration d’un univers de pluralités, qui traduit le refus de l’esprit de système. Ces quatre critères essentiels s’inscrivent dans le fonctionnement du jeu d’échecs, où les effets en trompe-l’œil permettent de leurrer l’adversaire ; les unités fragmentées, constituées par les cases et les pièces, forment un ensemble auquel le joueur, créant sa partie de manière distanciée, instaure son univers : ce monde possible cohabite avec une pluralité d’autres mondes possibles, qui pourraient s’élaborer à partir de chaque embranchement de la partie. Le jeu d’échecs est fondé sur une dynamique de localisation, où les éléments sont disposés de manière significative les uns par rapport aux autres. La fragmentation et la cohérence des éléments entre eux rapprochent le jeu d’échecs du langage, ce qui explique son utilisation métaphorique dans le domaine de la linguistique. Les pièces du jeu d’échecs renvoient aux différentes unités linguistiques qui forment la langue dans son ensemble. Les unités ne sont cohérentes qu’en relation les unes avec les autres. L’intérêt porté au jeu d’échecs, en effet, ne se limite pas à la production artistique. Au sein de la 7 Hassan, Ihab. The Postmodern Turn : Essays in Postmodern Theory and Culture. Ohio : Ohio State University Press, 1987, pp. 168-173. Ihab Hassan énumère onze critères pour définir l’esthétique post-moderne : “Indeterminacy, fragmentation, decanonization, self-less-ness (or depth-less- ness), the unpresentable, irony, hybridisation, carnivalization, performance (or participation), constructionism and immanence.” 7 critique uploads/Litterature/ actannts.pdf
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- Publié le Aoû 20, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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